Fin de partie pour le Vaisseau fantôme de Gloger au festival de Bayreuth
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Bayreuth. Bayreutherfestspielhaus. 26-VIII-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Der Fliegende Holländer, opéra en 3 actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Jan Philipp Gloger. Décors : Christof Hetzer. Dramaturgie : Sophie Becker. Costumes : Karin Jud. Lumières : Urs Schönebaum. Vidéo : Martin Eidenberger. Avec : Thomas Johannes Mayer, le Hollandais ; Ricarda Merbeth, Senta ; Andreas Schager, Erik ; Benjamin Bruns, le Pilote ; Peter Rose, Daland ; Christa Mayer, Mary. Chœur du Festival de Bayreuth (chef de chœur : Eberhard Friedrich) ; Orchestre du Festival de Bayreuth, direction : Axel Kober.
Dernière virée pour un Fliegende Holländer qui ne fera pas de vagues dans les annales du festival de Bayreuth malgré la qualité de la direction d'Axel Kober et un plateau renouvelé par rapport à l'an dernier.
Le frêle esquif de Daland et son pilote voguent sur une mer noire de chiffres et de bilans comptables. Tout un réseau de connexions électroniques s'allument et s'agitent au gré du flux et du ressac de la musique. Les naufragés sont eux-mêmes acteurs de leur dérive morale et l'on comprend très vite qu'ils parcourent le monde à la recherche de financements pour leur petite entreprise… de ventilateurs.
Gloger semble prendre un malin plaisir à montrer l'univers radieux et les sourires dentifrice de ces ouvrières genre fourmis laborieuses et comblées. Ce mélange de gaîté fausse et clinquante fleure bon son Jacques Tati, malgré la noirceur du message. Le Hollandais erre dans cet univers, exhibant les étranges stigmates d'une blessure ou d'une dépression morale et économique. Traversant sa crise existentielle en poussant sa valise à roulettes, il ferait presque pitié à voir tant il paraît seul et rejeté. Senta refuse le sort que lui réserve son papa chef d'entreprise. Elle cultive en véritable paria, une tendance autistique à transformer les cartons d'emballage en curieuse statue aux airs d'idole africaine.
Prêt à offrir une fille à qui, visiblement, il ne confiera pas les clés de son entreprise, Daland compte sur la promesse bassement matérielle du trésor que le Hollandais transporte dans sa valise. Le coup de foudre est brutal et fige les deux protagonistes dans un long silence lourd de sens. Attirés l'un l'autre par leur étrangeté commune, il y a fort peu à espérer du future puisque les conditions de leur rencontre tiennent à une forme de pression matérialiste que l'un comme l'autre refuse. Cette mise en scène banalise le rôle d'Erik, relégué au rang d'ouvrier corvéable à merci et occupé à de menues réparations. Seule présence masculine dans l'usine de ventilateurs, il jette son dévolu sur Senta et provoquera fortuitement la catastrophe en lui montrant une série de photos prises dans leurs moments de bonheur. C'est une autre photo qui scellera la destinée (marketing) du couple Senta-Hollandais, celle que le pilote saisit avec son smartphone et qui deviendra le nouveau produit-phare de l'entreprise de Daland : le couple éternel comme figure touristique d'un amour sous une cloche à neige…
Le remplacement de Samuel Youn (annoncé en Wanderer mais finalement aux abonnés absents) par Thomas Johannes Mayer, n'est pas vraiment une bonne nouvelle. Gris de palette et de trait, sa projection limitée le rend inaudible dans un duo qui tourne à l'affrontement des décibels par la fidèle Ricarda Merbeth, campée sur une assise solide qui lui donne une émission puissante et lumineuse mais sans réel charisme. En quatre ans, le rôle de Daland est passé de la voix de Franz-Josef Selig à celle de Kwangchul Youn et finalement Peter Rose.
À défaut de séduire par une expressivité et une subtilité hors pair, ce dernier affiche des mérites certains qui s'accommodent d'une émission ordinaire et peu timbrée. Les qualités du Pilote de Benjamin Bruns rappellent le formidable David qu'il donnait récemment dans la production des Meistersinger à Munich. Souhaitons de pouvoir l'entendre à nouveau dans d'autres rôles sur la Colline… Andreas Schager est superlatif dans Erik, la voix éclipse ses partenaires : au point qu'il est loisible de s'interroger sur la surdimension d'un rôle avant tout secondaire. Des lauriers mérités couronnent la prestation remarquable de Christa Mayer en Mary.
Axel Kober dirige les forces vives de l'Orchestre du Festival avec une tension et un enthousiasme communicatifs. Malgré quelques « craquages » dans les cuivres et la petite harmonie, l'ensemble plane sur les hauteurs… sans oublier les chœurs maison qui se couvrent de gloire dans les scènes de groupe et l'affrontement final.
Crédits photographiques : © Enrico Nawrath
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