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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 4-IV-2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n° 22 en mi bémol majeur K.482. Kristian Bezuidenhout, piano. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 7 en si mineur « Chant de la nuit ». Orchestre de Paris, direction : Daniel Harding
Ouvert par un concerto pour piano de Mozart sous les doigts de Kristian Bezuidenhout, le premier programme d'avril de l'Orchestre de Paris poursuit l'intégrale des symphonies de Mahler avec une Symphonie n° 7 lumineuse et maîtrisée de bout en bout.
S'il est d'usage d'ouvrir les concerts délégués aux symphonies de Bruckner par un concerto de Mozart, cette mode semble plus récemment s'appliquer aux symphonies de Mahler, hormis à celles estimées suffisamment denses pour composer à elles-seules l'intégralité d'un programme.
Daniel Harding entre donc sur la scène de la Philharmonie de Paris face à un orchestre réduit, dans le but d'accompagner Kristian Bezuidenhout dans le Concerto pour piano n° 22 de Mozart. L'ouvrage à peine engagé, le pianiste touche sans raison le clavier pendant l'introduction symphonique de l'Allegro, sans pourtant qu'aucun son n'en sorte. Tendre l'oreille ne permet pas de distinguer le moindre son du piano, sensation problématique lorsque l'on sait qu'elle reviendra à de nombreuses reprises pendant le concerto, à des moments où il aurait cette fois dû ressortir de l'ensemble.
Formé au clavecin puis au pianoforte, Bezuidenhout a prouvé son attachement au Concerto K.482 dans un enregistrement pour Harmonia Mundi, mais il était alors accompagné d'un ensemble baroque. Comme tous les pianistes en recherche d'un instrument mat, le jeune artiste doit se contenter à Paris de l'un des cinq Steinway & Sons achetés par la Philharmonie à l'ouverture en 2015, alors qu'à défaut d'un pianoforte, un Bösendorfer semblerait nettement plus approprié. Au manque de couleurs du piano s'agrège alors leur absence totale sous les doigts et les pieds du pianiste, toujours sur la pédale pour un rendu trop droit. L'orchestre d'à peine quarante musiciens ne devrait pourtant pas le limiter, mais couvre le pianiste en plus de le mettre en défaut par la dynamique, au risque de dévoiler un léger retard de sa main gauche, décelable également lors de la cadence. L'Andante ne parvient pas plus que le Finale à relancer une interprétation terne, même aux bois, tandis qu'en bis, l'extrait de la Suite K.399 ne convainc pas plus par sa rigidité plus tournée vers la rigueur de Bach que vers Mozart.
Plus impressionnante, la Symphonie n° 7 de Mahler met en exergue la maturité du chef comme de l'orchestre dans l'ouvrage sans doute le plus complexe du compositeur. Car plus encore que l'ample Huitième, ou que les longues et expressives Troisième et Neuvième, l'antépénultième symphonie achevée perturbe par sa structure. Des cinq mouvements, dont deux Nachtmusik et un Scherzo aux limites de la tonalité, il faut réussir à discerner une arche globale. Le choix tend alors soit vers les cataclysmes permanents d'un Klemperer, ou au contraire vers la fluidité et les ruptures des Slaves, de Kondrachine à Kubelik. Au milieu, il faut choisir entre intellectualiser le propos, à l'image de Boulez ou Maderna, où alterner éclaircissements et assombrissements, à l'instar d'Abbado ou Haitink.
Sans tout à fait s'ancrer dans quelque continuité d'aînés, c'est vers cette dernière voie que se tourne tout de même le plus Harding, avec une mise en avant dès le Langsam d'un Tenorhorn particulièrement puissant et lumineux. Il étale également les coloris des vents, même si la flûte solo est limitée ce second soir. Après une splendide introduction des cors et un beau développement aux bois, les cloches d'alpage cachées en coulisse apportent une superbe atmosphère lointaine à la première Nachtmusik, déjà bien accompagnée par les sonorités cristallines des harpes. Le Scherzo fantomatique met en avant le timbalier, puis passé un rapide passage de cordes bien allégées, dont ressort le groupe d'alto, à nouveau les cuivres ainsi que le premier hautbois.
La seconde Nachtmusik recrée l'atmosphère de la première, avec une place particulière pour la harpe, mais aussi pour la mandoline, bien plus audible que la guitare, dont on distingue à peine le son. Le Finale immédiatement enchaîné relance la dynamique, en même temps qu'il déploie la maîtrise sans concession d'un chef maintenant parfaitement mature pour toutes les œuvres du corpus mahlérien. L'Orchestre de Paris, malgré la transparence de ses cordes, démontre lui aussi une fois de plus son savoir-faire pour ce type d'ouvrage.
Crédits photographiques © Julian Hargreaves
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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 4-IV-2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n° 22 en mi bémol majeur K.482. Kristian Bezuidenhout, piano. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 7 en si mineur « Chant de la nuit ». Orchestre de Paris, direction : Daniel Harding
Le présent article ne nus dit pas de quelle manière Harding a « pensé » le Finale, ce fameux Rondo si mal aimé … Car, plutôt qu’un « triomphe » de la Lumière sur la Nuit, ce bruyant « Ut Majeur » souligné significativement « Allegro ordinario » annonce directement, dans ses constantes ruptures de ton, les féroces dénonciations de « l’Alltags » du Scherzo et du « Rondo Burlesque » de la Neuvième … De la nostalgie d’un passé à jamais révolu (ces visions romantiques « à la Eichendorff » des Nachtmusiken) on passe, conjugué au « présent de l’indicatif », à l’expression d’un « présent » (celui de Mahler devenu PLUS ENCORE le nôtre) caricatural dont les outrances cuivrées annonçaient alors, d’une manière autre que le FInale de la 6ème Symphonie, le futur effondrement d’une société (en l’occurrence, l’Empire austro-hongrois) … C’est bien ce que les « cataclysmes permanents d’un Klemperer rendaient compte et, plus encore, un Klaus Tennstedt toujours si injustement méconnu …
Ne pas pouvoir déceler d’option interprétative dans la 7e de Mahler devrait faire douter l’auteur de la critique… Malheureusement, ne pouvoir en conclure qu’une interprétation « lumineuse » d’une symphonie nocturne montre bien la limite de l’exercice. Il n’y avait en effet aucune personnalité décelable dans cette interprétation. C’est qu’à force de vouloir toujours jouer Mahler de la même manière, Harding s’y perd : les cordes, allégées à l’extrême semblaient faméliques, la mainmise du chef qui imposait des changements de tempi brusques et corsetait de toujours très bons solistes (malgré quelques pb de coordination)… J’avoue n’avoir pas compris le propos qui se cherchait et tombait trop souvent dans un premier degré naïf cherchant l’équilibre à tout prix (pas de tutti angoissants, à la place des grognements du chef…). Aucun sous-texte donc, adieu la protestation contre une société décadente dansant au bord de l’abîme (comme dans le dernier mouvement du Klagende Lied d’ailleurs). Et qu’on ne sorte pas du chapeau les slaves comme c’est facilement le cas, Harding est trop équilibré et modéré dans cette musique pour avoir quoi que ce soit à voir avec eux. Bref, une grande déception pour une oeuvre essentielle.
Je vous trouve bien sévère sur le concerto de Mozart.