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Avec La Ronde, Boris Charmatz face au Grand Palais

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Le Grand Palais, Paris. 16-I-21. Dans le cadre du Portrait Boris Charmatz présenté par le Festival d’Automne à Paris. La Ronde. Chorégraphie : Boris Charmatz. Avec 20 interprètes : Djino Alolo Sabin, François Chaignaud, Boris Charmatz, Médéric Collignon, Raphaëlle Delaunay, Clément Delliaux – comédien de la Compagnie de L’Oiseau-Mouche, Letizia Galloni – danseuse du Ballet de l’Opéra National de Paris, Emmanuelle Huynh, Axel Ibot – danseur du Ballet de l’Opéra National de Paris, Anne Teresa De Keersmaeker, Samuel Lefeuvre, Johanna Elisa Lemke, Johan Leysen, Soa Ratsifandrihana, Marlène Saldana, Salia Sanou, Florian Spiry – comédien de la Compagnie de L’Oiseau-Mouche, Asha Thomas, Sigrid Vinks et Frank Willens.
Assistanat chorégraphique : Magali Caillet-Gajan. Lumières : Yves Godin. Son : Olivier Renouf. Directeur technique : Erik Houllier. Régie générale : Fabrice Le Fur. Régie son : Perig Menez. Régie lumière : Nicolas Marc. Costumes : Marion Regnier.
Documentaire « Boris Charmatz face au Grand Palais » réalisé par Claire Duguet et Sophie Kovess-Brun et film « La Ronde de Boris Charmatz » réalisé par Julien Condemine, captation le 16 janvier 2021, diffusés sur France 5 le 12 mars 2021

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Sur France 5 la semaine dernière, une soirée retraçait la genèse de la création de La Ronde de , depuis le jour où le chorégraphe s'est vu confier par le directeur du Grand Palais un projet de danse, avant la fermeture de la grande nef pour quatre ans de travaux, jusqu'à la captation de ce programme hors norme.


Boris Charmatz
a déjà apprivoisé des lieux gigantesques en y déroulant ses danses et ses talents : le MOMA à New-York, la cour du Musée du Louvre, l'aéroport désaffecté de Tempelhof à Berlin, pour « Fous de danse », un projet qui depuis 2015 s'est tenu dans plusieurs grandes villes ; il sait penser ces lieux beaux et insolites, les apprivoiser, les aimer.

C'était donc le chorégraphe idéal pour inaugurer la fermeture temporaire du Grand Palais, créé en 1900 pour disparaître après l'Exposition universelle, et que Paris a finalement conservé pour la joie des yeux et des cœurs émerveillés qui pénètrent dans cette immense verrière, fragile et forte comme une dentelle devenue bâtiment de vert, de verre et de métal. 1900, c'est aussi l'année où Arthur Schnitzler publie La Ronde, qui raconte des couples de toutes classes sociales, qui s'aiment et sont aussi menacés par un virus (à l'époque, c'était la syphilis).

Au début du documentaire qui initie cette soirée télévisée, le chorégraphe est filmé à Bruxelles, au début du processus créatif. Il en est à J-347. Il commence à penser en ébullition une « tempête de gestes » (qui rappelle sa dernière chorégraphie Dix mille gestes) pour quatre cents danseurs, rien que ça. Cela devait être sublime, grandiose, et ça le reste (ou le devient) en un format plus réduit, qui s'impose à lui à cause de la pandémie, s'abattant sur la création comme une chape de plomb. Depuis son dressing, qu'il utilise pour s'isoler du bruit, confiné, garde le sourire, cheveux rasés de frais, mais il est au départ plus que perplexe. Tout ce qui fait l'essence de la danse est attaqué par ce virus, : partager, se voir, se toucher, s'inviter à danser ; bref c'est cataclysmique.

La danse est cette « fenêtre grande ouverte », dit-il, et sa créativité en acte forme un « espace mental », qui l' « aide à chorégraphier ». L'artiste, beau comme un soleil, en son pull marin bleu cobalt, dans cette épopée créative retracée avec douceur et bienveillance par les réalisatrices Claire Duguet et Sophie Kovess-Brun, rebondit et imagine des duos en boucle du petit matin à la nuit venue retraçant, en une « Ronde », l'histoire de la danse. Ce sont comme des flashs chorégraphiques puissants et intimes, qui donnent à voir, de façon encore magnifiée, des extraits de Herses de ou son Piano Phase extrait de Fase sur Steve Reich d'.


Le film La Ronde est issu de la captation de la création elle-même, ces vingt duos que l'on découvre sur le sol en béton austère de la vieille dame de fer. La Ronde est à voir, à la suite du beau documentaire : « Boris Charmatz face au grand Palais », grâce à la captation de quatre-vingt-dix minutes de Julien Condemine, en plongée depuis les passerelles du Grand palais ou comme frôlés par les caméras (car il y en a simultanément plusieurs) qui tournent autour des danseurs, depuis des endroits différents de la grande nef.

Le principe du chorégraphe est génial, c'est celui de la boucle et de la ronde, A danse avec B qui rencontre C puis C danse avec D, etc., de l'aube à la tombée de la nuit (douze heures donc). Cette grande boucle extraordinaire fut filmée à huis clos le 16 janvier dernier, avec une tension et une joie grave toute particulière, car en ces temps où nous ne pouvons plus nous toucher, voir des êtres (testés négatifs ici) nimbés de grâce, se prendre dans les bras, rouler à peau nue sur le béton, s'empoigner, se battre (la très belle Bataille de et ) est jouissif et si beau.

Dans ces vingt duos, il y aura aussi ces deux danseurs (superbes) de l'Opéra de Paris ( et ) qui dansent un extrait de Don Quichotte de Noureev et un autre de William Forsythe, et Anne Teresa de Keersmaeker, la divine flamande, qui partage sa Chaconne (Partita II de Bach) avec Boris Charmatz, et son Fase sur Steve Reich avec , ainsi que des comédiens-danseurs (ayant un handicap) de la compagnie l'Oiseau-Mouche, Florian Spiry et Clément Delliaux sur un extrait de Kiss ; mais aussi d'autres danseurs, tels sur pointes comme souvent, ou et , ou le couple âgé de comédiens belges, et Johan Leysen, qui interprète un passage d' Amour de Mickaël Haeneke, en inversant les rôles, tout aussi puissants.

Ces duos, de celui extrait de Herses de Boris Charmatz proposé en ouverture jusqu'à l'extrait envoûtant du deuxième Boléro d'Odile Duboc, en clôture, (sur Ravel évidemment), avec et Boris Charmatz, nous enchantent. Il y a aussi la belle Improvisation de au cornet et , et sur fond techno le duo et pour l'extrait des Idoles, la pièce de Christophe Honoré ; et encore et pour Café Müller de Pina Bausch.

Je ne peux que vous inviter à aller voir en replay cette Ronde de Boris Charmatz, magique s'il en est, en ce lieu lumineux et peuplé de fantômes (de la danse ici) quoique transparent, mais opaque aussi puisqu'il n'y a pas de public. Ce dernier est resté, confiné par le couvre-feu, chez soi, mais le chorégraphe invite son spectateur par le biais des yeux-caméras (virtuoses aussi comme les danseurs) à danser avec lui, et c'est là que s'opère la magie, en cette passion du partage que Boris Charmatz mène sans doute de haute lutte et avec grâce, depuis qu'il danse, soit depuis ses sept ans. Les duos sont de magnifiques pas de deux, qui sont l'essence même de la danse, c'est, dit Boris Charmatz son « ADN ». L'origine de la danse, c'est l'origine du monde et inversement. Il dit encore qu'« avec ces couples en relais, nous formons une chaîne humaine de contamination du désir. C'est ce même désir qui est actuellement malmené par la crise sanitaire… La danse représente l'abolition même de la distance sociale imposée par la pandémie. Nous devions le faire pour nos danseurs, mais aussi pour la société : dire que, malgré le contexte, le désir et le mouvement demeurent ». « Personne ne peut m'interdire de danser », dit-il, encore et encore, il est libre.

Crédit photographiques : Boris Charmatz © Laurent Philippe ; répétitions de l'événement Boris Charmatz, Rmn – Grand Palais © Marc Domage

 

 

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Le Grand Palais, Paris. 16-I-21. Dans le cadre du Portrait Boris Charmatz présenté par le Festival d’Automne à Paris. La Ronde. Chorégraphie : Boris Charmatz. Avec 20 interprètes : Djino Alolo Sabin, François Chaignaud, Boris Charmatz, Médéric Collignon, Raphaëlle Delaunay, Clément Delliaux – comédien de la Compagnie de L’Oiseau-Mouche, Letizia Galloni – danseuse du Ballet de l’Opéra National de Paris, Emmanuelle Huynh, Axel Ibot – danseur du Ballet de l’Opéra National de Paris, Anne Teresa De Keersmaeker, Samuel Lefeuvre, Johanna Elisa Lemke, Johan Leysen, Soa Ratsifandrihana, Marlène Saldana, Salia Sanou, Florian Spiry – comédien de la Compagnie de L’Oiseau-Mouche, Asha Thomas, Sigrid Vinks et Frank Willens.
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