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Bayreuth. 5-VIII-2017. Richard Wagner (1813-1883) : Parsifal, festival scénique sacré en trois actes, sur un livret du compositeur. Mise en scène : Uwe Eric Laufenberg. Décor : Gisbert Jäkel. Costumes : Jessica Karge. Lumières : Reinhard Traub. Vidéo : Gérard Naziri. Avec : Ryan McKinny, Amfortas ; Karl-Heinz Lehner, Titurel. Georg Zeppenfeld, Gurnemanz ; Andreas Schager, Parsifal ; Derek Welton, Klingsor ; Elena Pankratova, Kundry ; Tansel Akzeybek, Chevalier du Graal; Timo Riihonen, Chevalier du Graal ; Alexandra Steiner, écuyer ; Mareike Morr, écuyer ; Paul Kaufmann, écuyer ; Stefan Haibach, écuyer ; Anna Siminska, Katharina Persicke, Mareike Morr, Alexandra Steiner, Bele Kumberger, Ingeborg Gillebo, six filles fleurs ; Wiebke Lehmkuhl, une voix. Chœur du festival de Bayreuth (chef de chœur : Eberhard Friedrich). Orchestre du festival de Bayreuth, direction : Harmut Haenchen.
An II pour le Parsifal oecuménique mais un brin soporifique d'Uwe Eric Laufenberg. Pourtant le message à faire passer était des plus essentiels. Marek Janowski, remplaçant au pied levé Hartmut Haenchen souffrant, anime, depuis la fosse une réalisation par trop languide.
« Il m'arrive de penser qu'il serait préférable qu'il n'y ait plus de religions du tout. » Cette phrase hautement troublante du Dalaï Lama en exergue du programme introduit la réflexion du metteur en scène choisi par Katharina Wagner pour passer une nouvelle fois à la loupe le « festival scénique sacré » de son arrière-grand-père. Les nombreuses allusions religieuses d'un opéra (testamentaire de surcroît) qui ne ressemble à aucun autre sont l'étincelle d'une conception scénique. Parsifal fut exclusivement représenté à Bayreuth jusqu'en 1913. La lettre de Cosima à Guillaume II échoua dans son désir de prolonger l'échéance. Certes, quel coup c'eût été que cette exclusivité du Temple du Graal dans le Temple de Bayreuth ! Réfléchir sur Parsifal à Bayreuth, c'est aussi réfléchir sur le Festspielhaus rêvé par Wagner, encore et toujours Temple annuel d'une religion musicale hors-normes (longtemps la tradition perdura de ne pas applaudir après le premier Acte).
Interroger de nos jours Parsifal ne peut hélas se faire sans le prisme d'une actualité qui tente de donner crédit à la terrifiante assertion attribuée à André Malraux :« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » L'on ne peut que souscrire à la volonté du metteur en scène allemand de placer l'oeuvre dans l'ancrage très signifiant d'une chapelle sise en plein désert irakien, ainsi que la géolocalise, au sein de l'Univers, une vidéo Google Maps actionnée sur la première Verwandlungsmusik. Sous les arcades romanes de l'endroit se meut une confrérie de type Des hommes et des dieux , à laquelle se mêle ponctuellement le quotidien d'hommes, de femmes, d'enfants et de soldats en treillis très contemporains. Ce décor promis à une destruction imminente abrite la Cérémonie du Graal et le questionnement relatif à ce curieux désir intra muros (comme extra muros) de faire couler le sang pour s'en repaître. C'est ce qu'on pratique ici en réactivant au sens propre la plaie d'un Amfortas sur qui le sang ruisselle.
Au deuxième acte, le décor du temple sera recouvert des mosaïques d'un harem/sauna peuplé de filles-fleurs tombant vite la burqa pour s'adonner à des transes autrement sensuelles. Une pièce à l'étage est réservée au fétichisme crucifère d'un Klingsor visiblement en perte de repères, essayant un bref instant un tapis de prières en direction d'une Mecque dont la direction semble lui poser question. Un Parsifal-soldat (?) casse la lance pour en faire une croix d'un nouveau style, à même de faire s'effondrer au sol la collection de Klingsor.
Le troisième Acte ramène tout le monde dans la chapelle, cette fois rétrécie, de l'acte I, avec envahissement végétal en guise de chronomètre du temps passé. Au final, après que chaque communauté religieuse a déposé, dans le cercueil de Titurel, les emblèmes de sa pratique religieuse (kippa, croix, évangiles…), les murs s'écartent jusqu'à la dislocation, pour conclure comme le Ring de Chéreau avec foule sous les nuées et une touchante mise en abyme qui voit l'apparition progressive de la lumière des célèbres lampadaires sur d'autres fidèles : ceux du Temple du Festspielhaus.
Si la proposition séduit sur le papier, il en va hélas autrement de sa réalisation scénique, timorée à tous les niveaux. La direction d'acteur semble se résumer à quelques indications avec lesquels chacun, des solistes aux figurants, doit se débrouiller. L'application est terriblement scolaire. La pluie généreuse qui tombe sur l'Enchantement du Vendredi saint est superbe ; le sont beaucoup moins ces figurantes nues qui tentent de vagues passes de rock dans cette sorte d'Eden retrouvé. Les lumières courtisent trop le fluo pour transcender l'artificiel d'un visuel hésitant. Les diverses pantomimes muettes (Amfortas bâillonné par Klingsor ou chevauchant Kundry devant Parsifal à l'acte II) sont mécaniques et inhabitées, le summum de la maladresse étant atteint sur la seconde Verwandlungsmusik qui fait surgir du sable du Temps, les visages vieillis de Kundry, d'Amfortas et, piqué dans le Parsifal précédent (Herheim), celui de Wagner qui, même sous le masque mortuaire, semble se demander cette fois ce qu'il fait là. On passera charitablement sur le fauteuil roulant d'une Kundry parkinsionienne, personnage sur lequel Laufenberg n'a rien à dire (au contraire d'un Claus Guth qui lui faisait faire ses valises, écoeurée par la testostérone militariste ou d'un Tcherniakov qui la faisait poignarder par un Gurnemanz débordé par sa misogynie). Même le décor de Gisbert Jäkel semble lui aussi renâcler en ahanant quelques grincements (un comble après le silencieux défilé de ceux d'Aleksandar Denić pour le Ring de Castorf !) Sans parler de cet énigmatique personnage assis derrière une grille au faîte de l'édifice derrière des grilles. Probablement un prisonnier dont l'image accusatrice, vissée là pour la soirée, n'est finalement qu'un concept de plus, symbole parfait d'une production dépourvue d'incarnation…
Alléché par la très instructive participation au programme de Hartmut Haenchen et sa mise au point d'une nouvelle édition de la partition d'orchestre au plus près des sources, on se réjouissait d'entendre, après Bruxelles, l'état des lieux de son Parsifal. Le chant du cygne Wagner est aussi une fascinante interrogation sur la durée (« Ici le Temps et l'Espace ne font qu'un ») : entre le plus rapide (Boulez : 3h38) et le plus lent (Toscanini : 4h48), Haenchen visait le 3h54 de Strauss ( à même, dit-il, de combiner une manière d'idéal entre « réflexion » et « action « ). Marek Janowski, sorti indemne du Ring de Castorf, applique à Parsifal la même légèreté discursive, tout près de Boulez. Belle lecture qui a l'avantage de faire saillir les rares climax.
On a plaisir à se répéter au sujet de la prestation toujours bouleversante des choeurs de Bayreuth, Eberhard Friedrich s'inscrivant sans peine dans la prestigieuses lignée Pitz/ Balatsch. Andreas Schager, désormais de tous les Parsifal, donne une excellente réplique, quoiqu'assez neutre de timbre, à Elena Pankratova, électrisante Elektra lyonnaise au printemps dernier, qui, bien évidemment, en ressuscitant l'âge d'or d'aigus dardés à la Nilsson, ne fait qu'une bouchée de Kundry. Ryan McKinny, joli garçon en icône christique puis apprenti Père Fouras, ne convainc pas autant, flottant quelque peu dans le costume un peu large d'Amfortas légué par London. On ne sera que compliment pour l'intelligence du Gurnemanz de Georg Zeppenfeld (royal Gesegnet sei, du Reiner), aussitôt qu'on aura fait le deuil du fantôme pour l'éternité qu'est Hotter. L'autorité vocale de Derek Welton rattrape le Klingsor de sommaire tenue scénique imposé par Laufenberg. Titurel (Karl-Heinz Lehner), Filles-fleurs, chevaliers, pages et Altsolo (Wiebke Lehmkuhl) sont parfaitement distribués (on sait combien le mot comprimarii est trop petit pour contenir l'exigence wagnérienne).
Du dernier Parsifal de Wieland en 1973 à celui-ci (lire la chronique de la création de cette production), se détachent surtout ceux de Götz Friedrich et de Stefan Herheim. Le Parsifal d'Uwe Eric Laufenberg aurait pu être celui de notre Temps inquiet. Il est hélas qu'anecdote. Un parfait exemple du pouvoir limité des meilleures intentions.
Crédits photographiques: © E. Nawrath
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Bayreuth. 5-VIII-2017. Richard Wagner (1813-1883) : Parsifal, festival scénique sacré en trois actes, sur un livret du compositeur. Mise en scène : Uwe Eric Laufenberg. Décor : Gisbert Jäkel. Costumes : Jessica Karge. Lumières : Reinhard Traub. Vidéo : Gérard Naziri. Avec : Ryan McKinny, Amfortas ; Karl-Heinz Lehner, Titurel. Georg Zeppenfeld, Gurnemanz ; Andreas Schager, Parsifal ; Derek Welton, Klingsor ; Elena Pankratova, Kundry ; Tansel Akzeybek, Chevalier du Graal; Timo Riihonen, Chevalier du Graal ; Alexandra Steiner, écuyer ; Mareike Morr, écuyer ; Paul Kaufmann, écuyer ; Stefan Haibach, écuyer ; Anna Siminska, Katharina Persicke, Mareike Morr, Alexandra Steiner, Bele Kumberger, Ingeborg Gillebo, six filles fleurs ; Wiebke Lehmkuhl, une voix. Chœur du festival de Bayreuth (chef de chœur : Eberhard Friedrich). Orchestre du festival de Bayreuth, direction : Harmut Haenchen.
« Il m’arrive de penser qu’il serait préférable qu’il n’y ait plus de religions du tout. » Signé … le Dalaï Lama … Référence dont on se passerait bien si l’on se réfère aux … fréquentations « brunâtres » (voire carrément de sympathies « SS ») et « CIA-istes » de ce pseudo Homme de « Paix » et tout aussi pseudo « Chef spirituel des bouddhistes », lors qu’on sait qu’il n’est QUE le chef spirituel d’une des 4 branches du bouddhisme au Tibet et, au niveau mondial, ne représente 2 % des bouddhistes !!!