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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Quatuor à cordes n° 14 op. 122 ; Cantate de chambre « Les trois palmiers », sur un poème de Mihail Lermontov op. 120 ; Quatuor à cordes n° 15 op. 124. Joanna Freszel, soprano ; Silesian Quartet : Szymon Krzeszowiec, 1er violon ; Arkadiusz Kubica, 2e violon ; Łukasz Syrnicki, alto ; Piotr Janosik, violoncelle. 1 disque CD Accord. Enregistré en 2019 dans la salle de concert de l’Académie de musique Karol Szymanowski de Katowice (Pologne). Notice polonais-anglais. Durée : 67:38
CD AccordPoursuivant l'exploration du répertoire chambriste de Mieczysław Weinberg, le Quatuor Silésien propose, pour son dernier opus discographique, une vibrante interprétation des Quatuors à cordes n° 14 et n° 15 et de la cantate de chambre Les trois palmiers avec la soprano Joanna Freszel en soliste.
Longtemps méconnu en occident, considéré comme un pale épigone de Chostakovitch, Mieczysław Weinberg connait depuis quelques années une renaissance méritée visant à faire redécouvrir une œuvre conséquente, en quantité comme en qualité, abordant tous les domaines, symphonique, lyrique et chambriste où le corpus des 17 quatuors à cordes occupe une place de choix, ayant donné lieu à une intégrale discographique par le Quatuor Danel publié en 2014 par le label CPO (6 CDs), repris sur scène par les mêmes acteurs en 2019 à la Philharmonie de Paris.
Né à Varsovie en 1919, au sein d'une famille de musiciens d'origine juive, Weinberg fut condamné à l'exil et à l'errance en Biélorussie puis en Ouzbékistan pour fuir les persécutions antisémites nazies, avant de s'installer en URSS où il eut à subir les affres de la dictature stalinienne. Grand ami de Chostakovitch, il mourut à Moscou en 1996.
Les trois œuvres présentées ici furent composées entre 1977 et 1979, une époque particulièrement douloureuse pour le compositeur, faisant suite à la mort de Chostakovitch en 1975, et au passage à l'ouest de nombre de ses amis musiciens, des manques expliquant la dépression et le sentiment d'isolement dont se nourrissent ces compositions.
Bien que quasiment contemporains les Quatuors n° 14 et n° 15 différent par la forme : cinq mouvements pour l'un avec une relative unité formelle ; 9 mouvements pour l'autre qui se présente plutôt comme une succession de petites miniatures juxtaposées ne retrouvant un semblant d'unité que dans la coda récapitulative. Un point commun toutefois : aucune notification d'allure pour les différentes sections, mais une simple indication métronomique.
Le Quatuor n° 14 s'ouvre sur un foisonnement atonal et chaotique de timbres et de rythmes complexes, exaltés encore par la précision des articulations, la tension des lignes et les effets percussifs. Dans un surprenant contraste, typiquement weinbergien, suit un épisode au tempo plus lent, méditatif, nostalgique, élégiaque, sorte de lamento d'une rare profondeur d'intonation entretenu par le legato des cordes d'un lyrisme acerbe. La troisième section, sorte de scherzo, fait étalage d'une polyphonie claire faussement insouciante, inquiète et ambiguë, se terminant dans un souffle agonique. Le quatrième mouvement d'une lenteur lancinante et envoûtante suspend le temps et consolide le malaise par répétition du thème sur des pizzicati de cordes, entérinant cette impression de drame, tandis qu'alto et violoncelle développent une cantilène fantomatique habitée d'une déploration et d'une solitude profondes. Le mouvement final renoue avec la complexité structurelle, la répétition obsessionnelle du thème et les effets sonores pour entretenir un sentiment d'urgence et de tension douloureuse irrésolue, confinant bientôt au silence et à l'acceptation résignée.
Dans son poème Les trois palmiers, Lermontov nous conte les soucis existentiels de trois palmiers dans le désert : méditation métaphysique vite interrompue par l'arrivée d'une caravane de bédouins qui résolvent toutes les interrogations en coupant les arbres pour en faire du feu ! Une parabole riche de signification que chacun interprétera à sa guise, mais qui prend, dans la vie du compositeur, une bien cruelle acuité. Au plan musical Weinberg en fait une adaptation très narrative : après une méditation rêveuse du violoncelle introduisant la voix, le discours s'anime et se densifie à l‘approche de la caravane et du danger (avec des effets sonores impressionnants simulant la scie) avant une coda toute imprégnée d'une poésie douce amère, magnifiée par le timbre chaud de Joanna Freszel, sa facilité dans la déclamation comme dans le chant, sa puissance, ses couleurs et son engagement dramatique.
Moins unitaire, plus polymorphe, et par là, peut être moins émouvant le Quatuor n° 15 prend parfois des allures d'école avec un premier mouvement nimbé de sentiment d'attente, un deuxième pénétré d'une quiétude angoissée, un troisième comme un exercice de style regroupant les instruments par paires, un quatrième plus engagé, virtuose et dissonant, un cinquième très polymorphe, atonal et dynamique, précédant deux sections, plus mélodiques avec pizzicati, faisant référence au Requiem profane de 1967, avant une coda récapitulative, à la manière de Bartók, magnifique de lyrisme contenu.
Superbe musique, magistrale interprétation, pour un disque qui sera pour beaucoup une belle découverte. À ne pas manquer !
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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Quatuor à cordes n° 14 op. 122 ; Cantate de chambre « Les trois palmiers », sur un poème de Mihail Lermontov op. 120 ; Quatuor à cordes n° 15 op. 124. Joanna Freszel, soprano ; Silesian Quartet : Szymon Krzeszowiec, 1er violon ; Arkadiusz Kubica, 2e violon ; Łukasz Syrnicki, alto ; Piotr Janosik, violoncelle. 1 disque CD Accord. Enregistré en 2019 dans la salle de concert de l’Académie de musique Karol Szymanowski de Katowice (Pologne). Notice polonais-anglais. Durée : 67:38
CD Accord