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Munich. Nationaltheater. 8-VII-2015. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Peter Konwitschny ; décors et costumes : Johannes Leiacker. Avec : Robert Dean Smith (Tristan) ; René Pape (le roi Marke) ; Waltraud Meier (Isolde) ; Alan Held (Kurwenal) ; Francesco Petrozzi (Melot) ; Michelle Breedt (Brangäne) ; Kevin Conners (Un berger) ; Christian Rieger (Un pilote) ; Dean Power (Un jeune marin). Chœur de l’Opéra d’État de Bavière (chef de chœur : Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction musicale : Philippe Jordan.
Avec Tristan, il n'est jamais très difficile de remplir la salle de l'Opéra de Munich, où l'œuvre a été créé il y a cent cinquante ans. Mais quand Waltraud Meier annonce que les deux représentations programmée en ce mois de juillet 2015 seront ses dernières Isolde, évidemment, les places s'arrachent bien au-delà du public local, et ce d'autant plus que, même en cette occasion solennelle, le prix des places reste bien plus modéré que dans les autres grandes capitales lyriques.
La description de la soirée pourrait presque s'arrêter là : Waltraud Meier aux saluts, en pleurs, remerciant le public munichois qui l'applaudit debout (les standing ovations sont rares à Munich !). Mais il se trouve que les quatre petites heures de musique et de théâtre qui précèdent ce moment d'émotion méritent un peu mieux, et même beaucoup mieux, que de rester dans l'ombre de cet instant. Meier d'abord, bien sûr : on comprend bien, en l'entendant ce soir, que le moment est bien choisi pour abandonner le rôle, vingt-trois ans après ses débuts dans ce rôle, à Bayreuth, sur l'insistance de Daniel Barenboim. La voix est plus mince, moins colorée qu'elle ne l'a été, c'est entendu. Ce que Meier n'a plus, c'est ce qui faisait le triomphe d'une Flagstad, d'une Nilsson, cette extrême beauté instrumentale accompagnée d'un contrôle inébranlable du son. Ce qui lui reste encore aujourd'hui, c'est ce qui a fait d'elle l'Isolde suprême de notre temps : ce sens du texte et de la diction, cette force de conviction qui nous aura fait écouter la langue de Wagner comme jamais. L'ironie amère des « imprécations » du premier acte, presque l'humour noir d'Isolde, on ne l'avait jamais entendue ainsi, et quand Philippe Jordan prend garde de ne pas couvrir les voix, on l'a entendu avec une émotion intacte pour une dernière fois.
Mais au-delà d'elle, cette belle soirée estivale restera dans les mémoires pour sa cohérence. La mise en scène fête vaillamment ses 17 ans (et Waltraud Meier était Isolde pour la première, disponible depuis longtemps en DVD), les chanteurs et le chef n'ont sans doute pas eu beaucoup de répétitions, mais ce qu'on entend et ce qu'on voit a la fraîcheur et l'esprit d'équipe d'une première longuement répétée. Nous avions déjà fait l'éloge de l'admirable production de Peter Konwitschny, metteur en scène scandaleusement ignoré (et dénigré) en France, à l'occasion d'une représentation de 2011 : son Tristan est lumineux et vif, la forêt de l'acte II est d'une beauté plastique aveuglante (on pense à Kirchner, au Blaue Reiter), et la fin d'une émouvante simplicité – Tristan et Isolde fermant le rideau sur le vieux monde de la vie quotidienne, réunis et vivants.
La distribution de ce soir n'est pas parfaite : comme en 2011, le Kurwenal d'Alan Held est un peu passe-partout, Michelle Breedt beaucoup trop pâle et parfois peu assurée ; mais les petits rôles sont excellents (notamment Dean Power, qu'on verrait volontiers dans des rôles plus conséquents), et René Pape comme Robert Dean Smith font mieux qu'assurer leur rôle : Smith, qui a parfois des difficultés à arriver au bout de l'acte III, est cette fois en pleine possession de ses moyens, et Pape, dont la voix tend à vrai dire à perdre en éclat au fil des ans, reste un roi Marke de premier plan.
Mais qu'importe ces réserves : c'est aussi largement grâce à l'orchestre, sans nul doute l'un des meilleurs au monde pour ce répertoire (et d'autres !), que la soirée est mémorable. Philippe Jordan livre un beau travail, cohérent et soigné, quoique parfois superficiel et trop peu attentif aux besoins des chanteurs ; mais c'est vraiment cet orchestre d'exception qui mérite les plus grands éloges, au quotidien comme lors d'une représentation aussi mémorable que celle-ci.
Crédit photographique : © Wilfried Hösl
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Munich. Nationaltheater. 8-VII-2015. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Peter Konwitschny ; décors et costumes : Johannes Leiacker. Avec : Robert Dean Smith (Tristan) ; René Pape (le roi Marke) ; Waltraud Meier (Isolde) ; Alan Held (Kurwenal) ; Francesco Petrozzi (Melot) ; Michelle Breedt (Brangäne) ; Kevin Conners (Un berger) ; Christian Rieger (Un pilote) ; Dean Power (Un jeune marin). Chœur de l’Opéra d’État de Bavière (chef de chœur : Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction musicale : Philippe Jordan.
1 commentaire sur “Waltraud Meier, adieux d’une Isolde unique à Munich”