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Aix-en-Provence. Théâtre de l’Archevêché. 4-VII-2015. A Midsummer Night’s Dream (Le Songe d’une nuit d’été), opéra en trois actes de Benjamin Britten sur un livret du compositeur et de Peter Pears, d’après la pièce homonyme de William Shakespeare. Mise en scène ; Robert Carsen. Décors et costumes : Michael Levine. Lumière : Robert Carsen et Peter van Praet. Avec : Sandrine Piau, Tytania ; Lawrence Zazzo, Oberon ; Miltos Yerolemou, Puck ; Scott Conner, Theseus ; Allyson McHardy, Hippolyta ; Rupert Charlesworth, Lysander ; John Chest, Demetrius ; Elizabeth DeShong, Hermia ; Layla Claire, Helena ; Brindley Sherratt, Bottom ; Henry Waddington, Quince ; Michael Slattery, Flute ; Christopher Gillett, Snout ; Simon Butteriss, Starveling ; Brian Bannatyne-Scott , Snug ; Benedict Hill, Lucas Pinto, Andrew Sinclair-Knopp, Jérémie de Rijk (Membres du Trinity Boys Choir), Cobweb, Peaseblossom, Mustardseed, Moth. Trinity Boys Choir (chef de choeur David Swinson), Orchestre de l’Opéra National de Lyon sous la direction musicale de Kazushi Ono.
Triomphale première pour la reprise d'un spectacle vieux d'un petit quart de siècle. On n'avait pas rêvé : Le songe d'une nuit d'été de Benjamin Britten mise en scène par Robert Carsen est un des 10 plus beaux spectacles du monde !
Le Songe d'une nuit d'été, partition ensorcelante et livret impeccable (Shakespeare condensé avec génie par Britten) porte chance à ses metteurs en scène : rappelons en effet que, s'il révélait le jeune Carsen en 1991 au Théâtre de l'Archevêché, il en avait été de même à Lyon en 1983, pour les débutants Moshe Leiser et Patrice Caurier, qui accouchèrent là de leur plus exemplaire réalisation.
« La musique est bizarre » pouvait-on entendre exprimer après le premier acte par un public en quête de grandes envolées lyriques et même légèrement démissionnaire face à la lecture des surtitres. La musique de Britten, toute de raffinement, toute au service du verbe shakespearien, présuppose l'investissement de l'esprit. Si l'on fait cet effort, quelle récompense alors ! Surtout que l'on n'est pas prêt de retrouver une traduction scénique aussi lisible que celle d'Aix 2015.
Le Songe de Carsen est un sommet de raffinement. L'on a déjà beaucoup loué l'infinie séduction poétique d'un décor bicolore hautement signifiant. Sous un croissant de lune multi-formats, le plateau est un immense lit posé de guingois, où dialoguent les couleurs de la Nature (le vert de la forêt des rêves et le bleu profond du ciel), couleurs se déclinant sur les costumes des fées et des elfes, colorant progressivement les blancs impeccables des humains. Le lit se démultipliera, connaîtra les effets de la lévitation. D'une sensualité prégnante (Carsen lit avec chic et humour toutes les confusions de sentiments possibles du sous-texte), le tout est éclairé de bout en bout par une des plus belles lumières que l'on ait jamais vue (ainsi celle qui glisse au sol à 30 degrés en fin de l'Acte I pour le sommeil de Tytania!) Tous les protagonistes de la féerie shakespearienne vont aller et venir sur cette métaphore de rêve, jusqu'à ce que, au mitan de l'Acte III, par un changement à vue aérien toujours aussi soufflant, s'impose le blanc et l'or pour l'hilarante conclusion du théâtre dans le théâtre. Ce Songe d'une nuit d'été réussit le doublé idéal d'une magistrale direction d'acteurs et d'un choc esthétique. Pour un spectateur d'opéra, le rêve devenu réalité.
Depuis 25 ans, les distributions se sont succédé sans jamais ternir la réputation de cette magistrale leçon de mise en scène. Celle d'Aix 2015 ne risque pas d'encourir ce reproche. La Tytania de Sandrine Piau, d'une fantaisie communicative, gravite sur les même hauteurs vocales que sa récente Sœur Constance avec Olivier Py. Actuellement au sommet de son art, la cantatrice française peut produire des aigus de stratosphère. La beauté seigneuriale de l'Obéron de Lawrence Zazzo est indiscutable et, après Henri Ledroit, James Bowman ou David Daniels, marque l'interprétation de ce rôle des plus étranges, que Britten écrivit pour Alfred Deller. Miltos Yerolemou récolte un beau succès avec un Puck fantasque, aux cabrioles renversantes. Peu à peu effeuillés par la mise en scène, les quatre amants, remarquables comédiens, sont parfaitement distribués : Elisabeth DeShong, Layla Claire (mention spéciale pour cette dernière, issue, comme les deux garçons, Rupert Charlesworth, John Chest, de l'Académie du Festival) sont des modèles d'articulation brittenienne. Le sextuor des artisans, emmené avec panache par le Bottom cabotin comme il se doit de Brindley Sherratt, fait mourir de rire l'assistance au dernier acte, notamment le personnage de Tisbé, incarné ici par Michael Slattery. Le Thésée alla Shirley-Quirk de Scott Conner et le beau mezzo de l'Hippolyta de Allyson McHardy apportent une touche royale au dernier tableau. Condensé de l'art du grand compositeur anglais, le Songe offre au domaine de l'enfance une partition envoûtante : les chanteurs du Trinity Boys Choir, très sollicités par la mise en scène, sont, jusqu'au dernier poil de leur moustache verte, les gardiens vigilants de toute une tradition anglaise de la voix d'enfant.
Surgie du silence de la nuit caniculaire aixoise, la musique immatérielle de Britten s'élève jusqu'à la magie sous la baguette analytique de Kazushi Ono. Sinuosité des cordes, poudroiement du célesta… Un vrai rêve sonore. Lorsque le rideau tombe après la dernière adresse shakespearienne de Puck au public, c'est un soulèvement d'enthousiasme légitime dans le Théâtre de l'Archevêché, qui vit naître ce spectacle d'une perfection absolue.
Crédit photographique : © Patrick Berger
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Aix-en-Provence. Théâtre de l’Archevêché. 4-VII-2015. A Midsummer Night’s Dream (Le Songe d’une nuit d’été), opéra en trois actes de Benjamin Britten sur un livret du compositeur et de Peter Pears, d’après la pièce homonyme de William Shakespeare. Mise en scène ; Robert Carsen. Décors et costumes : Michael Levine. Lumière : Robert Carsen et Peter van Praet. Avec : Sandrine Piau, Tytania ; Lawrence Zazzo, Oberon ; Miltos Yerolemou, Puck ; Scott Conner, Theseus ; Allyson McHardy, Hippolyta ; Rupert Charlesworth, Lysander ; John Chest, Demetrius ; Elizabeth DeShong, Hermia ; Layla Claire, Helena ; Brindley Sherratt, Bottom ; Henry Waddington, Quince ; Michael Slattery, Flute ; Christopher Gillett, Snout ; Simon Butteriss, Starveling ; Brian Bannatyne-Scott , Snug ; Benedict Hill, Lucas Pinto, Andrew Sinclair-Knopp, Jérémie de Rijk (Membres du Trinity Boys Choir), Cobweb, Peaseblossom, Mustardseed, Moth. Trinity Boys Choir (chef de choeur David Swinson), Orchestre de l’Opéra National de Lyon sous la direction musicale de Kazushi Ono.