Ivan Ilić interprète en première mondiale des symphonies de Haydn au piano
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Franz Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies n° 44 “Funèbre”, n° 75 et n° 92 “Oxford” transcrites pour piano par Carl David Stegmann. Ivan Ilić, piano. 1 CD Chandos. Enregistré au Potton Hall de Dunwich (Suffolk, Angleterre) en février et mars 2019. Notice en français, allemand et anglais. Durée : 68:42
ChandosIl aura fallu attendre deux siècles pour que l'on entende les transcriptions par Carl David Stegmann de trois des vingt-cinq symphonies de Haydn. Ivan Ilić se délecte de sa trouvaille aussi charmante qu'inattendue. Cet album pourrait inciter bien des pianistes amateurs à acquérir les partitions. À vos pianos !
Selon l'expression consacrée, Ivan Ilić ne peut « rien faire comme tout le monde » ! Chacun de ses récitals et enregistrements est une découverte qui déconcerte et séduit. Dans le passé, il nous a entraînés dans sa passion pour l'œuvre si diverse d'Anton Reicha (Chandos). Aujourd'hui, il nous explique que c'est en ouvrant des cartons chez une amie, qu'il a pris connaissance de ces transcriptions pour clavier de Haydn réalisées par Carl David Stegmann (1751-1826). Diantre ! Qui était ce musicien dont nous entendons les œuvres en première mondiale ? Chanteur, claveciniste, chef d'orchestre et compositeur allemand, Stegmann mena une belle carrière et transcrivit nombre de partitions – dont vingt-cinq symphonies de Haydn entre 1769 et 1792 – pour son ami l'éditeur Simrock. La finalité de l'exercice était de plaire aux bons amateurs qui pouvaient, ainsi, interpréter les symphonies, à domicile.
Le résultat est particulièrement convaincant dans la Symphonie dite “Funèbre”, qui nous paraît la plus pianistique des trois partitions. Cette composition de la période médiane et dont le titre apocryphe aurait été choisi en 1809 en raison de l'Adagio, annonce déjà l'énergie rythmique irrégulière de l'écriture beethovénienne. Les audaces se dissimulent encore sous le style “galant”. L'Allegro con brio, par exemple, soutient un climat de passion grave, d'urgence, que l'on retrouve également dans les dernières symphonies de Mozart. Ivan Ilić joue avec distinction le Menuetto au savant contrepoint, dont il suggère le dialogue entre les violons et le premier hautbois. Solennité et pudeur se mêlent dans l'Adagio à peine appuyé (à l'orchestre, les cordes sont en sourdine). Au piano, Haydn allonge les phrases, recherchant le parfait équilibre entre l'expression du cantabile et la rigueur de l'architecture. Le finale, Presto est interprété avec une pointe d'humour grâce à son thème de sept notes jouées à l'unisson. Le contrepoint y est génialement inspiré et préservé au piano.
La Symphonie en ré majeur n° 75 apparaît d'une densité plus lyrique. Le premier mouvement débute Grave et le contraste avec le Presto est d'autant plus élégant que l'interprète joue avant tout sur les silences. C'est très mozartien d'esprit avec une importance de la structure harmonique de l'écriture qui est détaillée dans le livret. Sans emphase, l'Andante déploie ses variations, suggérant avec beaucoup de charme, le souvenir de quelque hymne national. Bien marqué, le Menuet traduit avec humour des pas de danses d'une vigueur toute paysanne. Le piano transcrit avec moins d'entrain le finale. La verve orchestrale y demeure irremplaçable.
Créée à Oxford en juillet 1791 – d'où son titre – la Symphonie n° 92 est d'une ampleur symphonique tout autre. La richesse de sa polyphonie aurait assurément mieux fonctionné dans une transcription à deux claviers. Ici, nous n'entendons que l'architecture première de l'œuvre. Ivan Ilić assure la tension pianistique, mais ne peut restituer les couleurs des vents qui irriguent l'Adagio. Le Menuet surprend par ses silences abrupts. Au piano, le finale, Presto, prend les allures d'une pièce dédiée à l'enfance. Ce n'était certainement pas l'ambition première de Haydn ! Heureusement, Ivan Ilić joue cela avec une telle bonhommie qu'on lui pardonne bien volontiers.
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Franz Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies n° 44 “Funèbre”, n° 75 et n° 92 “Oxford” transcrites pour piano par Carl David Stegmann. Ivan Ilić, piano. 1 CD Chandos. Enregistré au Potton Hall de Dunwich (Suffolk, Angleterre) en février et mars 2019. Notice en français, allemand et anglais. Durée : 68:42
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