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Stuttgart. Opernhaus. 15-IV-2017. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Ariodante, opéra en trois actes sur un livret d’après Antonio Salvi. Mise en scène : Jossi Wieler, Sergio Morabito ; décors et costumes : Nina von Mechow. Avec : Matthew Brook (Le roi) ; Ana Durlovski (Ginevra) ; Josefin Feiler (Dalinda) ; Diana Haller (Ariodante) ; Sebastian Kohlhepp (Lurcanio) ; Gerald Thompson (Polinesso) ; Philip Nicklaus (Odoardo) ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Giuliano Carella.
Jossi Wieler et Sergio Morabito jouent avec un réel succès la carte de la légèreté.
Ariodante n'est pas le plus réussi des opéras de Haendel du point de vue dramatique, et de loin ; ses qualités musicales en font cependant l'un des plus représentés, et cela ne va pas sans mal pour les metteurs en scène. Jossi Wieler et Sergio Morabito ont choisi d'ouvrir à cette complexe histoire à quiproquos multiples une dimension qui s'avère riche de possibilités, celle du jeu : la tragédie y a sa place, pour la scène de prison de Ginevra par exemple, mais le plaisir visible des chanteurs à cette approche résolument ludique est pour beaucoup dans le plaisir qu'on prend à voir cette soirée.
Prenez Dalinda, chantée avec grâce par Josefin Feiler, toute jeune membre de la troupe : le spectacle lui donne une grâce adolescente, avec une manière de s'évader dans son propre monde presque enfantine, mais aussi un appétit de vivre et un goût du risque communicatifs. La costumière Nina von Mechow peut s'en donner à cœur joie : tandis que Polinesso lit la Lettre à d'Alembert sur les spectacles où Rousseau dénonce les ravages moraux du théâtre sur le public et sur les actrices, les identités se succèdent, parfois au détriment de la liberté corporelle, jusqu'à ce final où tous revêtent les plus pesants costumes d'époque qu'on puisse imaginer. Tout ceci est fait avec un grand humour qui porte toute la soirée mais ne se laisse jamais aller à la dérision facile qui, trop souvent, a abîmé dans ce répertoire les œuvres qu'elle était destinée à « faire passer ».
Les plaisirs du jeu théâtral
Dans ce plaisir du jeu, il y a une sorte d'utopie collective, diamétralement opposée à la tyrannie de la vertu défendue par Rousseau, une utopie qu'incarne la troupe de théâtre comme petite société idéale. Pour le spectateur, à défaut de trouver un sens profond à un opéra qui n'en a pas, cette approche permet de voir vivre sept chanteurs-acteurs très investis : on peut regretter le timbre acide et privé de lumière d'Ana Durlovski, qui reste néanmoins musicale, mais Diana Haller dans le rôle-titre soutient avec vaillance la longue série d'airs virtuoses que lui a écrits Haendel, avec un souci louable de varier les da capo. Le spectacle n'encourage pas Gerald Thompson à creuser la scélératesse du desperado Polinesso, mais le timbre est séduisant, la puissance suffisante et la musicalité sans défaut.
Il faut rendre une autre grâce à ce spectacle, celui de renoncer à la tentation facile de créer une illusion de modernité par le sacrifice d'une plus ou moins grande partie de la musique. C'est donc, à quelques phrases de récitatif près, toute la musique de Haendel qui est interprétée dans cette production, y compris les da capo de tous les airs. Composé entièrement d'instruments modernes, l'orchestre dirigé par Giuliano Carella a pourtant retenu la leçon des décennies précédentes : son Haendel est vivant, jamais empesé, et il préfère les accents nets et les couleurs franches aux alanguissements romantiques. C'est un Haendel vivant, théâtral, sans doute pas le plus séduisant qui soit, mais du moins compatible avec la vie scénique qu'insufflent les metteurs en scène : tout ceci, ne serait-ce que par les faiblesses du livret, ne suffit pas à faire une grande soirée, mais les opéras de Haendel sont redevenus trop rares à l'affiche des grandes maisons d'opéra pour qu'on puisse bouder son plaisir.
Crédit photographique : © Christoph Kalscheuer
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Stuttgart. Opernhaus. 15-IV-2017. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Ariodante, opéra en trois actes sur un livret d’après Antonio Salvi. Mise en scène : Jossi Wieler, Sergio Morabito ; décors et costumes : Nina von Mechow. Avec : Matthew Brook (Le roi) ; Ana Durlovski (Ginevra) ; Josefin Feiler (Dalinda) ; Diana Haller (Ariodante) ; Sebastian Kohlhepp (Lurcanio) ; Gerald Thompson (Polinesso) ; Philip Nicklaus (Odoardo) ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Giuliano Carella.