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Le nouveau Pinocchio soporifique de Pommerat et Boesmans

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Aix-en-Provence. Grand Théâtre de Provence. 9-VII-2017. Philippe Boesmans (né en 1936) : Pinocchio, opéra sur un livret de Joël Pommerat d’après Carlo Collodi. Mise en scène : Joël Pommerat. Décors et lumières : Eric Soyer. Costumes : Isabelle Deffin. Vidéo : Renaud Rubiano. Avec : Stéphane Degout, un directeur de troupe, un escroc, un meurtrier, le directeur du cirque ; Vincent Le Texier, le père, un meurtrier, le maître d’école ; Chloé Briot, le pantin ; Yann Beuron, le directeur de cabaret, le juge, un escroc, un meurtrier, le marchand d’ânes ; Julie Boulianne, un mauvais élève, la chanteuse de cabaret ; Marie-Eve Munger, la fée. Klangforum Wien, direction : Emilio Pomarico.

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Parce que soutenir la création artistique dans toute sa diversité doit implacablement faire partie de la mission d'un festival, celui d'Aix-en-Provence a choisi pour sa saison lyrique 2017 de commander un opéra aux créateurs d'Au monde, et . Même si la pièce de théâtre originelle de ce Pinocchio avait reçu le Molière du Jeune public en 2016 et que l'on retrouve l'écriture musicale minutieuse à plus d'un niveau du compositeur, la magie ne prend pas, pourtant, au Grand Théâtre de Provence.

349662ede0a4ed9987f59ba280478769_LTel un film en noir et blanc de Fellini où la frontière entre l'imaginaire et la réalité est bien mince, revient aux sources du roman initial de Collodi en situant son Pinocchio dans les quartiers pauvres italiens du XIXe siècle. Construit sur une succession de vingt-trois scènes, généralement très brèves et très clairement délimitées par l'abaissement d'un rideau noir, les déboires et autres mésaventures du pantin de bois se succèdent à vive allure sans que cela ne génère ni rythme, ni énergie dramatique. Et même si cette mise en scène simple mais ingénieuse offre quelques belles images, grâce principalement aux beaux effets de lumière d' et aux vidéos de , l'atmosphère paraît bien sombre et bien trop remplie d'amertume pour être accessible aux plus jeunes même si cet ouvrage leur est pourtant destiné.

Bien que dans cet univers la trivialité du langage semble clairement justifiée, le livret y aurait gagné à offrir au narrateur incarné par , un vocabulaire plus riche, une rythmique moins morne et une poésie plus aboutie. Ce contraste entre un langage plus soutenu au niveau de la narration et les dialogues naïfs (voire niais) des différents protagonistes, aurait certainement dynamisé un ouvrage qui au final manque bien de couleurs. Seul la réplique du juge est jubilatoire lorsque la sentence indue de Pinocchio sera rendue : « Mesdames, messieurs, la justice est tombée ! Elle ne se relèvera pas. »

La cohérence des aventures rocambolesques de la marionnette se manifeste par la musique continue de confiée aux dix-neuf musiciens du . Comme à son habitude, on retrouve ici le même procédé que dans son opéra Wintermärchen. Boesmans intégre un vaste cortège de références musicales, passant de la musique tzigane à celle d'Ambroise Thomas. Ces déviations soulignent d'une belle manière l'étrangeté du propos et permettent aussi (et surtout !) de maintenir une attention quelque peu mise à l'épreuve. Heureusement dans la fosse, l'orchestration, sous la direction d'Emilio Pomarico, se révèle hautement raffinée et fait la part belle aux basses (rien de plus logique dans ce climat si sombre), mais aussi aux vents et aux percussions. Confluence entre la musique de Debussy et celle de Berg, la partition de décortique les affections par le biais d'un matériau de base simple qui caractérise son écriture : exposée dès les première minutes, c'est avec cette « rengaine », telle qu'il la nomme lui-même, qu'il joue sur les effets de déstructuration.

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Sur le plateau, seulement six chanteurs endossent pas moins de seize rôles. On retrouve dans ce traitement vocal la volonté du compositeur d'avoir une grande clarté d'énonciation, mais aussi une raréfaction des effets. Ainsi la limitation au médium de la tessiture des voix donne une impression d'une ligne mélodique bien morne, malgré la diversité des personnages et quelques effets « spontanés » tels que des cris ou des éternuements. Seul le lyrisme merveilleusement lunaire de la fée flamboie dans cet environnement bien terne. La soprano colorature y vocalise dans l'hyper-aigu, jusqu'au contre-mi bémol.

Le Pinocchio âpre de la soprano n'est pas un petit garçon, mais bien un jeune adolescent avec tout ce que cela implique en termes de crudité : sous ses airs de voyou, ce héros antipathique démontre toute son imbécilité et sa vulgarité, tout autant que sa vantardise et sa cupidité. Ainsi, au lieu de traiter ses premiers émois amoureux, c'est son instinct sexuel qui est mis en lumière face à la chanteuse de cabaret de , incompréhensible et titubante dans sa robe à paillettes. Dans cette version, le pantin ne cherche plus à devenir un vrai petit garçon mais à gagner de l'argent le plus facilement et le plus rapidement possible. En plaçant cette quête au cœur de l'intrigue, la proposition de la fée, tout comme sa présence, paraissent ainsi bien secondaires. Cousin éloigné de la famille Adams, omniprésent, campe un directeur de la troupe/du cirque très convaincant par une superbe déclamation pour ses parties parlées et une belle voix de baryton consistante. et ne déméritent pas, l'un dans la peau du directeur de cabaret ou du marchand d'ânes notamment, l'autre en incarnant un Geppetto bien trop absent et un maître d'école tout de même fort amusant. Leur présence scénique incontestable ne suffit pas à véritablement apprécier ce nouveau Pinocchio.

Crédits photographiques : Pinocchio de Philippe Boesmans © Boris Horvat/ AFP – dans le rôle-titre © Boris Horvat/AFP – (la fée) et (Pinocchio) © Patrick Berger/Artcompress

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