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Estelle Lowry, à la tête d’une Maison de la Musique Contemporaine en chantier

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Nommée en octobre 2019, la directrice de La , a pris officiellement ses fonctions en juillet 2020, date de la fusion des trois associations existantes : le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine (CDMC), la Musique Française d'Aujourd'hui (MFA) et la Musique Nouvelle en Liberté (MNL). Une seule et même entité qui rassemble et croise les ressources et les moyens d'action de ces organismes historiques en vu d'un projet transversal. Pour ResMusica, la directrice revient sur le fonctionnement et les actions d'une Maison née en pleine pandémie et qui doit faire face à la situation plus que difficile que connaît aujourd'hui le monde de la Culture.


ResMusica : La MMC dont vous avez pris la direction fusionnent trois structures parisiennes géographiquement éloignées l'une de l'autre. A-t-elle trouvé un toit aujourd'hui ?

: Pas encore malheureusement ; je suis donc une directrice assez mobile qui travaille dans les anciens locaux de Musique Nouvelle en Liberté, rue du Louvre, et qui essaie de se rendre assez souvent sur le site de la Villette (CDMC) et rue Geoffroy-l'Asnier, dans les bureaux de l'ancienne MFA.

RM : Comment s'est constituée l'équipe qui vous épaule désormais?

EL : Elle compte d'abord les dix salariés des associations historiques, qui, pour l'instant, continuent de travailler dans leurs lieux respectifs. Viennent d'être nommées : Virginie Puff, administratrice de la MMC et Églantine de Boissieu, cheffe du pôle Accompagnement et services aux professionnels. Nous devrions, à terme, former une équipe de quinze salariés.

RM : La MMC, poursuivant les missions de MNL et MFA, a d'abord vocation d'aider financièrement les créateurs dans leur projet compositionnel et discographique. Comment ces aides se concrétisent-elles ?

EL : En ce qui concerne l'aide à la création, nous allons mener une politique de co-commandes avec accompagnement financier pour permettre une meilleure diffusion des œuvres nouvelles et leur offrir la possibilité d'être reprises dans d'autres lieux et devant d'autres publics. Quant aux projets discographiques, ils bénéficieront toujours d'une aide financière qui se recentre, au sein de la MMC, sur la musique contemporaine dite “savante” (écrite ou sur support), le jazz et les musiques du monde étant transférés vers d'autres structures d'accueil.

RM : Étant donné l'actuel état des choses, prévoyez-vous des aides supplémentaires pour les mois et années à venir ?

EL : L'année 2021 s'envisage pour nous comme une année de transition et nous sommes en train de réfléchir à la mise en place de nouveaux dispositifs qui prennent en compte la situation actuelle et qui, nous l'espérons, pourront être effectifs avant l'été.

RM : Depuis l'ouverture de la MMC, une politique de ressources documentaires est menée très activement par l'équipe, en lien avec l'ancien CDMC et le Portail de la musique contemporaine. En quoi consiste-t-elle?

EL : Plusieurs chantiers sont ouverts à ce niveau : nous sommes en train de finaliser notre site où l'on pourra trouver toutes les informations utiles et les modalités de fonctionnement concernant l'activité de la MMC. Nous envisageons d'autre part, à côté du site, la création d'une plateforme collaborative et innovante qui sera accessible aux professionnels comme au public, mettant en commun les ressources numérisées du CDMC, de MFA et MNL, notamment du Grand Prix Lycéen des Compositeurs dont nous avons repris activement la gestion. Nous étudions également la question de savoir si nous serons en mesure d'accueillir le fonds documentaire du CDMC ou s'il faut d'ores et déjà réfléchir à son transfert dans une autre institution.

RM : Vous venez de citer le GPLC, une action d'envergure pour la sensibilisation du jeune public à la musique contemporaine, qui a fêté en 2020 ses vingt ans d'existence.

EL : C'est indéniablement une belle et grande aventure, très porteuse en termes de sensibilisation à la musique d'aujourd'hui qu'avait en main MNL depuis 2013. Il concerne chaque année quelques 3000 lycéens de la France entière qui vont écouter et découvrir avec leur professeur de musique les six compositeurs sélectionnés. Ils vont également pouvoir dialoguer, dans leur salle de classe, avec les compositeurs qui viennent présenter leur travail. Nous avons cette année élargi le champ d'action aux classes de troisième des collèges qui pourront, eux aussi, participer au vote à partir d'un choix d'œuvres plus restreint.

RM : Quelles autres stratégies peuvent être développées pour toucher les jeunes oreilles ?

EL : Elles sont nombreuses et nous avons à cœur de prospecter dans cette direction. Nous avons conclu, dans le prolongement des activités du GPLC un partenariat avec la Médiathèque Musicale Mahler (Fondation Royaumont), le CRR de Paris et les classes CHAM (classes à horaires aménagés) du collège Octave Gréard de Paris ; l'idée étant d'inviter deux compositeurs de générations différentes et deux pianistes dans le cadre de l'heure de musique hebdomadaire pour initier les collégiens au monde sonore contemporain et les inviter dans un même élan à rejoindre le GPLC. Nous pensons également à des organismes comme Demos ou Orchestre à l'école, très engagés dans une politique de commande eux-aussi, qui s'inscrivent naturellement dans la mission de la MMC désireuse de voir la musique contemporaine jouée par les plus jeunes. Le développement des publics de la musique contemporaine ne peut se faire sans la formation professionnelle, en partenariat avec les conservatoires, pour sensibiliser les musiciens d'aujourd'hui comme de demain à la médiation et à la relation essentielle avec le public.

RM : Quelle place est faite dans le secteur de la musique contemporaine aux projets pluridisciplinaires tels que la musique à l'image, les associations musique et geste, installations, musique et arts plastiques, etc.?

EL : L'interdisciplinarité a un effet de décloisonnement par la construction d'un projet commun répondant à des objectifs partagés. Par exemple, la commande d'une œuvre musicale à destination d'un ballet favorisera l'échange de savoirs et de compétences mais aussi le croisement et l'élargissement des publics. Dans cette même logique, des collaborations originales avec d'autres genres musicaux font sens. La MMC souhaite faciliter et accompagner la réalisation de projets pluridisciplinaires en contribuant activement au développement de ces collaborations afin de pouvoir accroître le rayonnement et la visibilité du répertoire contemporain.

RM : Autre mission qui vous tient à cœur, celle d'instaurer la parité en encourageant et en soutenant le travail des compositrices. Le problème s'est posé très récemment concernant la pré-sélection du GPLC.

EL : On a en effet constaté qu'il n'y avait pas suffisamment, sur le marché du disque, de CD monographiques de compositrices. Un état de fait qui nous incite à aider et accompagner la création féminine dans le secteur discographique mais aussi à repenser les critères de sélection du GPLC : en faisant appel à d'autres supports numériques, dans un contexte où le disque, en tant qu'objet physique, menace de disparaitre. Nous pensons notamment aux enregistrements de « Création mondiale » d'Anne Montaron sur France Musique qui fait une très large part à la création féminine ou à des captations de concerts à Radio France qui garantissent une qualité des supports. Ces nouvelles dispositions concernent la prochaine sélection du GPLC et nous voudrions les communiquer officiellement lors de la Journée Nationale qui aura lieu le 25 mars prochain à la Maison de la Radio. Il est important de donner une image la plus large et la plus diverse possible de la création d'aujourd'hui aux lycéens et collégiens qui la découvrent.

RM : En chantier également et dans le même élan, ce partenariat avec le centre Présences Compositrices initié par Claire Bodin et la base de données « Demandez à Clara » qui recense les noms et les œuvres des compositrices du passé et d'aujourd'hui.

EL: MNL soutenait le festival Présences féminines de Toulon porté depuis dix ans par Claire Bodin. La MMC entend poursuivre ce compagnonnage et voudrait renforcer son partenariat en aidant de manière technique et avec ses compétences et son énergie le travail engagé par Présences compositrices, en lui donnant toute sa visibilité. Nous avons ainsi, sous le titre Écrire au féminin, lancé, en lien avec Présences Compositrices et l'ouvrage L'égalité en actes « Compositrices » de l'ancien CDMC, dix-sept portraits de compositrices (fiche descriptive et extrait musical) à (re)découvrir sur Balises, le magazine de la Bibliothèque publique d'information (Bpi). La volonté de la MMC est de reprendre les actions qui étaient menées par les trois structures et de les rendre transversales : nous souhaitons soutenir le festival Présences féminines par un apport financier mais également au niveau de ses ressources documentaires, humaines et techniques. Nous pensons également à des actions de sensibilisation auprès du public dans le cadre du festival.

RM : Le 1er janvier 2020, Jean-Philippe Thiellay accède à la présidence du Centre National de la Musique (CNM). Comment vous situez-vous par rapport à cette nouvelle institution ?

EL : Nous échangeons régulièrement avec le CNM, sur la question des soutiens financiers mais aussi en termes de médiation et de ressources tutorielles. Nous œuvrons au service du CNM et souhaitons le faire profiter de notre expertise et des spécificités et enjeux singuliers de la création dans la mesure où il a reconnu la légitimité de notre existence. Nous travaillons aujourd'hui à la meilleure articulation et synergie possibles avec le CNM mais aussi avec la SACEM et le Ministère de la Culture.

RM : Vous vous êtes donnée comme mission de rassembler et de fédérer tous les acteurs de la création musicale. Il faut compter aujourd'hui avec le Syndicat français des compositrices-teurs de musique contemporaine (SMC) et La Fédération…

EL : La chose est historique et j'approuve totalement ces initiatives qui contribueront, je l'espère, à fortifier la place du compositeur dans la politique culturelle. Le fait de vouloir réfléchir ensemble et de militer pour leur art est aussi louable que nécessaire aujourd'hui. Je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer les membres du bureau du SMC mais j'échange régulièrement avec la Fédération qui souhaite agir pour la promotion du statut du compositeur et pour une meilleure visibilité dans l'environnement social. Ces deux instances revendiquent une même volonté d'agir en se regroupant. Il est certain que nous sommes amenés à réfléchir ensemble à des modalités d'accompagnement et je souhaite bien évidemment m'associer à leurs actions et les soutenir à la hauteur de nos ressources.

RM : Quel autre sujet brûlant anime la MMC au sixième mois de son existence ?

EL : Celui de tous les acteurs de la vie artistique et culturelle : voir reprendre l'activité des concerts avec la réouverture des salles au public. Plus personnellement, mon vœu le plus cher est de donner très vite un toit à cette Maison pour que l'équipe puisse se réunir, travailler en véritable synergie. Que la MMC soit le lieu d'échanges, de rencontres et d'actions, ponctuées, je le souhaite, de journées professionnelles in situ.

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