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Un Château de Barbe-Bleue hors des sentiers battus à Stuttgart

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Stuttgart. Paketpostamt. 4-XI-2018. Béla Bartók (1881-1945) : Le château de Barbe-Bleue, sur un livret de Béla Balázs. Installation, mise en scène, costumes, lumières : Hans Op de Beeck. Avec : Falk Struckmann (Barbe-Bleue) ; Claudia Mahnke (Judith). Orchestre national de Stuttgart, direction : Titus Engel

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 Le plasticien Hans Op de Beeck fait sortir l'opéra de Stuttgart de son temple, sans réinventer le genre.

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Revivifier l'opéra par l'art contemporain ? L'idée n'est pas neuve, et on pourra citer sans remonter trop loin La Flûte enchantée confiée par Gérard Mortier à Jaume Plensa, les collaborations de Pierre Audi avec Anish Kapoor ou Jonathan Meese (à Salzbourg) ou un Saint François d'Assise confié à Munich à Hermann Nitsch – avec, dans tous ces cas, des résultats qui n'étaient ni à la hauteur de l'œuvre de ces artistes, ni à celle des œuvres qu'ils ont illustrées. C'est au plasticien Hans Op de Beeck que le nouveau directeur de l'Opéra de Stuttgart, Viktor Schoner, a confié à la fois Le Château de Barbe-Bleue et un lieu nouveau, l'ancien centre de tri des colis postaux dans le nord de Stuttgart.

Op de Beeck réalise dans ce vaste espace une installation aquatique autour de laquelle le public s'installe : un ponton de bois qui s'avance sur une étendue d'eau où sont stationnées des barques chargées de denrées maraîchères. Pour rejoindre leurs places, les spectateurs doivent enfiler des bottes imperméables et suivre un parcours dans l'eau sous la direction d'un guide qui explique les données fondamentales de l'histoire : le spectacle va nous montrer un couple mal assorti, lui retiré du monde après une existence instable de voyageur, elle en quête de souffrance et d'intensité. Ce premier moment, qui prend une demi-heure, devrait être une sorte de sas initiatique, mais comme toujours en pareil cas c'est l'aspect anecdotique qui l'emporte sur l'atmosphère de mystère espérée. Une fois cette longue procédure achevée, un homme entre à vélo sur le ponton, et il s'arrête devant l'orchestre : c'est , qui commence son œuvre tandis qu'un second homme entre, toujours à vélo – c'est cette fois . Le prologue parlé est supprimé, ce qui n'est guère surprenant dans l'optique choisie par le spectacle. Et la musique commence.

Il y a deux manières de parler de ce spectacle. Les circonstances (l'expédition dans une friche industrielle, les mystères élaborés de l'entrée en matière, l'identité du concepteur du spectacle) laissent attendre une soirée hors du commun, une nouvelle manière de faire de l'opéra, une rencontre forte ; ces attentes-là, il faut bien dire, sont entièrement déçues : dans une œuvre qui n'incite pas les metteurs en scène à la littéralité, on a déjà vu bien des lectures plus complexes et plus riches. Mais on peut aussi considérer, après tout, la mise en scène pour elle-même : certes, il n'y a rien de très surprenant dans le décor et dans sa relation avec la direction d'acteurs, et l'histoire de couple annoncée n'apparaît pas comme une évidence, mais la direction d'acteurs est fluide, lisible, et le décor est après tout joli. Ce n'est pas une révolution, mais ce n'est pas si mal, d'autant que l'interprétation musicale est satisfaisante.

donne de la partition de Bartók une lecture colorée, qui ne cherche pas vraiment à restituer un mystère mais insiste sur les éléments dramatiques : ce n'est pas la plus riche des lectures, mais elle va bien avec le spectacle et apporte son lot de moments intéressants. connaît on ne peut mieux son rôle, et le timbre minéral de sa voix impressionne ; il faut cependant bien dire qu'un peu plus de couleurs et de souplesse serait bienvenu. Face à lui, offre une interprétation beaucoup plus riche, avec son timbre de mezzo large et sensuel qui en fait une femme de chair et d'os plutôt qu'une sorte de nouvelle Mélisande : tout ceci forme un ensemble cohérent, par la musique et par la scène, à défaut d'une expérience bien décisive des possibilités de l'opéra comme art contemporain.

Crédit photographique : © Matthias Baus

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