Brahms autrement automnal selon Antoine Tamestit et Cédric Tiberghien
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Johannes Brahms (1833-1897) : Sonates pour clarinette ou alto et piano op. 120 n° 1 et n° 2 ; Nachtigall op. 97 n° 1 et Wiegenlied op. 49 n° 4, dans des adaptations pour alto et piano ; Zwei Gesänge op. 91. Antoine Tamestit, alto (Stradivarius) ; Cédric Tiberghien, piano (Bechstein) ; Matthias Goerne, baryton. 1 CD Harmonia Mundi. Enregistré au studio Teldex de Berlin en septembre et octobre 2019. Textes de présentation, et textes des mélodies en français, anglais et allemand. Durée : 56:24
Harmonia MundiAntoine Tamestit et Cédric Tiberghien font enfin paraître leur vision des deux sonates opus 120 de Johannes Brahms, après les avoir longuement rodées en concert et après avoir surtout trouvé le piano historique idéal pour mettre en valeur leur démarche interprétative.
Brahms, en fin de vie, après avoir pensé poser définitivement la plume à l'achèvement de son second quintette à cordes opus 111, rencontre au printemps 1891 le clarinettiste Richard Mühlfeld, et s'émerveille de son talent. Il livre, dédiés à cet instrumentiste musagète et inespéré, coup sur coup, le Trio opus 114, le Quintette opus 115 et les deux ultimes Sonates opus 120 qui nous intéressent ici. Toutefois, le compositeur extrêmement rétif face aux « autres » clarinettistes contemporains, prévoit d'emblée pour ces quatre œuvres des versions alternatives où l'alto se substitue à l'instrument à vent. Ce sont surtout, et à juste titre, les deux ultimes sonates de l'opus 120 qui figurent, depuis lors, au répertoire de tous les altistes de renom.
Rarement une reproduction picturale en pochette aura-t-elle reflété la démarche artistique des musiciens et leur concept interprétatif. Herbst (Automne), peinture tardive de Johannes Itten (1888-1967), artiste abstrait quelques années associé aux débuts de l'école du Bauhaus, illustre à merveille, tant l'été indien du compositeur que par la théorisation de l'usage des couleurs, l'investissement chromatique des présents interprètes.
Pour le présent enregistrement, le pianiste a voulu pousser plus avant l'exploration timbrique des pianos du passé, histoire de sertir au mieux l'alto Stradivarius mis à la disposition d'Antoine Tamestit par la fondation Habisreutinger ; voici donc en réplique un splendide Bechstein de 1899 issu de la collection de Peter Salisbury. La richesse timbrique et harmonique de l'instrument à clavier, proprement phénoménale est certes présente mais au prix d'un haut médium un peu « fêlé » et surtout, malgré les restaurations probables, d'une mécanique assez fatiguée et d'un relatif rabotage dynamique (au fil du développement de l'Allegro appasionato de la première sonate, notamment). Mais l'équilibre est certes parfait avec le jeu très économe et pudique d'Antoine Tamestit, au vibrato justement limité, et au son juste un peu (volontairement) pincé dans l'aigu, plus à l'aise dans la confidence intime (sublimes Andante un poco adagio et allegretto grazioso de la première sonate, pacifié allegro amabile de la seconde) que de la franche évocation épique, tragique ou nostalgique (les allegro appasionato de chacune des œuvres). Cette version remarquable, parfois un rien monocorde dans ses intentions trouve son total accomplissement au fil du thème et variations ponctuant l'opus 120 n° 2, aux nombreux changements d'humeurs et d'éclairages ici parfaitement rendus. Ce disque, certes discutable, mais parfaitement abouti dans ce versant chambriste, est à notre sens bien plus passionnant que la version très standardisée signée Miguel da Silva – François-Frédéric Guy parue dans le même temps (Alpha), mais s'oppose en tout point –pour nous en tenir aux versions signées par les stars hexagonales actuelles de l'alto – à la vision plus héroïque de ton, plus incisive de phrasés, et plus roide d'accents, signée par Lise Berthaud et Eric Le Sage (La belle saison Live- B-Records) et plus encore pour la seule seconde sonate, la même (superbe) interprète plus aventureuse, si possible, en la suave compagnie d' un Adam Laloum idéalement complice (Mirare). Les adaptations de deux mélodies (Nachtigall, opus 97 n° 1, et la célébrissime Wiegenlied (opus 49 n° 4) sont assez anecdotiques.
Malheureusement ce disque est assez malencontreusement ponctué par une très navrante version des deux chants pour voix alto et piano, opus 91 de facto destinés à l'entrelacement de deux alti (la voix féminine et l'instrument à cordes). Confier ce diptyque à une voix de baryton relève déjà d'un contre-sens certain. De surcroît, Matthias Goerne, au style malencontreux et obtus par l'abus de soufflets dynamiques ou l'usage d'un vibrato parfois erratique, est en totale opposition à la démarche colorée et ascétique de ses partenaires.
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Johannes Brahms (1833-1897) : Sonates pour clarinette ou alto et piano op. 120 n° 1 et n° 2 ; Nachtigall op. 97 n° 1 et Wiegenlied op. 49 n° 4, dans des adaptations pour alto et piano ; Zwei Gesänge op. 91. Antoine Tamestit, alto (Stradivarius) ; Cédric Tiberghien, piano (Bechstein) ; Matthias Goerne, baryton. 1 CD Harmonia Mundi. Enregistré au studio Teldex de Berlin en septembre et octobre 2019. Textes de présentation, et textes des mélodies en français, anglais et allemand. Durée : 56:24
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