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Munich. Nationaltheater. 4-VII-2016. Munich Opera Festival. Fromental Halévy (1799-1862) : La Juive, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe. Mise en scène : Calixto Bieito ; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Ingo Krügler. Avec : Aleksandra Kurzak (Rachel) ; Roberto Alagna (Éléazar) ; John Osborn (Léopold) ; Vera-Lotte Böcker (Eudoxie) ; Ain Anger (Cardinal Brogni) ; Johannes Kammler (Ruggiero) ; Tareq Nazmi (Albert) ; Christian Rieger (Héraut d’Armes). Chœur de l’Opéra de Bavière (préparé par Sören Eckhoff) ; Orchestre National de Bavière ; direction : Bertrand de Billy.
La Juive de Jacques-Fromental Halévy à Munich, une soirée bien peu nécessaire pour une œuvre difficile, malgré les belles images de Calixto Bieito.
Il y a deux manières possibles de monter La Juive. L'une consisterait à la prendre pour ce qu'elle est, un grand divertissement mondain où la profusion est la qualité suprême. L'autre est extraire du très ambigu livret de Scribe, sans doute un des plus médiocres de l'histoire de l'opéra, une thématique d'apparence contemporaine. La Monarchie de Juillet avait voulu ridiculiser le fanatisme religieux, comme elle le fera un an après La Juive avec Les Huguenots, mais Scribe accumule tant de stéréotypes antisémites sur la tête du malheureux Éléazar, au premier degré, qu'on comprend difficilement comment une telle œuvre peut servir de vecteur à une dénonciation de la montée des haines religieuses dans notre monde contemporain.
C'est naturellement cette seconde manière qu'a choisie l'Opéra de Bavière, comme suffit à le montrer le choix de Calixto Bieito pour mettre en scène cette nouvelle production, et comme l'indiquent aussi les abondantes coupures, qui ramènent l'œuvre à une durée d'environ trois heures proche de celle des autres productions actuelles, mais qui montrent aussi quelle faible confiance on accorde, à raison d'ailleurs, aux talents de compositeur d'Halévy. Bieito, cependant, semble avoir été gêné par les faux-semblants de l'œuvre et produit un spectacle d'une grande élégance et d'une grande beauté plastique, mais qui ne s'engage guère par rapport à la fatale ambiguïté idéologique de l'œuvre. Il choisit de ne pas souligner, par les costumes ou par tout autre moyen, la différence entre juifs et chrétiens ; la haine naît entre frères, entre semblables, à qui tout est bon pour marquer une altérité irréductible, et le poids de la foule comme puissance d'oppression est une des forces du spectacle. L'idée est bonne, la réalisation en est, comme toujours chez Bieito, soignée et précise, mais tout ceci ne suffit pas à compenser les invraisemblances du livret et les platitudes de la partition.
La fortune récente de l'œuvre est notamment due au ténor Neil Shicoff, qui l'avait imposée à Vienne, à New York ou à Paris, par intérêt pour la thématique de l'œuvre plus que par adéquation avec sa voix plus habituée à Puccini qu'à l'opéra romantique français. Pour cette soirée munichoise, Roberto Alagna reste capable de chanter l'essentiel, même si l'aigu lui échappe : les notes sont là, mais avec une seule nuance dynamique. Tout est chanté forte, sans plus d'effort d'expression que de variété. Même la diction française qui fut un de ses grands points forts est moins limpide que celle de John Osborn, remarquable d'aisance et d'élégance, le seul de la soirée à faire croire un peu à son personnage. Après tout, la voix de Nourrit, créateur à 33 ans du rôle d'Éléazar, était-elle plus proche de cette souplesse que de la raideur d'Alagna, qui accentue la caricature de son personnage ?
Les trois autres protagonistes sont tout aussi imparfaits. Ain Anger a une diction correcte, une voix sonore, mais une tendance à surjouer la profondeur de sa voix. Les deux dames ont en commun une tendance à la surcharge expressive et une diction difficile. Vera-Lotte Böcker a le mérite de tenir fièrement la tessiture de son redoutable rôle, et il aurait suffi d'un travail interprétatif plus subtil pour tenir une Eudoxie idéale ; chez Aleksandra Kurzak, l'expressionnisme paraît au contraire le moyen de masquer les moments nombreux où la voix ne suit plus. Reste que leurs longs duos, avec si peu de souci de la forme et du style, tournent au grand-guignol. Il est vrai que Bertrand de Billy, sans naufrager la soirée comme il avait pu le faire pour un Simon Boccanegra déplorable, ne fait pas beaucoup plus que de battre la mesure : sans doute ne peut-on pas attendre beaucoup plus de l'orchestre de Halévy, mais un travail un peu plus soigné avec les chanteurs aurait permis, du moins, de donner à cette musique un minimum d'élan théâtral.
Crédits photographiques : © Bayerische Staatsoper
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Munich. Nationaltheater. 4-VII-2016. Munich Opera Festival. Fromental Halévy (1799-1862) : La Juive, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe. Mise en scène : Calixto Bieito ; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Ingo Krügler. Avec : Aleksandra Kurzak (Rachel) ; Roberto Alagna (Éléazar) ; John Osborn (Léopold) ; Vera-Lotte Böcker (Eudoxie) ; Ain Anger (Cardinal Brogni) ; Johannes Kammler (Ruggiero) ; Tareq Nazmi (Albert) ; Christian Rieger (Héraut d’Armes). Chœur de l’Opéra de Bavière (préparé par Sören Eckhoff) ; Orchestre National de Bavière ; direction : Bertrand de Billy.
Votre critique est à vomir, oser dire que la diction de Roberto Alagna est moins bonne que celle d’Osborn!!! Vous n’avez rien compris à la façon minutieuse dont il a rendu chaque attitude, le passage de la haine au désespoir de sacrifier celle qu’il considère comme son enfant; avez vous écouté la beauté de son timbre notamment dans la prière? Et votre analyse concernant Aleksandra Kurzak relève du même parti pris; si vous étiez dans la salle hier, vous avez pu constater que le public était loin de votre avis par ses applaudissements répétés et les acclamations finales.
J’ai eu la chance d’assister à cette représentation de La Juive d’Halévy ce Lundi 4 Juillet l’Opéra de Munich .
Je ne partage pas du tout la critique de Monsieur Dominique Adrian à son sujet .
Les voix principales étaient absolument magnifiques pleines de justesse et de précision ; idem pour le choeur. Roberto Alagna et sa femme ont enchanté le public : il les a ovationné à plusieurs reprises . La diction d’ Alagna et de la basse étaient excellentes .En retrai net pour les autres chanteurs .
Les rôles de Rachel et d’ Eléazar ont été joués à la perfection . Alagna nous agréablement surpris dans son interprétation , on le reconnaissait à peine dans son costume ! Le public a été enthousiasmé pendant toute la représentation et a fait un triomphe pendant plusieurs minutes aux chanteurs à la fin
En revanche , zéro pointé pour le metteur en scène qui nous a imposé encore une fois ses turpitudes prétentieuses comme cela devient de plus en plus courant de nos jours ; j’en arrive à préférer les opéras en version concert où ces nuisibles sont enfin absents .