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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 14-IV-2016. Franz Schubert (1797-1828) : Trio n°1 en si bémol majeur, op. 99 D. 898 ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Trio op. 50. Julian Rachlin, violon ; Mischa Maisky, violoncelle ; Evgueni Kissin, piano.
Au Théâtre des Champs-Élysées, l'alliage de trois grands musiciens.
Au pays des formations de musique de chambre, le trio à cordes est roi. Non seulement d'immenses compositeurs lui ont consacré, au fil des siècles, leurs œuvres les plus accomplies, mais c'est aussi, structurellement, l'un des regroupements d'instruments où s'équilibrent le mieux les individualités musicales d'une part, et la nécessaire construction d'un tout sonore de l'autre. Aussi est-ce avec un plaisir immense que l'on voit un artiste accompli tel qu'Evgueni Kissin basculer, de plus en plus, vers l'univers chambriste ; et ces deux grands trios de Schubert et de Tchaïkovski sont les pièces idéales où retrouver entier le génie du pianiste, tout en le confrontant à deux autres belles sensibilités, celles du violoniste Julian Rachlin et du violoncelliste Mischa Maisky.
Il est regrettable qu'un concours de circonstances ait privé les auditeurs du Trio de Schubert tel qu'ils auraient espéré l'entendre. Par manque de temps, il faut le croire, les musiciens sont entrés en scène sans avoir suffisamment accordé leurs instruments, et ont attaqué le premier mouvement de l'œuvre ex abrupto. Après la stupeur des premières mesures, où pour comble de malchance, violon et violoncelle jouent à l'octave, Julian Rachlin a fait de son mieux pour adapter son jeu et rectifier ses hauteurs – mais c'est une mission impossible. Auraient-ils dû s'interrompre ? Dans la suite, les trois musiciens ont surtout paru pressés d'en finir, animant le tempo à l'extrême. Il fallait bien le sens poétique de Mischa Maisky pour conserver leur grâce aux moments plus apaisés, telle la codetta du premier mouvement, par exemple.
Un Tchaïkovski de haute volée
Après l'entracte, les musiciens, remis de l'incident, se sont unis pour donner un Trio de Tchaïkoski parfait. Dans l'élan de leur inspiration, le vaste portique du premier mouvement séduit du début à la fin, de la déploration initiale – dont chaque retour varié, par la suite, est l'occasion d'un nouveau déploiement de couleurs – au second thème, triomphal, extatique, où Rachlin, dans le suraigu de son instrument, émeut aux larmes.
Le deuxième et dernier mouvement, le thème varié, est tout aussi riche de trouvailles, malgré quelques passages où, à nouveau, le violoniste presse inexplicablement le tempo. Le thème est exposé, dans sa candeur irrésistible, au piano : quel délice d'entendre Evgeny Kissin soigner chaque note, chaque attaque, et donner à cette ligne mélodique l'allure toute simple d'une comptine russe ! Puis les variations se succèdent. Valse, mazurka, berceuse, les musiciens semblent trouver un plaisir facétieux à faire leur, pour à peine une minute parfois, des esthétiques aussi différentes. La variation « avec sourdine » est sans doute la plus réussie ce soir, et le son blafard des cordes préfigure à merveille le cataclysme conclusif, lorsqu'au terme d'une variation finale éblouissante de virtuosité et de joie rayonnante, la musique s'effondre et fait place à une marche funèbre, sur laquelle l'œuvre se referme douloureusement.
Les vivas du public lui obtiennent deux bis tout aussi réussis : un mouvement de Mendelssohn et un autre de Brahms, dont on espère qu'ils sont l'annonce des projets futurs du trio.
Crédit photographique : © GettyImages (Dieter Nagl)
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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 14-IV-2016. Franz Schubert (1797-1828) : Trio n°1 en si bémol majeur, op. 99 D. 898 ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Trio op. 50. Julian Rachlin, violon ; Mischa Maisky, violoncelle ; Evgueni Kissin, piano.