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Le drame intemporel de Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, fut la source de nombreuses grandes œuvres dans l’Histoire de la musique. De l’opéra de Claude Debussy à la musique de scène de Jean Sibelius, du poème symphonique d’Arnold Schoenberg à la musique de scène de Gabriel Fauré, de la suite d’orchestre de William Wallace à la pièce pour piano de Mel Bonis, ResMusica explore cette pièce de théâtre sous toutes les coutures. Pour accéder au dossier complet : Pelléas et Mélisande
C'est à Berlin, entre juillet 1902 et février 1903, qu'Arnold Schoenberg (1874-1951) écrivit son poème symphonique Pelléas et Mélisande op. 5. Il en assura lui-même la création à Vienne le 26 janvier 1905, mais il faudra attendre 1910 pour que, sous la direction d'Oscar Fried, le public berlinois l'accueille très positivement.
Debussy, Fauré et Sibelius avaient manifesté un réel intérêt pour l'illustration musicale de la pièce de Maeterlinck en développant une esthétique différente, certes, mais assez peu orientée vers une réelle modernité, ce qu'évite sans conteste l'Autrichien Schoenberg. Manifestement, son poème symphonique n'a que peu à voir avec les autres illustrations du texte de Maeterlinck réalisées par ces compositeurs, sans oublier de citer les participations moins réputées de la Française Mel Bonis (1858-1937) avec une pièce pour piano Mélisande de 1923, de l'Ouverture op. 5 Pelléas et Mélisande de l'Anglais Cyril Scott (1879-1970) composée en 1900, ou encore du Britannique William Wallace (1860-1940) qui écrivit une suite d'orchestre autour de 1900. En toute conscience, Schoenberg dota sa partition d'une densité sonore extraordinaire, l'enrichit de nombreuses innovations à la fois mélodiques et harmoniques mais aussi d'inventions orchestrales dont un spectaculaire glissando des trombones.
L'immense chef d'orchestre et compositeur bavarois Richard Strauss avait suggéré à son collègue viennois d'écrire un opéra inspiré par Pelléas et Mélisande à un moment où ils ne connaissaient pas encore l'opéra novateur de Debussy. Schoenberg préféra élaborer un poème symphonique en suivant assez scrupuleusement les étapes de la pièce et en l'enrichissant subtilement d'un travail thématique varié. Il conçut sa partition en un seul et immense mouvement. Cependant l'analyse y distingue les quatre parties traditionnelles.
Pelléas et Mélisande, une œuvre de Schoenberg tonale post-wagnérienne
A l'époque de la composition de Pelléas et Mélisande, Arnold Schoenberg se considérait encore comme l'héritier de la tradition germanique et n'avait pas abandonné la tonalité. Si la musique de Pelléas et Mélisande appartient encore à la période post-wagnérienne du compositeur, elle s'éloigne quelque peu du post-romantisme de La Nuit transfigurée op. 7 dont la version pour sextuor à cordes date de 1899, et de la Symphonie de chambre op. 9 (1906). Pour cette partition, il décida d'utiliser un orchestre pléthorique à l'image de l'effectif de sa gigantesque cantate les Gurrelieder, pour solistes, chœur mixte, orchestre et récitant. Mais aussi, comme l'air du temps l'y incitait (Strauss, Mahler, Zemlinsky…), il fit appel à dix-sept bois par quatre ou cinq (dont cinq clarinettes), dix-huit cuivres (huit cors, quatre trompettes, cinq trombones, un tuba), huit percussions, deux harpes, un nombre considérable de cordes. L'œuvre dure environ 45 minutes.
Un Pelléas et Mélisande à part
La musique tente de concilier, d'une part un aspect illustratif, descriptif même, et d'autre part, une volonté symphonique que traduit son exigence formelle, son attention architecturale, tout en utilisant des cellules mélodiques brèves aisément identifiables reliées aux personnages et aux situations.
La partition dispense des ébauches mélodiques basées sur un chromatisme intense et flirte avec un climat extatique impressionnant. Parmi les innovations, on relèvera des gammes par tons et des accords par superposition de quartes, ébauche d'une première avancée vers l'atonalité. Le riche travail polyphonique et la sommation de plusieurs sujets et motifs accentuent la complexité de l'œuvre et l'exigence nécessaire à son approche face à la disparition des repères habituels. La complexité et l'intranquillité du foisonnant tissu sonore contraste avec les autres lectures musicales de la pièce de Maeterlinck, d'où les réactions féroces et violentes du public lors de la création, puis dans la foulée de la critique professionnelle.
Nul doute qu'aujourd'hui le Pelléas et Mélisande de Schoenberg pourrait bénéficier d'un accueil nettement plus positif en dépit de sa franche opposition aux canons du romantisme tardif qui ont fait sa gloire.
Conseils d'écoute
John Barbirolli à la tête du New Philharmonia Orchestra en a donné une excellente lecture pour EMI Pathé Marconi, enregistrement de 1974 transféré en CD chez Warner Classics Import. Pierre Boulez a quant à lui, réalisé plusieurs enregistrements de haute qualité de Pelléas et Mélisande. On en retiendra deux. Le premier chez Apex (anciennement Erato) avec le Chicago Symphony Orchestra, gravure de 1991. Le second chez DG avec le Gustav Mahler Jugendorchester, publié en 2011.
Illustration : peinture de Carlos Schwabe pour Maeterlinck (1892)
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Le drame intemporel de Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, fut la source de nombreuses grandes œuvres dans l’Histoire de la musique. De l’opéra de Claude Debussy à la musique de scène de Jean Sibelius, du poème symphonique d’Arnold Schoenberg à la musique de scène de Gabriel Fauré, de la suite d’orchestre de William Wallace à la pièce pour piano de Mel Bonis, ResMusica explore cette pièce de théâtre sous toutes les coutures. Pour accéder au dossier complet : Pelléas et Mélisande