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Saint-Avé. Chapelle Notre-Dame de Loc (Morbihan). 10-VIII-2005. Mozart : Variations Duport K. 475. Schumann : Carnaval opus 9. Debussy : Ondine, Poisson d’or. Etudes Livre II : Pour les Arpèges composés. Enesco : Carillon nocturne, Rhapsodie Roumaine. Festival Musicales du Golfe, du 1er au 12 août 2005.
S'il était une idée séduisante en cet été 2005, c'était précisément d'accompagner depuis Paris, une pianiste comme Dana Ciocarlie, invitée des musicales du Golfe en Morbihan.
13h13. Après trois heures de train …Arrivée à Vannes
Une voiture nous attend, direction Saint-Avé, petite ville de la périphérie Vannetaise. Le Steinway trône sur l'estrade installée au fond de la petite Chapelle Notre-Dame de Loc. La pianiste entame les premières mesures du carillon nocturne d'Enesco puis Mozart et ses mélodies perlées qui font résonner d'emblée la voûte en bois d'un bâtiment pourtant vide. Premières mesures avec les reprises et ré expositions… les doigts se délient. L'artiste prend peu à peu possession des lieux, une superbe chapelle du dernier gothique flamboyant, édifiée à la fin du XVe siècle. Le chef-d'œuvre du lieu, une statue de la Vierge, Notre-Dame du Loc (du latin, locus qui signifie le lieu), l'une des plus anciennes dans le département, semble acquiescer discrètement cette impromptu.
14h. Une jeune conférencière paraît
- – Bonjour, je vais certainement vous déranger pour quelque « visite-conférence ». J'espère que cela ne vous embêtera pas.
– « Pas du tout. J'en profiterai aussi » répond Dana Ciocarlie, concentrée sur le clavier, et déjà subtile interprète d'Ondine de Debussy. « Je voudrais bien répéter, surtout la pièce contemporaine que j'ai choisie d'ajouter ce soir et qui est une étude de Karol Beffa dont je suis la dédicataire. Nous avons aussi changé les Debussy. Etude pour les arpèges composés remplace désormais l'île Joyeuse car je vais enregistrer la partition dans quelques jours chez Triton. C'est une musique exceptionnellement virtuose. »
Les partitions sont posées sur le piano mais l'artiste semble ne pas les voir, ou, alors, en de très rares occasions. Elle les connaît par cœur et le dos courbé vers l'instrument, l'interprète travaille les résonances souterraines de Carnaval de Schumann. Introspection, écoute attentive des climats sous-jacents… qui pendant la séance de répétition se déploient ensuite pleinement dans le Debussy dont nous avons parlé. Liquidité et transparence d'un univers sonore qui sait aussi être expressionniste, parfois très percussif.
- – « J'ai besoin de faire une pause ». Avant d'attaquer
Carillon nocturne
- qu'elle joue presque à chacun de ses récitals, surtout
La rhapsodie roumaine
- d'Enesco, Dana se lève et me propose de suivre la visite-conférence de la chapelle.
– « Les bretons avaient un culte immodéré pour les saints, à tel point que les historiens parlent de polythéisme chrétien », nous dit la jeune guide, généreuse en commentaires sur l'abondance des sculptures. « Ici, Sainte-Marguerite et Saint-François, là Sainte-Marie-Madeleine. »
La chapelle offre malgré sa petite taille une multitude de statues. L'éclairagiste arriveenfin : il adapte les projecteurs selon les indications de la pianiste.
17h : fin de la répétition
Nous repartons en direction de notre hôtel devant l'embarcadère pour l'île-aux-Moines et l'île d'Arz. Nous avons devant nous l'un des golfes les plus beaux de Bretagne mais hélas pas assez de temps pour en contempler toute la beauté naturelle. Le programme est serré : Quelques minutes de détente puis dîner rapide, enfin retour vers la Chapelle que nous avons quittée, il y a à peine trois heures pour le concert de 20h30.
C'est d'ailleurs la même impression vis-à-vis de la ville de Vannes, traversée à chacun de nos voyages vers le lieu du concert, depuis la voiture qui nous véhicule. L'ensemble de la cité a conservé son cœur médiéval, comprenant cathédrale, superbes murailles fortifiées et belles maisons de pierre plus récentes de l'époque classique. Nous découvrons trop vite ce paysage urbain parfaitement préservé.
Toujours courir et ne rien voir vraiment sinon par ébauche. C'est le lot familier des solistes en concert, presque plus habitués des transports que des salles de concerts. Dès demain, en effet, nous reprenons le train pour Paris. Dans cette course qui s'apparente souvent à un marathon, les brefs instants de pause sont donc judicieusement optimisés.
20h30 : concert dans la chapelle Notre-Dame de Loc
Les Variations Duport de Mozart sont une entrée en matière idéale. Libre fantaisie parfaitement contrôlée dans le respect du cadre, avec déjà, dans le jeu de la pianiste, un équilibre souverain entre transparence et légèreté. En prime : précision des attaques, attention millimétrée aux climats : une orfèvre au service d'un compositeur rompu à la délicatesse. Et c'est presque dommage que, dans la section finale, quand l'inspiration jusque-là parfaitement contrôlée sombre dans un gouffre d'inquiétude, fugace, trop fugace, l'artiste salue déjà dans une salve d'applaudissements.
Son Schumann est prodigieux. L'assurance des premiers accords, assénée comme une série de certitudes sombre rapidement dans un atermoiement cyclique entre reprise d'équilibre et chute inéluctable. Carnaval : le titre n'est festif et insouciant qu'en apparence. Dana Ciocarlie s'impose par sa lecture hypersensible qui saisit cette inquiétude et cette menace permanente.
- – « Pour la suite du programme, j'ai choisi les partitions de Debussy car je souhaitais établir comme une correspondance avec le lieu où nous nous trouvons : la liquidité et la fluidité d'Ondine, de Poisson d'or et de cette étude pour les harpèges composés sont un clin d'œil à l'océan qui nous environne » précise la pianiste.
De fait ses Debussy sont d'une transparence marine, habitée, suggestive, exceptionnellement coulante : la poésie faite musique. Suit un compositeur qu'elle aime jouer plus que tout autre : son compatriote Enesco. C'est d'abord une partition emblématique, Carillon nocturne dont elle restitue avec finesse le souvenir des cloches de la Moldavie du Nord, la patrie du compositeur : nostalgie et sensibilité rétrospective tissent ici une matière sonore faite de résonances et d'échos continus. Puis, c'est la montagne polyphonique de la transcription pour piano de la rhapsodie roumaine : dix minutes d'un galop lyrique qui accumule les épisodes rythmiques et les contrastes harmoniques. L'agilité digitale de l'interprète mène la cadence ; une course endiablée jusqu'aux limites de la surenchère et qui laisse, la pianiste comme le public, à bout de souffle. On reprend conscience. On se ressaisit dans un tonnerre de bravos.
Contente, heureuse même d'avoir tant donné : la pianiste entame pour bis, les danses hongroises de Bartok, puis un extrait de musica ricercata de Ligeti, enfin une sonate que le compositeur contemporain Karol Beffa lui a dédiée. Généreux, entier, passionné et subtil : le jeu de Dana Ciocarlie est indiscutable. De Christian Zacharias, elle nous avoue avoir appris une compréhension profonde de la musique qui lui permet aujourd'hui, d'interpréter certes, surtout de laisser la musique chanter d'elle-même. Cette école de l'humilité nous touche. Aucun doute, Dana Ciocarlie est une artiste exceptionnelle.
Agenda : Dana Ciocarlie participe au prochain spectacle présenté au théâtre Mogador, un Conte chorégraphique, musical et théâtral, les 24 et 25 septembre prochains dont Resmusica.com a choisi d'être partenaire. Au profit de la Chaîne de l'Espoir. Aux côtés de la pianiste, se produiront aussi : la Compagnie DCA Philippe Decouflé, Belle du Berry, Isabelle Carré et le quatuor Psophos, entre autres.
Renseignements/réservations :
– Orchestre de Paris : 0825 000 821 (0, 15€/mn)
– Agence Chèque-théâtre : 01. 42. 46. 72. 40
Crédit photographique : © Eric Manas
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Saint-Avé. Chapelle Notre-Dame de Loc (Morbihan). 10-VIII-2005. Mozart : Variations Duport K. 475. Schumann : Carnaval opus 9. Debussy : Ondine, Poisson d’or. Etudes Livre II : Pour les Arpèges composés. Enesco : Carillon nocturne, Rhapsodie Roumaine. Festival Musicales du Golfe, du 1er au 12 août 2005.