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Né en 1924, Georges Prêtre s'est éteint le 4 janvier 2017. ResMusica lui rend hommage.
Dans le monde médiatique d'aujourd'hui, le meilleur moyen de donner une résonance à une nécrologie est de lier le défunt à une personnalité encore plus connue que lui : le décès de Georges Prêtre est donc celui du « chef préféré de la Callas ». Certainement, les quatre années de collaboration, les quatre dernières de la carrière réelle de Callas, ont été une vitrine exceptionnelle pour le jeune chef, qui rencontre la diva pour des sessions d'enregistrement en mars 1961, à 36 ans : les tournées et représentations lyriques qui suivirent, souvent conservées par l'enregistrement, jusqu'aux ultimes Norma parisiennes, ont véritablement marqué le jeune chef, mais elles lui ont aussi assuré une soudaine notoriété.
L'opéra, évidemment, est chez Prêtre une préoccupation constante, avant, pendant et après Callas. Ce fut le début de sa carrière, à la fin des années 1940, à une époque où le moindre opéra de province proposait des saisons ininterrompues et avait besoin de bras pour assurer le quotidien. Il passe par l'Opéra-Comique, puis par l'Opéra de Paris, d'abord comme simple chef du répertoire, puis, très brièvement, comme directeur musical, en 1970 : c'est, au fond, le seul poste de direction auprès d'une institution musicale de premier plan qu'il ait jamais exercé, ce qui ne l'a pas empêché d'être présent un peu partout dans les grandes maisons, au Met pendant une bonne douzaine de saisons (1964-1977) où il a tout dirigé de Tristan à Faust et d'Arabella au Trouvère, à l'Opéra de Paris sous Liebermann, et bien sûr à la Scala où il a sans doute été, pendant longtemps, le plus présent des chefs étrangers.
Il en va un peu de même au concert : Georges Prêtre a souvent dirigé l'Orchestre Philharmonique de Vienne et beaucoup d'autres orchestres de premier plan, mais son seul poste permanent, pendant six ans seulement, aura été à l'Orchestre Symphonique de Vienne, dans une ville qu'il a toujours portée dans son cœur. Du bal de l'orchestre en 1963 jusqu'à une ultime tournée en 2014, en passant par deux concerts du Nouvel An, le Philharmonique est sans doute l'orchestre qui aura donné au chef le plus de visibilité, entre concerts d'abonnement, résidence salzbourgeoise et tournées : le charisme et la chaleur immédiate du chef avaient de quoi plaire à un orchestre qui ne sort de sa luxueuse routine que quand un chef parvient à captiver son attention. Lorsque, l'âge venant, la notoriété de Prêtre a de nouveau atteint les sommets après une longue période d'éclipse relative, c'est à ce répertoire symphonique que Prêtre s'est essentiellement consacré : c'est l'évolution de la plupart des chefs qui cherchent à éviter les pesanteurs des maisons d'opéra.
Son répertoire n'est pas celui d'un spécialiste, pas même celui, forcément restreint, de ces chefs qui ne dirigent que les œuvres qui leur tiennent particulièrement à cœur. On l'associe, bien sûr, à la musique française qu'il a beaucoup dirigée et qu'on lui a beaucoup demandée, au grand répertoire opératique italien, mais il a aussi beaucoup dirigé le répertoire romantique allemand ou russe. Sans doute ne poussait-il pas la curiosité jusqu'à remonter dans le temps vers des répertoires plus anciens, et sans doute n'était-il pas le chef le plus ouvert à la musique contemporaine : il a certes connu Poulenc, travaillé avec lui, dirigé sa musique, mais sans aller plus loin vers la musique de son temps, ou même vers l'École de Vienne. Mais pour tout le reste, il revendiquait son éclectisme, fondé sur une approche de chaque partition à la fois personnelle et très soigneuse, spontanée et tenue. Aussi éloigné de la posture dictatoriale que de la collégialité des nouveaux orchestres d'aujourd'hui, Prêtre suivait sa voie, sur des sentiers qui pouvaient souvent ne pas pleinement convaincre, parfois aux limites du bon goût, très loin en tout cas de l'austérité aristocratique de Karajan ou d'Abbado. Mais un artiste n'est pas fait pour plaire à tous et tout le temps : ceux qui aiment être emportés par le flux musical plutôt que convaincus par la subtilité du discours avaient un allié en Georges Prêtre.