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Montpellier. Opéra Comédie. 24-VII-2006. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Bajazet, tragédie en 3 actes sur un livret d’Agostino Piovene (révision de Fabio Biondi). Mise en espace : Davide Livermore. Costumes : Giuseppina Giustino. Lumières : Alberto Giolitti. Avec : Christian Senn, Bajazet ; Vivica Genaux, Irene ; Romina Basso, Tamerlano ; Lucia Cirillo, Andronico ; Marina de Liso, Asteria ; Maria Grazia Schiavo, Idaspe. Europa Galante, direction : Fabio Biondi
Le Festival de Radio-France et Montpellier, pour son édition 2006, réservait une part importante à la musique ancienne. En ouverture du festival était donnée la résurrection de Sémélé de Marin Marais par le Concert Spirituel, puis la cantate Alexander-Fest de Haendel dans sa révision par Mozart, en attendant Amadigi di Gaula en version de concert.
Seul opéra baroque mis en scène, Bajazet était attendu avec impatience, précédé qu'il était de l'aura dont bénéficie l'ensemble Europa Galante et son chef Fabio Biondi grâce à leur enregistrement très remarqué de cette œuvre. L'équipe n'est plus tout à fait la même, mais encore une fois le maestro sait s'entourer d'excellents chanteurs baroques. Une distribution nouvelle, donc, à l'exception de la diva Vivica Genaux dans le rôle d'Irene… à quelle chanteuse en effet le confier dès lors que cette dernière fait référence dans les pyrotechnies de la princesse de Trébizonde ?
L'Orient ne cesse de fasciner Venise, terre qu'elle voudrait dompter pour y installer ses comptoirs, mais qui lui inflige aussi de cinglantes défaites. Vite mythifiés, les personnages de Bajazet, le magnifique sultan Ottoman, et de son ennemi Tamerlan, le cruel empereur des Tartares, inspirent dès le début du XVIIIe siècle à Gasparini, Haendel, Leo et à de nombreux autres compositeurs une cinquantaine d'œuvres lyriques, tour à tour intitulées Bajazet ou Tamerlan. Vivaldi s'essaye à son tour à l'exercice et utilise alors l'un des meilleurs livrets écrits sur ce sujet, le Tamerlano du comte vénitien Agostino Piovene, pour donner en 1735 à Vérone son Bajazet, tragedia per musica. Des intrigues retorses et compliquées dont le baroque a le secret, retenons « simplement » qu'Irène aime Tamerlan qui aime Asteria, fille de Bajazet, qui aime Andronico et en est aimée. Scènes de colère, de passion et de jalousie sont l'occasion pour Vivaldi de composer des airs virtuoses ou même d'en réutiliser – de sa main ou encore d'autres compositeurs, le fait est alors fréquent et accepté par les mœurs – pour les intégrer de façon plus virtuose encore à une intrigue d'une grande efficacité pour l'une de ses compositions lyriques les plus construites. Si le choix de programmer un opéra de Vivaldi débouche sur une production de Bajazet, on peut en chercher la raison dans l'extrême aboutissement de cette œuvre. Jusque dans les petits rôles, la partition est de bout en bout passionnante.
Le premier mérite de Fabio Biondi est de réunir autour de lui une distribution très homogène. Vivica Genaux remporte un franc succès avec chacun de ses trois airs et en particulier le désormais célèbre Qual guerriero, très applaudi. Plus que Bajazet ou Tamerlan, le jeune prince Andronico hérite d'une partition très importante. Il est idéalement interprété par la mezzo Lucia Cirillo. En voix dès la première scène, elle tient admirablement sur la durée, fait preuve d'une grande longueur de souffle et sait varier, moduler ses effets et donner vie et consistance à son personnage d'amant éploré. Son confident, Idaspe, est titulaire d'un rôle plus modeste mais virtuose, bien servi par un soprano lumineux en la personne de Maria Grazia Schiavo. Son chant est un modèle de compréhension de l'esthétique baroque dans ses vocalises charmantes lors de ses petits airs. Les rôles des princes ennemis sont tenus par Christian Senn, Bajazet remarquable pour la précision de sa diction, et le comédien Sax Nicosia doublé par la voix de Romina Basso pour incarner Tamerlan. La mezzo, parfois directement dirigée par Biondi fournit l'une des meilleures prestations de la soirée. Sa belle émission, ses couleurs cuivrées somptueuses, sa grande expressivité font regretter qu'elle ne soit pas elle-même sur scène pour défendre les couleurs du personnage. Marina de Liso livre quant à elle un chant bien différent de celui que l'on pourrait attendre. Loin de l'ingénuité de la jeune première, elle donne à Asteria la noblesse que le personnage requiert, une voix assez sombre et beaucoup de maturité, vocale et scénique.
Le travail de Livermore surprend un temps, à mi-chemin entre mise en espace et mise en scène. Sa vision est très chorégraphiée, tout en oscillant entre épure et pantomime parfois redondante pour l'acteur qui incarne scéniquement Tamerlan par exemple. Il s'attelle à la tâche difficile de mettre en scène un opéra baroque où il faut « meubler » les airs da capo, souvent longs avec un personnage seul en scène. Le pari est réussi avec bien souvent les autres personnages qui chantent en play-back ou partagent les gestes de celui d'entre eux qui est en train d'exécuter son air. Une façon de montrer que tous sont finalement dans la même situation, pris au piège de leurs intrigues amoureuses et que les vainqueurs ne sont pas plus heureux que les prisonniers ? Le parti pris est intelligent et cohérent. Plus facilement analysables sont les apparitions silencieuses d'Asteria lorsque son amant Andronico l'évoque ou celles de Tamerlan qui passe sur scène par deux fois lorsque Irène déplore qu'il la rejette, lancinante présence sur scène et dans l'esprit d'Irene. Livermore orchestre encore avec finesse un jeu de séduction entre Asteria et Irene lorsque les deux femmes concluent un marché. Et ce moment de lyrisme de Biondi est l'un des plus beaux moments du spectacle.
Crédit photographique : © Luc Jennepin
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Montpellier. Opéra Comédie. 24-VII-2006. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Bajazet, tragédie en 3 actes sur un livret d’Agostino Piovene (révision de Fabio Biondi). Mise en espace : Davide Livermore. Costumes : Giuseppina Giustino. Lumières : Alberto Giolitti. Avec : Christian Senn, Bajazet ; Vivica Genaux, Irene ; Romina Basso, Tamerlano ; Lucia Cirillo, Andronico ; Marina de Liso, Asteria ; Maria Grazia Schiavo, Idaspe. Europa Galante, direction : Fabio Biondi