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Salle Pleyel : Or et dessous d’une réouverture

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Crédit photographique : © Archives Pleyel, extrait du livre Pleyel, une histoire tournée vers l’avenir (Arnaud Marion / Editions de la Martinière, novembre 2005) ; Jérémie Bouillon – extraits du livre La salle Pleyel, lieu de modernité (Arnaud Marion / Editions de La Martinière, à paraître)

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Enfin nous l’avons ! Le fleuron parisien de la musique, après 3 ans de mutisme total, ouvre ses portes. C’est une Salle Pleyel remise à neuf et totalement transformée que nombre de spectateurs vont découvrir dès le 13 septembre. Mais à quel prix ! Un petit historique s’impose.

1998 : Le Crédit Lyonnais, propriétaire « par accident » de la Salle Pleyel, décide de la mettre en vente. La banque n’a pas ses comptes au beau fixe, un scandale (discrètement étouffé par le gouvernement en place au début des années 90, avec un déficit abyssal comblé généreusement par Edouard Balladur, alors Premier Ministre, Edmond Alphandéry, Ministre de l’Economie, et Nicolas Sarkozy, Ministre délégué au Budget) l’ayant considérablement ébranlée. 1998 pour le Crédit Lyonnais est aussi la fin de la mise en place de sa privatisation par Dominique Strauss-Kahn, privatisation commencée en 1995 lorsque Alain Juppé était à la tête du gouvernement. Les locaux de la rue du Faubourg Saint-Honoré sont mis en vente au prix de 66 millions de francs, mais l’acquéreur pressenti, l’Etat, est aux abonnés absents. Le Ministère de la Culture (dirigé alors par Catherine Trautman) laisse ainsi lui échapper la seule grande salle de concert de Paris… C’est un investisseur privé, Hubert Martigny, cofondateur de la société Altran Technologies qui la rachète sur ses fonds propres. En 1999 elle entre dans l’inventaire des Monuments Historiques (mieux vaut tard que jamais). En 2000 il acquiert les pianos Pleyel, alors proches du dépôt de bilan, et ambitionne de réunir les deux institutions, séparées depuis 1929, en déposant les marques Pleyel et Salle Pleyel. Le milieu musical parisien est en émoi quand il nomme son épouse Carla Maria Tarditi à la direction artistique de Pleyel. Cette femme chef d’orchestre – dont il est bien difficile encore aujourd’hui à l’heure d’Internet de trouver le parcours et les engagements – ambitionne de rationaliser les saisons parisiennes symphoniques souvent redondantes dans leurs programmations. En vain.

Mais la crise économique n’épargne personne, et Arnaud Marion, administrateur d’IDSH (la société d’exploitation de Pleyel) est appelé à la rescousse pour faire fonctionner une salle qui, de 1998 à 2003, a connu une gestion exclusivement privée. Les travaux de rénovation sont urgents et coûteux : près de 38 millions d’euros. L’Etat, une fois de plus pressenti pour reprendre la salle, ne peut réunir les fonds nécessaires. Arnaud Marion propose alors un plan inédit jusqu’alors dans l’histoire des finances publiques : un entrepreneur privé emprunte pour l’Etat qui s’engage à le rembourser… Pleyel revient effectivement dans le giron public mais dans un dispositif inverse à ce qui a été connu : le Ministère de la Culture (par le biais de Cité-Pleyel, organisme dépendant de la Cité de la Musique et présidé par Laurent Bayle) loue la salle à son propriétaire privé (Hunbert Martigny). L’affaire est juteuse : hors coûts de fonctionnements (3, 5 millions d’euros/an) la location est à 1, 5 millions d’euros l’année. Martigny récupère donc sa mise initiale (achat de 1998) tous les dix ans. Dans 50 ans, lors de la cessation du bail, l’Etat récupèrera la salle pour un euro symbolique.

Si ce montage financier peut paraître abscons pour le néophyte, le résultat est qu’une nouvelle Salle Pleyel, remise à neuf, va être enfin à disposition. Les esprits chagrins déplorent la coïncidence de la « nouvelle » Pleyel avec le futur auditorium de Radio-France (1500 places) et la future grande salle symphonique annoncée en 2005 par Renaud Donnedieu de Vabre entre Porte de Pantin et Porte de la Villette. Un souci de profusion qui ne se pose ni à Londres ni à New-York, où les salles de renom à vaste jauge (plus de 2000 personnes) sont bien plus nombreuses. Par sa position centrale, proche d’une des avenues les plus célèbres du monde, et par son architecture Arts Déco, la Salle Pleyel s’annonce comme le lieu privilégié des concerts parisiens de prestige.

Car c’est bien un endroit musical parisien dépositaire des « années folles » (avec le Théâtre des Champs-Élysées), la rénovation de Pleyel a permis de remettre au jour et en évidence les ors et prestiges voulus lors de sa création en 1927 par Gustave Lyon, ingénieur et dirigeant des pianos Pleyel. La nouvelle salle, outre la remise en avant de ce formidable patrimoine, s’ornera de fresques contemporaines ancrant ainsi son histoire dans le IIIe millénaire.

Façade, vestibule, hall et foyer

L’entrée du public de Pleyel connaît peu de changement. Les habitués retrouveront la grande verrière de la rue du Faubourg Saint-Honoré, mais en lieu et place du magasin de disque (fort cher d’ailleurs à l’époque) est mise la billetterie, ce qui relève de l’évidence même. Le hall d’entrée, judicieusement pensé en matière d’orientation du public, outre les dispositions habituelles (accueil, vestiaires, toilettes, …) retrouve sa mosaïque octogonale au sol, juste au-dessus du de la rotonde enfin rouverte, créant ainsi un puits central de lumière. L’entrée renoue avec les dispositions en courbes et lignes droites entretenues par les ferronneries de Raymond Subes (qui assura aussi les décorations intérieures des ferries Le France, Le Liberté ou Le Normandie, mais aussi le musée des arts d’Afrique et d’Océanie, la Caisse des Dépôts et Consignations, la Banque de France, …), les médaillons symbolisant musique et silence de Le Bourgeois et les luminaires en bronze et fer forgé de Baguès, dont les créations (l’atelier Baguès est toujours actif à ce jour) ornent le château de Versailles, l’hôtel Ritz ou la Banque de France.

Au premier étage, qui fut à l’origine le lieu d’exposition des pianos Pleyel, puis un studio de danse, sera le foyer, vaste lieu public aux lignes épurées dévolu aux temps d’entracte par la présence d’un bar, et orné de fresques contemporaines commandées à Marco Del Re.

Locaux annexes, studios, bureaux et loges

Si les petites salles annexes (Chopin et Debussy) ont disparu au profit de lieux polyvalents et d’une régie dévolue à Radio-France, les immeubles de la rue Daru (l’arrière de la Salle Pleyel, adossée à la cathédrale orthodoxe russe de Paris) ont été eux aussi entièrement rénovés et isolés, de façon à permettre un accueil optimal des artistes, qu’ils soient résidents, permanents ou invités.

La salle

Enfin la voila, mais réduite. Non point en volume, mais en nombre de places. La nouvelle salle a perdu près de 350 sièges. En avançant la scène, en élargissant la largeur des sièges et des allées de circulation et en créant des places accessibles aux handicapés, il faut bien prendre de l’espace au détriment d’autre chose. Le résultat est une salle aérée, non seulement par la réduction sensible de sa jauge, mais aussi par la suppression du faux plafond et de l’orgue (inactif et inutilisable depuis des lustres, pourtant conçu par Cavaillé-Coll et inauguré par Marcel Dupré). Les murs dorés d’origine puis bleu marine sont remplacés par un ocre très clair, qui se marie avec le lambris de la scène et du parquet et qui contraste avec le velours rouge des sièges. La disposition du public a subi aussi de légers remaniements : les balcons, dont l’inclinaison a été renforcée pour une meilleure visibilité, sont prolongés le long des murs latéraux. 160 fauteuils sont aussi derrière la scène, ce qui permettra au public, à l’instar de la salle de la Philharmonie de Berlin, d’entourer les musiciens ou de servir de place pour les chœurs (fini les sièges amovibles gris sales de l’ancienne salle). La scène elle-même est débarrassée de gradins inesthétiques par une série de trappes et plateaux à hauteur réglable en demi-cercles autour du podium du chef d’orchestre.

L’acoustique

La grande inconnue… Critiquée ou louée, revue, corrigée ou altérée par les divers travaux de rénovation (1929, 1957, 1981 et 1994), elle est à l’origine le fruit du travail génial de Gustave Lyon, qui a conçu la salle de manière totalement empirique (l’acoustique relevait alors plus du hasard qu’autre chose, sa rationalisation en tant que science est récente, et reste encore de nos jours un sujet délicat). Un travail loué en son temps par Le Corbusier, pas moins, et qui valu à son initiateur de devenir conseiller en acoustique de diverses salles de congrès, églises, … Cela ne se vérifiera qu’à terme, mais la collaboration du cabinet Artec de New-York laisse présager les meilleurs augures à ce niveau. Il suffit de demander aux heureux dijonnais qui leurs doivent l’excellente acoustique du récent auditorium de Dijon.

Pleyel ressuscitée a son avenir devant elle, qui au vu de la saison 2006/2007 risque fort d’être au moins autant prestigieux que son passé.

 

  • A venir : « Connaissance des Arts » du mois de septembre, consacré au patrimoine architectural et décoratif de la Salle Pleyel. La salle Pleyel, lieu de modernité d’Arnaud Marion, aux Editions de la Martinière (parution prévue pour octobre 2006 et prochainement chroniqué dans nos colonnes, bien sûr).

 

Sites Internet :

http : //www. pleyel. com/ l’entreprise Pleyel

http : //www. sallepleyel. fr/ programmation de la Salle Pleyel

http : //www. pleyel. fr/ les pianos Pleyel

http : //www. radiofrance. fr et http : //www. orchestredeparis. com orchestres résidents ou permanents de la nouvelle salle

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