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Berlin. Staatsoper (Schiller-Theater). 12-VII-2017. Wolfgang Rihm (né en 1952) : Jakob Lenz, opéra de chambre sur un texte de Michael Fröhlich d’après une nouvelle de Georg Büchner. Mise en scène : Andrea Breth ; décors : Martin Zehetgruber ; costumes : Eva Dessecker. Avec : Georg Nigl, Lenz ; Henry Waddington, Oberlin ; John Graham-Hall, Kaufmann… Staatskapelle Berlin, direction : Franck Ollu.
L'intimité malade et le vaste monde : Wolfgang Rihm et Andrea Breth explorent l'intimité d'un poète torturé.
Depuis plusieurs années, la Staatsoper de Berlin clôt sa saison sur le mini-festival Infektion!, dédié au théâtre musical sous toutes ses formes. Avant de rejoindre sa maison natale Unter den Linden, la Staatsoper clôt sa présence dans le beau Schillertheater par l'opéra de Rihm Jakob Lenz, succès retentissant de l'opéra contemporain avec plusieurs centaines de représentations depuis sa création en 1979 (la France l'a découvert en 1981). Les dimensions modestes de l'oeuvre (75 minutes seulement, un orchestre de onze musiciens) jouent certainement dans ce succès, mais l'œuvre, pour autant, est tout sauf facile.
Rihm s'est toujours intéressé à ces artistes pour lesquels la création est marquée du sceau de la folie, qu'il s'agisse de Nietzsche (Dionysos), d'Antonin Artaud (La conquête du Mexique) ou ici du poète et dramaturge Jakob Lenz, ami de jeunesse de Goethe, que le mélomane consciencieux connaît au moins par sa pièce Les soldats, mis en musique par Bernd Alois Zimmermann une quinzaine d'années avant l'opéra de Rihm. Jakob Lenz est l'histoire d'une déchéance, du moment où la folie en vient à bloquer le processus créatif : Andrea Breth voit dans cette tragédie bien plus qu'un drame de l'intime, « une tragédie universelle pour la grande scène ». Dans sa mise en scène donnée d'abord à Stuttgart et à la Monnaie, elle profite donc des espaces que lui offre la scène lyrique pour donner au combat de Lenz une caisse de résonance aux dimensions de son trouble intérieur. Rihm entend après tout moins raconter une histoire que peindre dans toutes ses dimensions l'état intérieur du personnage central et, malgré les autres rôles, unique de l'opéra.
Lenz est ici porté par Georg Nigl, un des grands aventuriers du théâtre musical contemporain, avec incandescence, avec un engagement physique illimité, et avec une voix chaleureuse et expressive qui garde sa musicalité même dans les moments les plus expressifs. Autour de lui, les deux seuls personnages nommés de cet opéra, aux côtés des voix intérieures de Lenz, sont le lien qui le rattache au monde, lien brisé à la fin de l'œuvre : John Graham Hall et Henry Waddington sont proprement admirables, et le contraste de leur éloquence raisonnable avec le langage en perdition de Lenz est on ne peut plus conforme aux buts de Rihm.
L'orchestration soutenue, pour seules cordes, par trois violoncelles, a son équivalence visuelle dans une atmosphère scénique sombre, qui ne s'éclaire que pour aviver les blessures intimes de Lenz : ce théâtre intérieur qui n'accorde à la narration qu'une place minimale n'est sans doute pas la seule voie possible pour l'opéra contemporain, mais cette œuvre-ci, dans une pareille interprétation, est une exploration particulièrement aboutie de cette piste aventureuse.
Crédit photographique : © Bernd Uhlig
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