Plus de détails
Alfred Cortot. François Anselmini, Rémi Jacobs. Fayard. 468 pages. 26 €. Septembre 2018
Voici un livre passionnant, permettant de comprendre la personnalité complexe d'Alfred Cortot, l'un des plus importants pianistes français.
D'abord, cet ouvrage est une biographie dans laquelle nous trouverons l'histoire de la vie de Cortot, sous forme d'un récit bien ordonné et clair dans sa structure, et en grande majorité relevant des faits chronologiques, de la naissance jusqu'au décès. Chose appréciable, François Anselmini et Rémi Jacobs jettent de la lumière sur la période la plus obscure de son existence, celle de ses convictions politiques et de sa coopération avec le gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, en y consacrant une somme de quatre chapitres, y compris un sous-chapitre « Interventions et non-interventions en faveur de musiciens considérés comme juifs ».
Deuxièmement, ce volume nous rend compte – à travers plusieurs chapitres dispersés – de la complexité de l'activité musicale et culturelle de ce véritable homme-orchestre, non seulement en soliste, mais également en chambriste, accompagnateur (en 1896, il s'est fait engager comme « répétiteur des rôles » dans la troupe du Festival de Bayreuth), chef d'orchestre, écrivain, conférencier et pédagogue. C'est ainsi qu'on se joint à lui, entre autres, lors de ses préparatifs pour la création française de certaines œuvres de Richard Wagner. C'est ainsi, aussi, qu'on nous offre une plongée dans son répertoire, ou bien encore qu'on découvre quelques caractéristiques intéressantes de sa plume très originale bien qu'alambiquée.
En troisième lieu, François Anselmini et Rémi Jacobs examinent la question des dilections d'Alfred Cortot, c'est-à-dire les zones de son activité artistique et les pépites de son répertoire sur lesquelles il s'est plus concentré. Quatre chapitres y sont consacrés : le premier concerne son amour pour l'œuvre de Ludwig van Beethoven ; le deuxième parle de son penchant pour la génération de 1810 (dont trop peu de place est donnée, à notre avis, à Frédéric Chopin) ; le suivant aborde le sujet de sa contribution à la propagation de la musique française ; et le dernier, intitulé « un cabinet de curiosités », est un pot-pourri où les auteurs se focalisent aussi bien sur le romantisme allemand et russe que sur le répertoire espagnol de Cortot et sur ses affinités avec Georges Enesco. Une section à part est dévolue, dans ce même chapitre, aux bis que le pianiste applaudi par son public donnait à celui-ci (bien qu'à contrecœur) en reconnaissance.
Quatrièmement, cet ouvrage décrit l'importance de la place que le musicien occupe dans l'histoire de la phonographie. Hélas, le chapitre « Alfred Cortot et le disque » ne renferme que sept pages, et se clôt sur une constatation qui nous laisse sur notre faim : « Une discographie exhaustive des enregistrements d'Alfred Cortot (studio et live) reste à faire ».
En cinquième lieu, ce livre aborde un sujet qui nous intéresse particulièrement : celui de l'esthétique pianistique d'Alfred Cortot, de sa sonorité, sa technique (y compris de ses faiblesses dont le lourd fardeau pesait de plus en plus sensiblement sur ses exécutions de maturité), son éloquence, ainsi que sa philosophie se traduisant à son style.
Trois annexes complètent le propos : « À l'écoute d'Alfred Cortot » par Philippe Cassard, « Le répertoire d'Alfred Cortot » (un beau complément de ce qui est dit dans le livre) et « Les Concerts de Cortot pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Avec des multiples notes de bas de page, la présente monographie a un caractère scientifique, et rend un bel hommage à l'énorme talent et à l'héritage d'Alfred Cortot, un savant intellectuel et un intellectuel savant en une personne, et l'un des plus accomplis pianistes français, sinon le plus éminent, et surtout un formidable musicien. Homme de nombreux talents qui, sur le plan artistique, transformait en or tout ce qu'il touchait.
Plus de détails
Alfred Cortot. François Anselmini, Rémi Jacobs. Fayard. 468 pages. 26 €. Septembre 2018
Fayard