Pour ou contre les symphonies de Schumann par Gardiner et le LSO ?
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Robert Schumann (1810-1856) : Symphonies n° 2 op. 61 et n° 4 op. 120 (version originale de 1841) ; Ouverture de Genoveva op. 81. London Symphony Orchestra ; direction : Sir John Eliot Gardiner. 1 SACD hybride LSO Live. Enregistré en public au Barbican de Londres en mars 2018. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 69:04
LSO LiveEn 1997, Gardiner avait gravé une intégrale des symphonies de Robert Schumann à la tête de l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique. Plus de deux décennies après, il revient à quelques-unes de ces partitions à la tête du London Symphony Orchestra. Quelle en est sa conception aujourd'hui ? Avec ce « Pour ou contre », nous vous présentons deux opinions opposées sur cette nouvelle parution.
Arriver à faire sonner ainsi le London Symphony Orchestra dans les couleurs et l'impulsion d'une formation baroque est proprement sidérant. Le résultat est plus probant qu'avec l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique. Davantage de liberté de jeu dans les pupitres du LSO, des cuivres plus charnus et un élan constant font, aujourd'hui, la différence malgré des tempi très proches d'une version à l'autre.
Dans l'acoustique sèche et pour tout dire ingrate du Barbican de Londres, Gardiner crée une atmosphère envoûtante dès l'Ouverture de Genoveva. Une atmosphère quasi-berliozienne, faite de mouvements de danses esquissés. Cette lecture cinglante avec ses effets stéréophoniques rudes souligne le caractère profondément novateur de la musique, dont s'inspira Wagner pour son Tristan et Isolde.
Dans le livret sous forme d'interview, Gardiner compare fort à propos, les écritures de Mendelssohn et de Schumann. Le chef anglais a choisi la version originale de 1841 de la Symphonie n° 4 (l'édition définitive de 1851 que l'on entend habituellement est plus courte et modifie de manière substantielle l'orchestration). Gardiner décante l'harmonie et offre quelques superbes passages notamment dans le finale du premier mouvement. Aucune perte de tension, non plus, dans la Romance enchaînée. Le Scherzo joue avec maestria d'une grande liberté rythmique. L'influence de Mendelssohn est encore saisissante.
Dans la Symphonie n° 2, l'auditeur est frappé par l'éclairage subtil du contrepoint et une orchestration si proche de celle d'un Berlioz. Gardiner, qui est l'un des grands interprètes du compositeur français, sait animer avec une vigueur expressive sans pareille la superposition des deux thèmes. Tout cela dans le « vacarme » d'un affrontement qui réjouit nos oreilles. Quant au Scherzo, on se souvient immédiatement du Songe d'une nuit d'été… Que de vie, de pulsations, d'échanges millimétrés, d'équilibres parfaits entre les pupitres ! Les phrases sont tendues au maximum sans une once de dureté. L'Adagio enchante avec une pâte sonore magnifique, laissant toute la place au hautbois. Bien davantage d'émotion, ici, que dans la lecture de 1997. (SF)
Un Schumann précipité et criard
Voici un disque qui, décidément, ne laisse pas indifférent, voire qui irrite dans (presque) toute son étendue. Dès l'Ouverture de Genoveva, les phrasés sont curieusement gâtés par des accentuations artificielles du rythme, qui transforment le récit en un assemblage d'éléments incompatibles.
Du point de vue de l'agogique, la conception de Sir John Eliot Gardiner ne change pas par rapport à celle réalisée pour Archiv Produktion en 1997. Le Ziemlich langsam – Lebhaft, premier mouvement de la Symphonie n° 4, ne diffère que de trois secondes à 8 minutes 15 secondes avec le LSO. Hier comme aujourd'hui, on se demande à quoi sert un mouvement si vif, qui gomme l'intensité inhérente à cette partition et lui enlève son caractère grandiose, majestueux et épique. Si Gardiner essaie d'inscrire, par la modération du vibrato chez les cordes, ces lectures dans le vaste cadre des interprétations historiquement informées, les motifs successifs semblent néanmoins trop « serrés » au sein de cette mosaïque parsemée de couleurs mordantes et de fluctuations rythmiques, quelques fois déformées par la rapidité du geste. Sur instruments modernes, Reinhard Goebel a démontré qu'il était possible de rendre les phrasés étincelants par une articulation nette, et en conjuguant brio et fraîcheur.
Pour les mouvements suivants de cette œuvre comme pour la Symphonie n° 2, la cohérence du fil narratif est systématiquement brisée, et ce, pour les mêmes raisons : le discours alambiqué empêchant le naturel et l'ampleur de la respiration. Pour trouver ces qualités, on se reportera aux gravures signées par Wilhelm Furtwängler (en 1953 avec les Berliner Philharmoniker – DG et avec l'Orchestre du Festival de Lucerne – Audite, Clef d'Or ResMusica) et Hermann Abendroth (Berlin Classics), dissemblables mais pareillement passionnantes et irrésistibles. (MC)
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Robert Schumann (1810-1856) : Symphonies n° 2 op. 61 et n° 4 op. 120 (version originale de 1841) ; Ouverture de Genoveva op. 81. London Symphony Orchestra ; direction : Sir John Eliot Gardiner. 1 SACD hybride LSO Live. Enregistré en public au Barbican de Londres en mars 2018. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 69:04
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