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Les Noces de Figaro à Bâle : le Labyrinthe de l’Amour

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Les Noces de Figaro, opéra en 4 actes de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Mise en scène : Barbara Frey. Décor : Bettina Meyer. Costumes : Bettina Walter. Collaboration chorégraphique : Armando Braswell. Lumières : Roland Edrich. Avec : Sarah Brady, Suzanne ; Antoin Herrera-Lopez Kessel, Figaro ; Thomas Lehman, le Comte Almaviva; Oksana Sekerina , La Comtesse Almaviva ; Eleonora Vacchi, Chérubin ; Andrew Murphy, Bartolo ; Marie-Belle Sandis, Marceline ; Kali Hardwick, Barberine ; Karl-Heinz Brandt, Basilio ; Flavio Mathias, Antonio ; Hyunjai Marco Lee, Curzio. Chœur du Theater Basel (chef de chœur : Michael Clark) et Sinfonieorchester Basel, direction musicale: Christian Curnyn

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Des Noces mises à nu dans un décor fascinant : tel est le pari réussi de à Bâle.

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Un dossier, une lettre, un marteau, un œillet : quatre accessoires seulement pour les onze héros de cette nouvelle Folle journée mozartienne. Mais dans quel décor ! Parler d'écrin serait plus juste à propos d'une scénographie évoquant l'intérieur d'un appareil-photo à l'ancienne, dont la perspective fuyante tapissée du sol au plafond de feuilles vertes, construit un labyrinthe végétal, seule indication seigneuriale du Château des Almaviva. En plaçant ainsi dès le départ le petit monde d'Aguafresca dans le jardin où chacun et chacune sont appelés à se retrouver au finale, règle astucieusement son compte au toujours problématique Acte IV, celui où généralement le metteur en scène se perd avec ses personnages. Le plateau, perspective aidant, se voit fracturé en plusieurs espaces de jeu rendus de plus en plus exigus et séparés les uns des autres par des travées propices aux dissimulations et aux déambulations. Un tulle réduit et augmente à l'envi la profondeur du lieu dont les parois translucides permettent au jeu d'orgues de s'adonner à des surimpressions de personnages sur le papier peint. Le point de mire de cette camera oscura montre le labyrinthe comme vu du dessus, donnant l'impression troublante d'en être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur : fascinante expérience.

Avant l'entracte, ce décor splendide (dû à Bettina Meyer) semble plutôt sous-employé, comme s'il s'agissait de n'en pas brûler toutes les cartouches. Ce que confirme la montée en puissance d'un troisième acte exemplaire avec cette prime image de la solitude du Comte tout au fond du décor, et surtout un Fandango magnifiquement réglé : au lointain, l'agitation au ralenti du chœur, au premier plan, à jardin et à cour, les solitudes respectives, du Comte et de la Comtesse prostrés à terre. On est loin des défilés d'allégeance et des entrechats de jadis mais tellement proche de ce qui se joue dans les âmes. Le quatrième acte est franchement audacieux. Un dernier tulle coince tout notre beau monde dans le premier cadre de scène, tout près de la fosse, à deux pas du spectateur, pour une mise à nu des sentiments. Pour une fois, on voit tout. On peut même apercevoir, dans ce Labyrinthe de l'Amour, comment les femmes se jouent du Comte en le précipitant dans les bras de… Chérubin !

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La direction d'acteurs, assez spartiate, laisse aux chanteurs un espace que tous n'habitent pas avec la même intensité. Le Figaro d' ne sait pas toujours que faire de cette liberté octroyée, peinant de surcroît à l'échappée belle vers l'aigu (aux traditionnelles coupures des airs de Marceline et Basilio opérées au quatrième acte, s'ajoutera celle, inusitée, de Aprite un po' quegli' occhi). Pleine d'abattage, caractérise Suzanne d'accents inhabituellement corsés jusqu'à un Deh vieni non tardar de toute beauté. est une bonne Comtesse nonobstant quelque dureté dans les forte du très haut registre. domine quant à lui aussi bien la scène que la partie du Comte dont il offre une superbe incarnation. et , appelées in extremis au chevet de deux cantatrices souffrantes, sauvent la soirée, la première en piquante Marceline, la seconde, très fêtée aux saluts en Cherubino élégant, auquel manque encore les quelques soupirs d'abandon d'une vraie zone de trouble. La Barberine de est déjà mature. Dans la logique d'une saison qui programme la Trilogie Beaumarchais, on retrouve l'énergie d', ravi de venger son Bartolo spolié de sa Rosina dans le Barbier de Serebrennikov. , particulièrement incisif et présent en Basilio, en Antonio et en Don Curzio sont de parfaites recrues, même si, au cours du sextuor, les irrésistibles lignes conclusives de ce dernier se noient dans la submersive direction de .

Le geste du chef, roboratif en diable, fait son miel du son et de l'osmose de la merveilleuse phalange bâloise, infiltrée pour l'occasion de cors (merveilles de surlignage) et de trompettes naturels, ainsi que du sérieux d'un piano forte.

Au finale, le tulle se lève et les personnages, dessillés, toujours assis sur le cadre de verdure du bord de scène, se retournent : le Labyrinthe a disparu ! Ne reste que le plateau d'un théâtre lui aussi mis à nu. Après la vérité des sentiments, la vérité du théâtre.

Crédits photographiques : © Lucia Hunziker

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