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Lyon. Les Subsistances. V.II. 2016. « Le Moi de la danse ». « Les grands témoins » : Entretien avec Mathilde Monnier, animé par Frédéric Pouillaude. Dub love. Cecilia Bengolea et François Chaignaud.
A Lyon, Le Moi de la danse, tout nouveau festival présenté par Les Subsistances (Laboratoire international de création artistique) s'est achevé sur un TEA-DUB, une fête de clôture, dans le Hangar, pour danser à en perdre le souffle. Cette première édition a également été le cadre de rencontres lors de conférences passionnantes « Grands témoins ».
Mathilde Monnier en majesté
Nous avons particulièrement goûté le charme discret de Mathilde Monnier, interrogée par Frédéric Pouillaude sur le thème du « retour à soi » quand on danse, écrit et pense la danse. Cette grande artiste, tout en finesse, a répondu à chaque question avec une précision et une humilité inchangée. Elle dirige aujourd'hui le CND à Pantin, après avoir longtemps réveillé celui de Montpellier, et met son être artiste, un temps seulement espère-t-on, entre parenthèse, encore une fois dirions- nous, parce que sa vie d'artiste fut, ou est plutôt, consacrée à rencontrer l'autre et à le mettre en valeur par la danse, par le fait d'éclairer l'autre art que le sien par la danse etc.
Qu'elle collabore avec Heine Goebbels, le compositeur virtuose, Philippe Katrine, le chanteur drôle, trash, pétillant, Christine Angot, l'écrivaine sémillante que nous avons aujourd'hui presque tous lu avec bonheur, et qui n'était pas si connue lorsque Mathilde Monnier lui a proposé de jouer sur scène en duo La Place du singe, ou plutôt s'est donné la place du singe, donc du danseur qui fait le pitre sur les doctes paroles déclamées de Christine; ou encore Jean-Luc Nancy, quand elle a réussi à faire comprendre au bon phénoménologue, que non, la danse n'est pas ce tournoiement à l'intérieur de nos viscères, mais qu'elle peut être, surtout quand elle s'appelle Mathilde, ce mouvement qui va de l'autre à soi pour éclairer le monde et le lover dans son regard à elle, qui a ce mérite d'être pur, juste, d'une élégance inouïe, jusque dans ses chutes de clown triste, qui reçoit sur scène trente coups de planche de sa comparse Marie, La Ribot, dans Gustavia, et retombe à chaque fois, c'était choisi, différemment. Nous avons mal pour elle au cou, rien que de la voir recevoir ces coups, et pourtant elle se relève et toujours avec cette même grâce qui permet à Mathilde Monnier de traverser les époques, comme un ange en flottant à la surface du sol, plein de projets et d'engouements de rencontres fructueuses dans les poches. Parce que oui, Mathilde Monnier pour parler de son « moi », qu'elle n'esquive pas, va vers le monde, ouvre les bras, présente et prend ce qui va nourrir la danse et la vie tout simplement.
Nous étions déjà séduite, après cette belle conférence illustrée (par les chemins de solitudes de Déroutes, notamment), nous sommes juste à vie conquise. C'est toujours ce même mouvement d'aller vers le monde de ses affinités pour revenir enrichie à soi, qui se tisse. C'est beau, c'est fécond, c'est elle.
Cecilia Bengolea et François Chaignaud
Pour clore ce riche parcours sur l'identité et la danse, en beauté sur pointes, toujours comme « arme de résistance » et en équilibre plus que stable, sur la dub mixée sur scène de Jideh-High Elements, il y a l'inclassable et génialissime duo Cecilia Bengolea et François Chaignaud pour « Dub love ». Le duo sur une conception de Cecilia Bengolea danse en trio ici sur de la dub, belle et bien travaillée et toujours, quasi pendant toute l'heure sur pointes, plus qu'une prouesse, c'est peu dire, avec leur comparse Hanna Hedman, c'est une jubilation, une extase. Ça tournoie, Cecilia, telle le pantin du manège, ça se déploie, François, tel l'arbre au printemps qui se réveille et lance ses branches vers le ciel, ça se replie et se redéploie, Hanna, telle le faon qui trouve ses marques, puis les perd, et les recherche. Et de faire même l'affront de chanter joliment sur la dub et de se retrouver deux fois, début et fin, à trois, enlacés et transfigurés par l'amour. Quand chacun se lâche en solo, c'est du bonheur en boîte, c'est le cas de le dire !
Nous évoquons donc le côté boîte de nuit, toujours là, et moins l'allusion back room, qui surgit en filigrane quand on n'a plus que leur lune à admirer dans des boxes. Mais c'est une réussite de 2013, certes qui n'a pas vieilli d'un poil et résiste toujours à la critique avec brio. Chapeau.
Crédit photographique : Mathilde Monnier © Tristan Jeanne-Valès; DUB LOVE © Hervé Veronse
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Lyon. Les Subsistances. V.II. 2016. « Le Moi de la danse ». « Les grands témoins » : Entretien avec Mathilde Monnier, animé par Frédéric Pouillaude. Dub love. Cecilia Bengolea et François Chaignaud.