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Opéra de Lille. 13-03-2016. Wolfgang Mitterer (né en 1958) : Marta, sur un livret original de Gerhild Steinbuch adapté en anglais par Douglas Deitemyer (CM); mise en scène Ludovic Lagarde; scénographie Antoine Vasseur; lumières Sébastien Michaud; création vidéo Michel Salerno et Cédric Scandella . Elsa Benoit, soprano, Marta; Georg Nigl, baryton, Grot, père de Marta; Ursula Hesse von den Steinen, mezzo-soprano Ginevra, Reine, mère de Marta; Martin Mairinger, ténor, Arthur, Roi; Tom Randle, ténor, Captain. Les cris de Paris; direction Geoffroy Jourdain; Ensemble Ictus; direction musicale Clément Power.
Écrit sur un livret original de la dramaturge Gerhild Steinbuch, Marta, le nouvel opéra du compositeur autrichien Wolfgang Mitterer est un conte, projetant de manière percutante et radicale une vision terrifiante de l'avenir de l'humanité, qui nous renvoie à notre propre actualité.
Dans ce conte, adapté en anglais par Douglas Deitemyer, tous les enfants ont étrangement disparu, exceptée Marta. Elle a été épargnée par sa mère, la reine Ginevra. Mais celle-ci, égoïstement, l'empêche de grandir en l'exposant durant quinze ans dans une boite de verre où elle devient l'éternelle enfant-poupée. Quinze plus tard, Marta est toujours vivante et sort de sa « jolie prison », réveillant les consciences et questionnant le monde qui l'entoure pour entrevoir un futur possible… en vain. Taillé sur mesure pour laisser un espace à la musique, le livret ajoute à l'onirisme du conte des « rêves », vingt-deux incrustations poétiques dont se saisit le compositeur pour modifier sans cesse l'espace-temps de son univers sonore.
Lumières et scénographie luxueuses
Le metteur en scène Ludovic Lagarde opte pour un décor unique, celui, luxueux, d'une « boite noire » qui expose l'enfant-poupée et concentre toute l'énigme à la faveur des lumières et de la vidéo. Elle occupe le centre de la scène et effectue des rotations périodiques qui rythment la dramaturgie. Fauteuil et banquette de part et d'autre accueillent les quatre personnages évoluant autour de Marta. Le Roi Arthur, qu'il faut toujours tirer de son sommeil et la Reine Ginevra, tous deux auréolés de la légende médiévale (le Roi est seul à porter un habit doré!); mais aussi Grot, le père de Marta, et le Capitaine, deux individus beaucoup plus sombres; ils ont certainement trempé dans le massacre des enfants et tiennent des propos ambigus, entre déni et mauvaise conscience.
Comme dans la Tragédie antique, le chœur, allant et venant par les deux portes en fond scène, est un personnage à part entière, s'immisçant dans le dialogue des personnages. Quant à Marta, avec ses longs cheveux évoquant Mélisande, ne serait-elle pas la « pauvre petite » (celle dont Mélisande vient d'accoucher) ainsi désignée par Arkel à la fin de l'opéra de Debussy, perdue dans un monde sans avenir et victime de sa destinée?
Des sons hybridés
Comme il aime à le faire dans toute sa musique, Wolfgang Mitterer travaille dans Marta à la connexion du monde instrumental et de l'électroacoustique pour forger une matière hybridée et riche, collant de près à la dramaturgie. C'est Jean-Luc Plouvier, de son clavier électronique dans la fosse, qui déclenche les fichiers-sons, donnant lieu à une spatialisation superbement réalisée. Si l'écriture musicale foisonnante et hérissée ne laisse aucun répit aux instrumentistes – l'ensemble Ictus sidérant sous la conduite du chef britannique Clément Power – les interventions de la bande-son (gouttes d'eau et sons minéraux) viennent suspendre momentanément l'action, faisant basculer l'écoute dans un temps plus étiré et lisse.
Une lueur dans les ténèbres
Le lyrisme tendu des quatre personnages évoluant au côté de l'héroïne se démarque sensiblement de la ligne plus flexible et parfois vocalisante de Marta. Georg Nigl/Grot et Tom Randle/Captain servent efficacement la noirceur mêlée de violence de ces assassins présumés. Dans un rôle plus nuancé, Ursula Hesse von den Steinen est une Reine à la voix expressive et racée alors que le Roi/Martin Mairinger est un ténor aigu très étonnant, perdu dans ses chimères. Éblouissante dans le rôle titre, Elsa Benoit est à la fois la poupée des Contes d'Hoffmann et le personnage révolté à qui Mitterer confie une partie vocale acrobatique remarquablement assumée. Le chœur – celui des Cris de Paris très impressionnant – chante quant à lui, le plus souvent, dans une toute autre temporalité. Plutôt madrigalesque ou dans la texture du choral, il semble délivrer, au sein de cette communauté qui se déchire, une part de chaleur, d'humanité voire de sensualité : un rien qui, peut-être, ranime l'espoir, dans ce cauchemar.
Crédit photographique: © Frédéric Iovino/Opéra de Lille
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Opéra de Lille. 13-03-2016. Wolfgang Mitterer (né en 1958) : Marta, sur un livret original de Gerhild Steinbuch adapté en anglais par Douglas Deitemyer (CM); mise en scène Ludovic Lagarde; scénographie Antoine Vasseur; lumières Sébastien Michaud; création vidéo Michel Salerno et Cédric Scandella . Elsa Benoit, soprano, Marta; Georg Nigl, baryton, Grot, père de Marta; Ursula Hesse von den Steinen, mezzo-soprano Ginevra, Reine, mère de Marta; Martin Mairinger, ténor, Arthur, Roi; Tom Randle, ténor, Captain. Les cris de Paris; direction Geoffroy Jourdain; Ensemble Ictus; direction musicale Clément Power.