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Orange. 5-VIII-2017. Théâtre antique. Aida, opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi (1813-1901) sur un livret d’Antonio Ghislanzoni. Avec : Elena O’Connor, Aida ; Marcelo Álvarez, Radamès ; Anita Rachvelishvili, Amneris ; Nicolas Courjal, Ramfis ; Quinn Kelsey, Amonasro ; José Antonio Garcia, Le roi d’Egypte ; Rémy Mathieu, un messager ; Ludivine Gombert, La grande prêtresse. Mise en scène : Paul-Emile Fourny. Scénographie : Benoît Dugardyn. Costumes : Jean-Pierre Capeyron et Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Chœurs d’Angers-Nantes Opéra, du Grand Opéra d’Avignon, de l’Opéra de Monte-Carlo, et de l’Opéra de Toulon (chef de chœur, Stefano Visconti) et orchestre national de France, direction : Paolo Arrivabeni.
En programmant pour la énième fois Aida à un moment critique de son existence, les Chorégies d'Orange s'assuraient à la fois la séduction d'un large public mais aussi les foudres des aficionados qui attendaient une distribution à la hauteur du lieu. La défection de Sondra Radvanovsky et l'usure du temps sur la voix de Marcelo Álvarez n'ont pas rendu la tâche aisée. C'était toutefois sans compter sur l'immense Amneris proposée par Anita Rachvelishvili qui a mis le théâtre antique à ses genoux et qui fait, à elle seule, tout le prix de la soirée.
Nous passerons rapidement sur la mise en scène de Paul-Emile Fourny qui, à l'image de beaucoup de spectacles proposés ces dernières années aux Chorégies, hésite entre le respect absolu de la narration du livret et le dépoussiérage renouvelant la lecture de l'œuvre. Calé sur un concept déjà maintes fois usé, Fourny superpose jusqu'à un très rapide essoufflement deux époques sans que ces dernières ne s'éclairent : la bourgeoisie du XIXe siècle, férue d'égyptologie, s'émerveille des trésors pharaoniques en assistant aux déboires de la pauvre Aida. Rien de neuf, rien de probant, rien de honteux. Un recyclage de la mise en scène des années 90 aurait parfaitement pu faire l'affaire, sans frais supplémentaires.
Ce sont les grandes distributions qui ont fait les grandes heures d'Orange. Remplacer Sondra Radvanovsky, dont on attendait tout, n'était sans doute pas chose aisée pour la jeune Elena O'Connor. La voix est belle et l'aigu lumineux. La soprano a une solide technique qui lui permet d'assurer de très beaux sont filés et son Aida, bien qu'assez stéréotypée de jeu, se révèle assez émouvante grâce à la fraicheur et aux couleurs de son timbre. Mais voilà, les graves sont mal projetés et le medium est assez inaudible ce qui fait passer à la trappe la moitié des phrases du rôle. Aïda nécessite une plus grande autorité et une meilleure assise sur l'ensemble des registres pour convaincre. Grâce notamment aux aigus suspendus qu'elle prodigue, son O patria mia reste toutefois un très beau moment, car plus proche du public par le tour de piste que la mise en scène lui fait faire, la voix se révèle davantage et laisse penser qu'un théâtre à l'italienne aurait été un bien meilleur écrin pour découvrir cette voix qui, quoi qu'on en dise, a assuré la relève, et dans des conditions difficiles.
Marcelo Álvarez n'a jamais vraiment eu la voix d'un Radamès idiomatique. Comme sa partenaire, la voix semble trop légère mais le ténor a du métier et si le Celeste Aida le cueille à froid et le pousse dans ses retranchements, le ténor reste un grand musicien et sait nuancer, alternant des piani, moins somptueux qu'auparavant, et des projections d'aigus insolents qui trouvent leur paroxysme dans la scène de confrontation avec Amneris, qui demeure le grand moment de la soirée.
Il faut dire qu'Anita Rachvelishvili fait plus qu'impressionner, elle suscite l'admiration face à un chant aussi souverain, subtil, nuancé, incarné jusque dans les moindre détails, les moindres mots, les moindres inflexions. Sa voix large, aux somptueuses moirures, également projetée sur l'ensemble de la tessiture et à l'émission généreuse, a tout pour triompher dans le vaste espace du théâtre antique qu'elle submerge de sa présence de fauve blessé. Elle ne se contente pas d'envoyer des décibels, elle sait aussi alléger sa voix dans ses fabuleuses plaintes de l'acte II, elle sait dire les mots et les envoyer comme des sentences aux prêtres, elle sait phraser le désespoir. Elle est Amneris, et le public, qui ne s'y trompe pas, lui réserve une ovation.
L'Amonasro de Quinn Kelsey impressionne par son timbre de baryton viril, un brin voilé et rauque et par un phrasé aussi franc qu'autoritaire. Si le Ramfis de Nicolas Courjal, séduit par la puissance de son incarnation et par une diction parfaite, le roi d'Egypte de José Antonio Garcia, au chant frustre et un peu débraillé, est d'autant plus en deçà de ses partenaires, qu'il faut saluer la divine prêtresse de Ludivine Gombert et le prometteur Rémy Mathieu pour la courte intervention du messager. Dans le même sens, les chœurs d'Angers-Nantes Opéra, du Grand Opéra d'Avignon, de l'Opéra de Monte-Carlo, et de l'Opéra de Toulon signent une prestation de haute tenue.
L'Orchestre national de France est sublime ce soir sous la direction de Paolo Arrivabeni qui étire les tempi et valorise chaque pupitres (vents élégiaques) en mettant en valeur l'intimisme d'une œuvre que l'on croit à tort, uniquement à grand spectacle. Cependant, on aurait aimé parfois plus de virulence et de frémissement, plus de contrastes pour ne pas sombrer dans une beauté parfois un peu monotone.
Au final, un accueil bon enfant pour une soirée de routine des Chorégies d'Orange qui nous révèle peut-être ce qui sera l'Amneris de la décennie. Orange reste Orange avec la magnificence de son décor, cette acoustique exceptionnelle et ce mur de 7 000 spectateurs qui transforment chaque spectacle en un événement quasi mystique. La disparition d'un tel festival serait définitivement trop douloureuse tant les souvenirs qu'il a laissés demeurent intacts.
Crédit photographique : © Philippe Gromelle
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Orange. 5-VIII-2017. Théâtre antique. Aida, opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi (1813-1901) sur un livret d’Antonio Ghislanzoni. Avec : Elena O’Connor, Aida ; Marcelo Álvarez, Radamès ; Anita Rachvelishvili, Amneris ; Nicolas Courjal, Ramfis ; Quinn Kelsey, Amonasro ; José Antonio Garcia, Le roi d’Egypte ; Rémy Mathieu, un messager ; Ludivine Gombert, La grande prêtresse. Mise en scène : Paul-Emile Fourny. Scénographie : Benoît Dugardyn. Costumes : Jean-Pierre Capeyron et Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Chœurs d’Angers-Nantes Opéra, du Grand Opéra d’Avignon, de l’Opéra de Monte-Carlo, et de l’Opéra de Toulon (chef de chœur, Stefano Visconti) et orchestre national de France, direction : Paolo Arrivabeni.
Grande déception avec cet Aida éculé ! Rien sur le plan musical, beaucoup de vent…la mise en scène
ne devrait plus être possible comme cela dans un tel endroit chargé de 2000 ans d’Histoire! Nous
sommes presque en Egypte aux pieds des pyramides, malheureusement le Kitch idiot fait toujours
recette.
Bon, et à part ce commentaire vide et inintéressant, quelque chose de pertinent à dire ? Sur le chant, les voix, par exemple ? Parce que La MeS, on s’en fout un peu, surtout à Orange. Un opéra, c’est avant tout des voix et des chanteurs, puis un orchestre et un chef – et éventuellement une mise en scène, si elle est bonne, tant mieux, si elle ne l’est pas tant pis. L’essentiel, c’est la MUSIQUE, d’abord et avant tout.
(NB : on écrit ´kitSch’ …)