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L’élection de François Mitterrand en 1981, c’est aussi…

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1… L'essor des Centres chorégraphiques nationaux

C'est sous le premier septennat de François Mitterrand, élu en mai 1981, que le  sémillant Jack Lang est nommé ministre de la culture. Sensibilisé à la danse contemporaine par son expérience de direction du Festival de théâtre universitaire de Nancy, il attendra pourtant 1984 pour prendre « dix mesures nouvelles pour la danse » parmi lesquelles figure la création de onze Centres chorégraphiques nationaux.

Durant ses deux mandats de ministre de la culture, de mai 1981 à mars 1986, puis de mai 1988 à mars 1993, Jack Lang transforme et modernise son ministère. Il l'ouvre à la société contemporaine en élargissant le champ d'action du ministère à de nouvelles formes d'art, comme la danse contemporaine, et double son budget dès 1982. Passant de 2,6 milliards de francs en 1981 à 13,8 milliards en 1993, le budget du ministère tend progressivement vers le seuil significatif de 1 % du budget de l'État. Cette croissance budgétaire, deux fois plus rapide que celle de l'État, touche tous les domaines du ministère et favorise son action.

Les Centres chorégraphiques nationaux (CCN) relèvent d'un label créé en 1984 par le ministère de la Culture et de la Communication. La Direction de la musique et de la danse choisit alors, avec les collectivités territoriales, de réunir dans une même entité des ballets de création et de répertoire ainsi que des compagnies dirigées par des chorégraphes issus de la nouvelle danse française. Dirigés par des directeurs artistiques et des chorégraphes, les Centres chorégraphiques nationaux se verront au fil du temps adjoindre de nouvelles missions qui leur seront confiées par l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre de l'aménagement du territoire et des politiques en faveur de la danse.

Volet chorégraphique de la décentralisation, les CCN sont nés grâce à l'essor de la « nouvelle danse française », incarnée par des chorégraphes tels que , ou . Cette politique volontariste en faveur de la danse, impulsée par l'État en coordination avec les collectivités territoriales, a permis l'émergence de ces centres de création sur tout le territoire. Elle s'inscrit dans la démarche engagée, depuis les années 1970, pour la reconnaissance et la visibilité de la danse contemporaine française.

10 mesures nouvelles pour la danse

Dans un communiqué de presse du 26 avril 1984, Jack Lang, ministre de la culture, annonce 10 nouvelles mesures pour la danse. Celles-ci offrent des outils de diffusion nationale et internationale , prévoient la mise en place d'un dispositif d'aide à la création, une réorganisation profonde des grandes écoles de formation en danse avec une ouverture décisive vers la danse contemporaine, un engagement en faveur de la culture chorégraphique et sa diffusion. La première mesure, qui reconnaît le Centre National de Danse Contemporaine (CNDC) d'Angers et 11 compagnies comme Centres chorégraphiques nationaux, répond à l'une des recommandations du rapport de la commission d'étude pour la danse faisant état d'un besoin urgent d'espaces de création pour les artistes chorégraphiques.  Dans sa définition même, un CCN doit être un pôle de développement et ne pas limiter sa dynamique à sa propre action artistique. Il doit assurer au moins trois des quatre missions : création, diffusion, formation, accueil. La formation s'adresse aussi bien à des stagiaires, des compagnies de la région, qu'à des professeurs installés localement.

Les Centres chorégraphiques nationaux sont nés, non pas ex-nihilo, mais à partir de structures existantes dans les régions. Le Ballet Théâtre du Silence créé par et en 1974 à La Rochelle voit ainsi son action pionnière reconnue. Le CNDC d'Angers, première école de danse contemporaine française créée en 1978, dirigée alors par , s'ajoute à une liste hétérogène dans laquelle coexistent des compagnies de ballets classiques (Ballet National de Marseille, Ballet Théâtre Français de Nancy, Ballet du Rhin, ) et de jeunes compagnies contemporaines installées. Jack Lang prolonge à travers cette reconnaissance statutaire une volonté politique en faveur de la décentralisation pour la danse déjà amorcée dans les années 1970, notamment par la politique de diffusion ou d'implantation de compagnies dans les Maisons de la Culture.

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Des esthétiques et des formats diversifiés

Initialement, les CCN étaient des compagnies contemporaines ou des ballets de création et de répertoire, dirigés par des artistes chorégraphiques contemporains ou classiques qui y développaient des projets artistiques fondés sur la création et la diffusion de leurs propres œuvres. A l'époque, le paysage chorégraphique contemporain français est répertorié sous le nom de « danse d'auteur. » Cette nouvelle danse française, fondée sur la figure du chorégraphe, s'appuie sur une structuration qui met en avant le chorégraphe comme directeur d'un lieu et de moyens de création dédiés à son travail. Dès leur création, les CCN sont le reflet de la diversité des esthétiques et des courants de pensée de l'art chorégraphique. Leur fonctionnement est lui aussi très hétérogène, entre jeunes compagnies contemporaines composées de quelques danseurs, et compagnies de ballets fonctionnant avec des équipes permanentes plus conséquentes. Si les missions qui leur sont conférées par le ministère apparaissent comme identiques, les cadres de travail, les réalités financières et logistiques ainsi que les relations avec les collectivités territoriales sont variées.

Ce label répondait à l'urgence de donner des moyens de travail relativement pérennes – par des contrats renouvelables – à des artistes chorégraphiques pour la production de leurs œuvres. Cependant, dès 1984, le ministère a considéré aussi les CCN comme des pôles de développement de la danse ayant pour mission d'entretenir un maillage. Ainsi, les missions effectives des CCN dépassent le cadre de la recherche, de la création et de la production d'un artiste directeur. Celui-ci est chargé à la fois de développer et de diffuser son propre travail de création tout en créant les conditions d'un développement de la danse.

Dès le milieu des années 1990, une décennie seulement après la création du label, sont questionnés le manque d'ouverture de ces lieux envers les compagnies indépendantes, leur capacité à interagir avec d'autres structures du territoire, leur relation à la formation des danseurs et leur capacité à investir des actions envers les publics ainsi que, par voie de conséquence et peut-être prioritairement, leur manque de visibilité et de présence sur les territoires. Les modes de formation du corps dansant et les modalités du marché telles que vécues en France, sont emblématiques de ce mouvement de contestation politique et esthétique porté par des artistes et des directeurs artistiques. Les CCN font partie des débats car, symboliquement, ils représentent la cristallisation de la politique de la danse des années 1980. Quelques années plus tard, certains de ces « contestataires » tenteront l'aventure de la direction d'un CCN et devront eux aussi inventer un nouvel équilibre entre création, diffusion, accueil et transmission.

En 30 ans, une cinquantaine de directeurs chorégraphes ont inventé les possibilités d'un CCN. Le réseau est ainsi constitué aujourd'hui de 19 Centres réunis au sein d'une association, l'Association des Centres chorégraphiques nationaux (ACCN). Les pratiques chorégraphiques évoluent. La danse contemporaine, en manque de visibilité et de reconnaissance en 1984, est aujourd'hui institutionnalisée, les circulations européennes et internationales se sont renforcées et les CCN se font les chambres d'écho de ces transformations tout en étant, chacun, porteur d'une histoire singulière.

Sources : Dossier de presse « Les CCN ont 30 ans », Dictionnaire de la danse

Crédits photographiques : François Mitterand et Jack Lang à Solutré en 1982 © Luc Novovitch/AFP – Les 30 ans des CCN au Théâtre national de Chaillot : « Gestes » de et F. Raffinot © Laurent Philippe/Divergence

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