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Petites histoires du violon : Le cri des violons aphones

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Les organologues sont assez d’accords sur les faits suivants : le violon ou son prototype apparaît au début du XVIe siècle et est utilisé presque uniquement par les pauvres, les plus aisés jouant eux sur des instruments à cordes tels que les violes ou le luth. Cela soulève une question importante : pourquoi au début du XVIe siècle, le violon, invention su géniale autant sur le plan scientifique que musical, est si mal considéré et doit attendre un siècle pour être enfin utilisé en musique savante ? Pour accéder au dossier complet : Petites histoires du violon

 
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Dans les articles précédents nous avons observé le violon sous divers aspects. Nous vous proposons d’étendre notre réflexion aux instruments de musique en général pour mieux revenir ensuite à notre sujet. Commençons par cette question : La raison d’être de l’instrument de musique est-elle de produire des sons? La définition du dictionnaire semble aller dans ce sens : « Objet utilisé pour produire des sons à des fins musicales ». Or il existe des instruments qui n’en produisent pas comme ceux qui sont par exemple exposés dans les musées. Même si à l’époque de leur fabrication, leur vocation était d’être utilisés pour leur son, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Certains sont aussi parfois tellement ornés et marquetés que nous ne pouvons raisonnablement dire qu’ils aient été un jour destinés à être joués. D’autres encore servent purement et simplement de décoration sur des murs où ils ont été accrochés par d’heureux propriétaires qui ne savent pas s’en servir.

Si tous ces objets sont considérés comme des instruments de musique alors qu’ils ne fonctionnent pas, ou plus, c’est qu’ils conservent un rapport avec le son. Celui-ci réside dans le potentiel sonore, réel ou supposé et dans l’intention que nous y mettons (ce que Freud a appelé « la toute puissance des idées »). Ce rapport est d’ordre « magique ».

En fait aux origines tous les instruments portent cette charge « magique ». Simplement parce que la vision du monde des sociétés primitives est liée au Sacré et touche tout l’environnement de l’homme. C’est sa réalité. La musique, le son lui-même, en ce qu’il a un pouvoir sur l’état émotionnel de l’individu, est perçu comme en ayant également sur les puissances, les esprits. Mais l’appréciation du son ne passe pas uniquement par le sonore. L’objet instrument qui le génère faisant partie intégrante du phénomène, il peut jouir d’une certaine autonomie par rapport à lui comme dans les exemples cités plus haut.

Mais c’est particulièrement le cas pour les instruments votifs (terme religieux qui signifie « fait ou offert en vertu d’un vœu »). Il s’agit d’une magie mimétique, sympathique, qui est le fruit de la puissance attractive de l’analogie. On trouve ces instruments un peu partout. En règle générale, ils servent à appeler les esprits malfaisants ou bienfaisants ou bien encore les deux. La plupart sont en métal (clochettes, cymbales, gongs) et de fait fabriqués par les forgerons considérés comme magiciens ou chamans. Certains peuvent être en bois mais construits avec des outils en métal que seul le forgeron peut posséder. Nous comprenons donc que ce qui donne à ces instruments une puissance particulière c’est l’absence même de sons. Celle-ci en est imprégnée, ce silence résonne et parle aux Dieux dans un vacarme qui leur est exclusivement réservé. Reste aux hommes l’idée, le potentiel de ces instruments, la virtualité du son … pour en extirper toute la magie.

Observons maintenant les objets qui illustrent cet article. Ce ne sont pas des violons mais quelque chose nous y fait quand même penser. Nous reconnaissons le matériau, nous comprenons qu’il s’agit d’une caisse sur laquelle s’exerce un système de cordes inattendu même si visiblement il a une acoustique contre-performante. Certaines courbes, certains volumes laissent penser que les outils qui ont servi à sa fabrication sont bien ceux d’un luthier. Libre à chacun alors, en fonction de ses croyances d’y voir des instruments votifs, d’apprécier leur absurdité, leur inutilité et d’entendre l’écho de leur bruyant silence.

Références bibliographiques :

1. Mircea Eliade : Le sacré et le profane, coll. « Idées », n° 76, Paris, Gallimard, 1965

2. Sigmund Freud : Totem et Tabou. Edition Petite Bibliothèque Payot, 1965

3. André Schaeffner. Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l’histoire de la musique instrumentale – Mouton Éditeur – 1968.

Crédit photographique : © DR, Violons votifs : collection privée et Sculpture d’Arman : artnetgallery

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