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Aix en Provence. Grand Théâtre de Provence. 15-VII-2021. Richard Wagner (1813-1883) Tristan et Isolde, opéra en trois actes (1865) sur un livret du compositeur d’après la légende arthurienne éponyme. Mise en scène : Simon Stone. Décors : Ralph Myers. Costumes : Mel Page. Lumières : James Farncombe. Vidéo : Lukes Hall. Chorégraphie : Arco Renz. Avec : Stuart Skelton, Tristan ; Nina Stemme, Isolde ; Jamie Barton, Brangäne ; Josef Wagner, Kurwenal ; Franz-Josef Selig, Roi Marke ; Dominic Sedgwick, Melot ; Linard Vrielink, le Berger ; Ivan Thirion, le Timonier. Estonian Philharmonic Chamber Choir. London Symphony Orchestra, direction : Sir Simon Rattle.
Après de réjouissantes Noces de Figaro en ouverture, le Festival d'Aix en Provence referme l'édition 2021 avec une calamiteuse mise en scène de Tristan et Isolde due à Simon Stone, qui n'occulte pas la réussite musicale portée par Simon Rattle.
Depuis Patrice Chéreau, on ne s'étonne plus de la déconstruction des mythes comme procédé de mise en scène, dieux et héros ne font plus recette. Partant du principe que nous « mythologisons » nos relations amoureuses et sommes condamnés à l'immanence, Simon Stone nous livre une relecture vide de sens de ce premier Tristan aixois, qui sombre dans l'anecdote et le fait divers, inutilement provocateur sous couvert d'une fausse originalité, bien pâle succédané à une pensée en mal d'inspiration… L'argument est simple : Isolde, femme trompée découvrant la liaison adultère de Tristan va se réfugier, comme madame Bovary, dans le songe et le fantasme pour revivre le mythe à la lumière d'une post modernité triomphante. Pour ce faire Simon Stone utilise une scénographie en trois tableaux : à l'acte I, un somptueux salon ouvert sur une large baie vitrée où par la magie de la vidéo de Luke Halls les gratte-ciels se transforment de bien jolie manière en une mer houleuse répondant aux vagues hypnotiques des cordes du London Symphony Orchestra ; l'open space d'une start-up au II où l'hymne à la Nuit (pauvre Novalis !) et le duo d'amour se trouvent constamment pollués par une circulation intempestive de figurants en train de forniquer (sensualité oblige !) dans le bureau de la directrice (Isolde en l'occurrence !) ou de se déplacer en fauteuil roulant (image d'un Tristan décati ?) ; enfin, on atteint le sommet de l'incohérence à l'acte III quand Isolde rêve la mort de Tristan dans le métro parisien avant de repartir au bras de Melot ! On ne s'attardera pas sur le philtre d'amour caché au fond d'une boite de baskets par une Brangäne punkie et tatouée, heureusement bien chantante, des costumes hideux et des lumières sans attrait…
Reste qu'au sein de cet amoncellement abscons et hétéroclite, il y a la musique pour nous offrir le rêve (à nous aussi !), l'émotion et la passion que la scène nous refuse. On ne sait, en définitive, qu'admirer le plus de la direction véritablement habitée de Simon Rattle ou des sonorités enivrantes d'un LSO ; un orchestre londonien qui fait merveille de bout en bout pour son premier Tristan, déployant ses splendeurs (cordes chaleureuses, bois confidents, cuivres rutilants et cor anglais énigmatique de Maxwell Spiers) dans un climat chambriste alliant transparence orchestrale, équilibre, souplesse du phrasé, subtilité des nuances et réactivité comme autant d'arguments d'une réussite musicale rare et éclatante, enserrant les voix dans une étreinte passionnée.
La distribution vocale, quant à elle, se caractérise par son exceptionnelle homogénéité, dominée par l'inoubliable Nina Stemme en Isolde et le vaillant Stuart Skelton en Tristan : une soprano des grands soirs qui impressionne par sa puissance, son large ambitus, et son engagement scénique. Face à elle le Tristan de Stuart Skelton est à l'instar de Stephen Gould, un des plus grands Tristan du moment par son endurance comme par l'élégance de la ligne. Jamie Barton est une Brangäne de luxe, convaincante scéniquement et irréprochable vocalement, tandis que le Roi Marke de Franz-Joseph Selig, tout en noblesse, accuse quelque peu la charge des années avec un legato parfois défaillant et un chant quelque peu haché. Josef Wagner (Kurwenal), Dominic Sedgwick (Melot) et Linard Vrielink (le matelot /berger) complètent avec brio cette belle distribution, couronnée aux saluts par une standing ovation prolongée, bien méritée.
Crédit photographique : © Jean-Louis Fernandez
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