Échos de la Grande Guerre par Lucien Durosoir et Philippe Hersant
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Lucien Durosoir (1878-1955) : Funérailles. Philippe Hersant (né en 1948) : Sous la pluie de feu. (1) Taurida International Symphony Orchestra, direction : Mikhail Golikov. (2) Hélène Collerette, violon ; Nadine Pierre, violoncelle ; Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : Pascal Rophé. 1 CD Hortus. Collection Les Musiciens et la Grande Guerre Vol. 36. Enregistré (1) à Saint-Pétersbourg en juillet 2017 ; (2) en public lors de la création mondiale le 16 novembre 2018 à Radio-France. Notice bilingue : français-anglais. Durée : 61:03
HortusPour son 36ᵉ et ultime volume, la collection « Les Musiciens et la Grande Guerre » éditée par le label Hortus met en miroir Lucien Durosoir avec Funérailles et Philippe Hersant avec Sous la pluie de feu.
Un rapprochement qui peut paraître anachronique à première vue, et pourtant…Un face à face qui fait sens quand on sait que Sous la pluie de feu, double concerto pour violon et violoncelle de Philippe Hersant, fut composé en 2018 en hommage au même Lucien Durosoir, violoniste et compositeur et à Maurice Maréchal, violoncelliste, tous deux soldats de la Grande Guerre.
Ceux qui s'attendaient à une longue déploration méditative en seront pour leur frais, les Funérailles, chez Lucien Durosoir, sont grandioses, solennelles et quelque peu joyeuses, comme en témoigne cette magnifique Suite pour grand orchestre. Cette œuvre fut composée entre 1927 et 1930 comme un hommage aux camarades disparus entre 1914 et 1918. Troisième œuvre symphonique du compositeur, elle comprend quatre mouvements dont les titres respectifs s'appuient sur des fragments poétiques de Jean Moréas dont ils dictent l'éthos dominant. Roses de Damas fait valoir son impressionnante ampleur sonore dans une vaste mélodie évoluant par vagues, réunissant de façon assez condensée toutes les forces orchestrales. Je me souviens… met en avant une orchestration foisonnante avec une harpe omniprésente soutenue par une dynamique allègre. Toutes les facettes de l'orchestre s'y déploient dans un jeu de timbres (cordes, vents et percussions) une rythmique variée et une belle ligne mélodique. Plus plaintif et recueilli Voix qui revenez… laisse une large place aux vents, tout entier occupé par un constant élan nostalgique et un lyrisme contenu. Toc, Toc, le menuisier des trépassés…change complètement de climat, s'éloignant de toute élégie par ses rythmes complexes, son phrasé haché, prenant par instant une allure presque sarcastique (vents) étonnante et décalée, voire un peu jazzy, avant une coda un peu hollywoodienne par ses fanfares de cuivres.
Sous la pluie de feu de Philippe Hersant, double concerto pour violon et violoncelle, s'inscrit dans une esthétique bien différente, plus épurée. Après un prologue d'une fluidité attentiste où ostinato du violoncelle et complainte du violon dépeignent, dans un dialogue serré, une certaine déploration angoissée, la partie centrale de l'œuvre décrit, dans un phrasé très narratif, l'horreur des combats par sa rythmique chaotique, et ses ostinatos répétés motoristes (violoncelle de Nadine Pierre) d'où émerge difficilement le lyrisme balbutiant du violon d'Hélène Collerette, dans une sorte de danse de guerre inexorable et dissonante, avant qu'un dialogue entre les deux instruments ne s'opère de façon plus apaisée, entrecoupé de soubresauts orchestraux récapitulatifs comme autant de réminiscences d'une mémoire qui peine à faire son deuil.
Au plan interprétatif, il convient de saluer la maîtrise de la direction de Mihkail Golikov comme celle de Pascal Rophé à la tête de leur phalange respective, toutes deux irréprochables, sans oublier, dans ce concert d'éloges, les deux figures familières de Nadine Pierre au violoncelle et d'Hélène Collerette au violon, deux habituées de l'excellence.
Ainsi s'achève cette superbe collection avec deux œuvres de caractère qui seront pour beaucoup deux belles découvertes.
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