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Paris. Grande Salle du Centre George Pompidou. 04-VI-2005. George Benjamin (né en 1960) : Antara (1987), Three inventions for chamber Orchestra (1993-1995). Unsuk Chin (née en 1961) Cantatrix Sopranica (2004-2005). Anu et Piia Komsi : Sopranos ; Andrew Watts : Contre-ténor ; Sophie Cherrier et Emmanuelle Ophèle : flûtes ; Hidéki Nagano : synthétiseur ; Ensemble Intercontemporain ; direction : François Xavier Roth.
Paris. Ateliers Berthier 07-VI-2005. Brice Pauset (né en 1965) : Six Canons (Musurgia combinatoria 2001) création française, Symphonie III (Anima Mundi 2004) création française et commande de l’IRCAM-Centre Pompidou et du Klangforum Wien. Réalisation informatique musicale IRCAM : Olivier Pasquet ; Orchestre Klangforum Wien ; direction : Emilio Pomarico.

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Festival 2005

Franck Madlener, nouveau directeur artistique de l', (Institut de Recherche et de Création Acoustique et Musicale), a inauguré son premier festival , du 2 au 11 juin 2005. Ce Festival est surtout l'occasion de suivre et comprendre l'actualité des courants de la musique contemporaine. Durant dix jours, les alchimistes de l'électronique musicale nous ouvrent leurs fourneaux et exposent à la lumière les créations de demain. Inattendues, insoupçonnées mais toujours indomptables, les œuvres du festival marquent un moment incontournable de la vie musicale française. Les musiciens, les compositeurs, les musicologues, mais aussi les mélomanes et les curieux se retrouvent un peu partout dans Paris pour applaudir la nouvelle génération et pressentir les nouvelles tendances en matière de musique contemporaine. La principale qualité de cette édition, est l'élan, l'impulsion et l'énergie dynamique. Les concerts s'enchaînent et ne se ressemblent pas.

Avis de Tempête de Georges Aperghis ouvre le Festival. Les Ensembles voués à la musique contemporaine y désormais trouvent la parole : Ensemble Intercontemporain et le . Un air nouveau, comme une ouverture océanique flotte dans les couloirs. Bernard Stiegler, le nouveau patron, souhaite relancer l'émulation légendaire de l'institut : recherche scientifique et création musicale. En rapprochant le Festival et Résonances dès 2006, et en lançant dès cette année une revue, L'Inouï, qui paraîtra chaque printemps en avant-première d'Agora et abordera certaines œuvres diffusées lors du Festival. Première revue au support papier contenant un DVD et qui analyse pour le grand public une œuvre contemporaine. L'accessibilité analytique musicale à portée de neurones! Agora s'achève sur un hommage au père fondateur de l', Pierre Boulez, quatre-vingts ans. , , Bruno Mantovani, , Marc André Dalbavie, trois générations de compositeurs lui offrent leurs télégrammes musicaux et des œuvres du grand compositeur lui-même.

Deux concerts ont retenu l'attention. La grande Salle du Centre Georges Pompidou (4 juin – 20h30) a accueilli les œuvres du compositeur et d', compositrice coréenne, élève de pendant trois ans, encore très peu connue du public français. Sous la direction de François Xavier Roth, l'Ensemble Inter contemporain a, comme toujours, joué à la perfection les partitions millimétrées de cette fabuleuse soirée. Le jeune chef aux expériences insolites revendique sa liberté d'expression, du baroque au contemporain, tout en restant prudent ; les étiquettes sont parfois tenaces. Les Siècles est un orchestre de chambre qu'il anime depuis 2003. Un répertoire varié, qui ne l'empêche pas de diriger Les Contes d'Hoffmann à Pékin, Iphigénie en Tauride de Gluck (décembre 2005) et Les Noces de Figaro de W. A. Mozart (décembre 2006) au théâtre de Caen. Également chef assistant de Sir John Eliot Gardiner, ce jeune chef de 34 ans sait que diriger est la meilleure et seule vraie formation d'un chef d'orchestre. Un esprit curieux et modeste pour ce musicien original et talentueux.

Antara de est la pièce la plus écoutée de la médiathèque de l'. Cet ancien mot inca désigne la flûte de pan. Les qualités de l'instrument soulignent la fraîcheur et l'âpreté que les instruments de l'orchestre n'ont plus. Hélas, la tessiture est réduite et la vélocité tronquée. L'électronique rend ici un service considérable à l'imagination et la créativité débordante de George Benjamin. Composée en 1987, voici près de dix-huit ans, cette pièce nous dévoile grâce aux recherches menées à l'IRCAM, ce que donne une série de vingt flûtes de pan allant de vingt mètres de haut à quelques millimètres. Le discours s'ouvre sur les possibles rencontres entre flûtes modernes et flûtes de pan virtuelles. et , flûtes traversières, échangent avec aisance des tirades arrachées à l'électronique. Elles prennent souvent part aux créations ayant recours aux technologies les plus récentes. Ces sons, entre respirations et souffles océaniques, prolongent la dynamique du festival et l'ouverture au renouveau de l'édition.

Three Inventions for Chamber Orchestra est une pièce commandée pour le 75ème Festival de Salzbourg, crée en 1995. Trois mouvements pleins de lumière, l'un vibrant sur les couleurs harmoniques en hommage à d'Olivier Messiaen, le second épousant les pulsations capricieuses du tempo, alors que le dernier mouvement met en scène les gongs et les grosses caisses, situées de part et d'autre de l'ensemble des instruments, qui dialoguent, comme ombres furtives, s'amplifient, et laissent découvrir la richesse d'une gamme de son de toute beauté. La compositrice coréenne termine son opéra Alice au Pays des Merveilles. L'incontestable dextérité de son orchestration témoigne de sa réelle maîtrise du métier de compositeur. est éditée exclusivement chez Boosey & Hawkes. Cantatrix Sopranica est une commande de l'Ensemble Intercontemporain, créée à Londres sous la direction de George Benjamin, l'un des premiers soutiens et interprètes d'. Pour deux sopranos, contre-ténor et ensemble, Cantatrix Sopranica est un moment exquis pour les oreilles. Tout est dans la subtilité. Humour, divertissement et légèreté font de cette pièce une vraie réussite. Elle ne glisse jamais dans la facilité d'écriture, et sait réveiller en nous, le rire enfantin, entre taquineries et espiègleries. Suggérant le comique de dessins animés, Unsuk Chin offre un moment de vrai plaisir aux musiciens et aux chanteurs. Les sopranos, dont l'une a tenu a assuré le concert malgré une angine handicapante, sont extraordinaires. Le contre-ténor Andrew Watts est tout à son aise, de nationalité anglaise, ce musicien interprète aussi bien le baroque que les créations contemporaines. Il est le candidat idéal pour l'un des courants actuels, mariant les ornements et les signatures baroques aux techniques du langage contemporain. Notons que l'humour d'Unsuk Chin n'est certainement pas le cynisme. Elle ne se moque pas, elle ne détruit pas la musique baroque. La légèreté d'écriture que celle-ci lui permet vient détendre une musique contemporaine bien souvent tournée vers la dramaturgie obsessionnelle et engluée dans les couleurs sombres. Ici, point de soucis, les menaces et les punitions aux espiègleries vocales sont proches de L'Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel. Ne ratez pas la création française de son opéra Alice au Pays des Merveilles, elle sera certainement un moment d'exception.

Les Ateliers Berthier (7 juin – 20h30) ont accueilli Six Canons et la Symphonie III de Brice Pauset, dans laquelle il nous livre ses souvenirs, fantômes musicaux et littéraires, à travers une lecture personnelle du poète français Stéphane Mallarmé. Sous la direction d'Emilio Pomarico, le a d'abord joué les Six canons, expérimentation des combinatoires selon un filtrage esthétique subjectif et mise en œuvre critique des techniques du passé. Il écrivit cette pièce en 2001, d'une durée de 16 minutes. La pièce est interprétée avec finesse et minutie par deux violonistes d'exception ; Isabel Schneider et Ivana Pristasova. Un final à l'envolé, sur un souffle de trompette et cor, termine cette œuvre aux accents secs, saccadées et aux crissements grinçants qui laisse présager une écriture rigoureuse et tiraillée. Claveciniste de formation, ce compositeur de Besançon partage l'intimité de sa mémoire dans sa Symphonie III, commande de l'IRCAM et du lui-même. Plus complexe et plus longue, une heure environ, quasi-ininterrompue, la symphonie exige une caméra devant le chef d'orchestre pour pouvoir diriger les cinq groupes instrumentaux, tout autour du public, de part et d'autre de la grande salle des ateliers Berthier. Il imagine une suite de danses, traversée de nombreux revenants, lambeaux de tonalité, squelettes de contrepoint à trois ou quatre chœurs, apparitions de Frédéric Chopin, d'Arnold Schœnberg, Hildegarde von Bingen, de voix du compositeur lisant Stéphane Mallarmé. Les jeux de réponses entre groupes, selon les techniques médiévales, renaissent pour notre plus grand plaisir. Trémolos, bisbigliandos, effets de timbres et figures rythmiques discutent, s'unissent ou se déchaînent. Surtout perceptibles dans les moments plus lents, où le son a le temps de circuler dans la salle. Brice Pauset est soucieux d'exprimer sans signifier, telle est sa définition de la musique. Il tisse les lignes instrumentales de sa robe symphonique selon l'éthique d'un couturier polyphonique. De multiples relations entre les groupes instrumentaux et les haut-parleurs à travers lesquels se diffusent échos, reprises déformées et ornementations. Comme une auto-analyse permanente qui souligne avec plus de vigueur encore la spatialisation. L'utopie est sous-jacente, « possibilité théorique d'une œuvre dont la substance consiste pour l'essentiel en une forme pure », détachée de la narration et du sens, c'est une œuvre pour l'œuvre qu'il vise. Complexe et extrêmement riche, cette pièce emprunte l'hymne Cum vox sanguins Ursule de Hildegarde von Bingen à plusieurs reprises. L'une des plus belles réussites est sans doute la suggestion des souvenirs. Brice Pauset excelle dans la résurgence des émotions.

La Valse brillante de Frédéric Chopin est filtrée et jouée au piano. Entre jeu sur les cordes du piano (l'interprète tire les cordes à la main) et dialogue entre les deux pianos, ce très beau moment se charge d'une émotion pour tous ceux qui connaissent ce répertoire. Les fantômes trottinent partout, entre anciennes techniques d'écriture, clichés de tonalités, accord final des Variations Opus 31 d'Arnold Schœnberg, série dodécaphonique unique et simplement énoncée sans développement, comme une citation pour elle-même… faut-il tourner la page? Brice Pauset ne la tourne pas, il reste un peu dans ses souvenirs et derrière lui, le public accepte de le suivre. Une constellation sonore qui mélange les sources instrumentales et l'électronique, les souvenirs du répertoire et la fraîcheur engendrée par les dialogues contradictoires, l'utopie artistique et la réalité de l'écriture. La Symphonie III est certainement une pièce intellectuelle, difficile, mais qui relève le défi de proposer trois fins possibles. Le dernier final laisse entendre un accord de ré dièse mineur, qualifié par Marc Antoine Charpentier d'accord « horrible et affreux ». La résurgence émotionnelle et affective qu'engendre la mémoire de notre répertoire musical semble entretenir l'utopie d'une forme pure, détachée de la narration ou du sens. L'utopie de l'œuvre pour l'œuvre serait-elle aussi horrible que le final ne le suggère ?

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Paris. Grande Salle du Centre George Pompidou. 04-VI-2005. George Benjamin (né en 1960) : Antara (1987), Three inventions for chamber Orchestra (1993-1995). Unsuk Chin (née en 1961) Cantatrix Sopranica (2004-2005). Anu et Piia Komsi : Sopranos ; Andrew Watts : Contre-ténor ; Sophie Cherrier et Emmanuelle Ophèle : flûtes ; Hidéki Nagano : synthétiseur ; Ensemble Intercontemporain ; direction : François Xavier Roth.
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