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Immersion dans le romantisme allemand au Festival d’été de Baden-Baden

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Baden-Baden. Festspielhaus. 8-VII-2016. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.61 ; Symphonie N°5 en ut mineur op.67 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre N°2 en si bémol majeur op.83. Pinchas Zukerman, violon ; Nelson Freire, piano ; Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, direction : Valery Gergiev.

Baden-Baden. Festspielhaus. 9-VII-2016. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre N°1 en ré mineur op.15 ; Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.77 ; Symphonie No.1 en ut mineur op.68. Hélène Grimaud, piano ; Nikolaj Znaider, violon ; Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, direction : Valery Gergiev.

Baden-Baden. Festspielhaus. 10-VII-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Die Walküre, opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Version de concert. Avec : Andreas Schager, Siegmund ; Eva-Maria Westbroek, Sieglinde ; Mikhail Petrenko, Hunding ; René Pape, Wotan ; Evelyn Herlitzius, Brünnhilde ; Ekaterina Gubanova, Fricka ; Zhanna Dombroskaya, Gerhilde ; Irina Vasilieva, Ortlinde ; Natalia Yevstafieva, Waltraute ; Ekaterina Krapivina, Schwertleite ; Oxana Shilova, Helmwige ; Varvara Solovyova, Siegrune ; Anna Kiknadze,.Grimgerde ; Evelina Agabalaeva, Rossweisse. Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, direction : Valery Gergiev.

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Pour leur traditionnelle participation au Festival d'été de Baden-Baden, et l'Orchestre du Mariinsky proposaient un menu pantagruélique consacré aux plus grands compositeurs romantiques allemands.

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En entrée, une soirée dédiée à Beethoven, l'autre à Brahms, avec à chaque fois le concerto pour violon, un concerto pour piano et une symphonie. Et en plat de résistance, deux représentations de concert de La Walkyrie de alignant une incroyable distribution de stars, dont seuls Baden-Baden et le Staatsoper de Munich conservent actuellement en Europe le secret. L'annulation en dernière minute de Jonas Kaufmann dans le rôle de Siegmund pour raison officielle de santé a causé bien du désappointement parmi les spectateurs et a dû donner des sueurs froides à la direction du Festival, qui avait axé la majeure partie de sa publicité sur son nom. Pas simple en effet de trouver au pied levé un remplaçant au même niveau ! À côté de cette défection majeure, le remplacement du Concerto pour piano n° 5 de Beethoven par le n° 2 de Brahms semble bien anodin ; son annonce a néanmoins suscité les protestations d'un public visiblement sur les nerfs.

Au travers de ces trois soirées, se montre très irrégulier, capable du meilleur comme du franchement passable. Le meilleur, ce sera une Symphonie n° 5 de Beethoven d'un galbe, d'une puissance et d'une architecture irréprochables (avec les reprises), où les contrastes de tempo et de dynamique sont savamment amenés, où la violence n'est pas édulcorée (un trio du Scherzo presque sauvage), où la montée vers l'explosion libératrice du final emporte tout. Ce sera aussi un concerto pour violon de Beethoven à l'écoute du soliste, lui ménageant des plages suspendues aux textures orchestrales arachnéennes. Brahms globalement convainc bien moins, épais de son et boursouflé. Quelques superbes moments d'hédonisme sonore ne suffisent pas à une interprétation dont en cherche en vain l'architecture. Tempos étirés (le Maestoso initial du premier concerto pour piano !), points d'orgue à rallonge, alanguissements soudains et brutales baisses de tension entachent souvent le discours. Il en ira de même à certains moments de La Walkyrie, au premier acte surtout, quand le second et surtout le troisième retrouvent dans leur luxuriance sonore et leur plénitude orchestrale à son sommet. L'Orchestre du Mariinsky ne démérite pourtant pas. Les cordes graves en particulier sont somptueuses tout comme les pianissimos des cordes aiguës, parfois plus agressives dans les forte. Les cuivres affirment toute leur vaillance mais montrent toutefois plus de fragilité dans la nuance piano. Ce qui manque avant tout à l'orchestre, c'est une battue plus claire et marquée du chef, assurant une cohésion et une assise rythmique plus nettes.

inaugure la succession de solistes instrumentaux, tous de très haut niveau et dignes d'un festival international, avec le concerto pour violon de Beethoven. D'une technique moins brillante et transcendante que ses partenaires mais très soigneusement soutenu par Valery Gergiev, il maintient l'intérêt par une sonorité pleine et riche, une large palette dynamique, une variété et une originalité dans les couleurs et le jeu d'archet de chaque instant. Peu de virtuosité pure et de flamboyance mais un intense lyrisme et un dialogue permanent avec l'orchestre. Contraste total et retour au romantisme le plus échevelé avec le Concerto pour piano n° 2 de Brahms. y est parfait de force, de contrôle, de clarté de la polyphonie, de netteté des intentions. Il a déjà souvent interprété l'œuvre avec Valery Gergiev et le Mariinsky ; pourtant ce soir l'entente ne semble pas idéale car c'est le soliste qui dicte sa cadence. L'entrée du second mouvement Allegro appassionato est si vive que l'orchestre tarde à se recaler. L'Andante qui suit est pris a contrario dans un tempo si étale que le pianiste peine à l'habiter. Le lendemain, pour le Concerto pour piano n° 1 de Brahms, est attentivement à l'écoute du chef et de l'orchestre et la mise en place est irréprochable. Sa puissance titanesque, son jeu très spectaculaire et extraverti, la pâte presque orchestrale de son piano y font merveille. Enfin, pour le Concerto pour violon de Brahms, Nikolaj Znaider recueille tous les suffrages. Son interprétation d'une impeccable précision, d'une virtuosité folle et qui paraît pourtant évidente, d'une incroyable fureur et énergie peut parfois sembler un peu extérieure (le second mouvement Adagio) ou histrionique (une cadence un peu trop hypertrophiée) mais demeure absolument exaltante.

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Pour La Walkyrie, c'est donc à qu'est échue la délicate suppléance de Jonas Kaufmannn pour le rôle de Siegmund. Dans ces conditions et bien qu'il l'ait interprété récemment à Leipzig, il est parfaitement compréhensible qu'il ait préféré garder le secours d'une partition, Les moyens sont considérables. Ce qu'on perd en subtilité et demi-teintes, en poésie aussi, en comparaison de Jonas Kaufmann (comme vraisemblablement de Stuart Skelton, remplaçant pour la représentation du 7 juillet), on le gagne en intensité et vaillance. Le format vocal est celui d'un authentique Heldentenor, la puissance impressionne, le souffle semble inépuisable (des « Wälse ! » très longuement tenus jusqu'à friser l'accident), l'endurance est remarquable. Le public lui fait un accueil triomphal tant pour le courage du remplacement que pour la qualité de la prestation. En Wotan, s'accroche lui aussi à son pupitre et partage peu le jeu théâtral de ses partenaires. Chez lui, tout le dramatisme passe par les inflexions vocales d'une richesse infinie. Avec une exceptionnelle clarté de diction, il détaille son monologue tel un lied, n'hésite pas à murmurer certaines phrases, sait se faire tonnant ailleurs et se montre passionnant de bout en bout. Enfin, le Hunding de est un luxe que seules peuvent se permettre les grandes maisons, noir à souhait et d'une violence contenue glaçante.

Du côté des dames, le bilan est carrément exceptionnel tant sur le plan musical que par l'intensité théâtrale. campe une merveilleuse Sieglinde, frémissante et passionnée, à la féminité sensuelle, aux aigus charnus et au vibrato parfaitement contrôlé. La Brünnhilde d' est tout aussi magistrale, avec sa puissance incroyable, ses aigus nets et projetés droit, sans trace aucune de l'acidité qu'on a parfois pu lui reprocher. L'incarnation est proprement sidérante ; une attitude, un regard lui suffisent pour faire évoluer son personnage de la gamine espiègle du début à la femme fière et farouche de la fin. est également parfaite en Fricka, par la noble rigidité de l'attitude, la fermeté et le caractère cassant de l'intonation, l'aigu dardé comme un défi à Wotan. Issues en grande partie de l'Académie pour jeunes chanteurs du Mariinsky, les huit walkyries rivalisent de splendeur et d'engagement pour embraser le début d'un troisième acte qui se maintiendra jusqu'au bout sur les cimes. Même sans Jonas Kaufmann, une très grande soirée…

Crédit photographique : Valery Gergiev © Alexander Shapunov / (Siegmund), (Sieglinde) © Andrea Kremper

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