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Toulouse. Théâtre du Capitole. 28-VI-2015. Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot, opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni, terminé par Franco Alfano. Mise en scène et chorégraphie : Calixto Bieito; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Ingo Krügler; éclairages : Olaf Lundt, adaptées par Olivier Oudiou. Avec : Elisabete Matos, Turandot ; Alfred Kim, Calaf ; Eri Nakamura, Liù : In Sung Sim, Timur ; Gezim Myshketa, Ping ; Gregory Bonfatti, Pang ; Paul Kaufmann, Pong ; Luca Lombardo, Empereur Altoum ; Dong-Hwan Lee, Un Mandarin. Chef de chœur : Alfonso Caiani. Maîtrise et Chœur du Capitole. Orchestre national du Capitole
direction : Stefan Solyom.
On peut rendre hommage au Théâtre national du Capitole pour avoir offert à Calixto Bieito, avec cette Turandot, l'occasion de présenter sa première production en France.
L'intérêt ira sans doute grandissant avec le prochain Lear d'Aribert Reimann, donné à Bastille la saison prochaine. Metteur en scène mêlant la violence de notre modernité à l'exigence de réflexion qui s'en dégage, cet Espagnol de 51 ans fait les beaux jours des scènes nordiques (allemandes et anglaises principalement). On aura admiré les deux saisons précédentes l'urgence millimétrée et le choc visuel de ces Soldats de Bernd Alois Zimmermann, donnés à Zürich et à la Komische Oper de Berlin.
Cette production de Turandot nous vient directement de Nuremberg, où elle a été donnée en septembre 2014. Loin du terrain de jeu vériste traditionnel, Bieito joue ici une partition véhémente et contrastée, qui bruisse du tourment délétère de notre monde contemporain. La princesse chinoise se glisse dans les habits d'une femme d'affaire au sein d'un monde asiatique résumé à un atelier d'emballage de poupons en celluloïd, avec en toile de fond, un mur de cartons prêts à l'expédition. Comme toujours chez lui, tous ces éléments – a priori anecdotiques – font sens et nous conduisent à une lecture à plusieurs niveaux.
Les références se portent également en direction du cinéma d'auteur, à commencer par cette projection sur le mur du fond d'un énigmatique visage aux yeux grands ouverts (et oui, Nessun dorma…), recouvert progressivement par de mystérieux idéogrammes comme dans le premier court-métrage du Kwaïdan de Masaki Kobayashi . On ne manquera pas de savourer également le sadisme glauque et pervers de Ping, Pang, Pong en officiers séides de la dictature chinoise. Le Pasolini du Salò ou les 120 journées de Sodome surgit à point nommé dans le bas-fond psychanalytique de la scène de transformisme où les robes de mariées remplacent les uniformes…
Dans cet univers où l'humiliation dialogue avec la barbarie du capitalisme, le peuple anonyme se tient prostré, souvent face contre terre ou bien tourné face contre le mur. Le malaise qui se dégage n'a pourtant rien de comparable avec l'impact de son Bal masqué ou de son Wozzeck au Liceu de Barcelone. On reconnaît ici plusieurs « marqueurs » qui signent un style désormais bien connu et toujours aussi diaboliquement efficace.
Respectivement composé de deux coréens et d'une japonaise, le trio Calaf-Timur-Liù triomphe sans réserve d'un plateau pour l'essentiel de bonne tenue. Impossible de départager la noblesse de la ligne de chant de la belle Eri Nakamura de l'incroyable qualité de timbre du ténor coréen Alfred Kim. Le célébrissime Nessun dorma soulève une vague d'applaudissement ininterrompus. Plus étonnant encore, la mort de Liù reçoit un accueil comparable, ce qui en dit long sur l'enthousiasme du public toulousain. Belle prestation de In sung Kim en Timur – rôle trop souvent victime d'interprètes inutilement larmoyants. Luca Lombardo se joue des pièges techniques, impayable en Empereur décati et sénile, se couvrant le tête de la cendre de ses ancêtres. Injustement huée dès la fin de son In questa reggia, Elisabete Matos est une Turandot surpuissante mais d'un métal souvent trop glacé et contondant.
Le Chœur et la Maîtrise du Capitole rivalisent de finesse et de brio dans cette partition extrêmement sollicitante et complexe. Avec un infini talent et une cohésion sans faille, ils se plient à la moindre exigence de la mise en scène. Maître des équilibres et des cataractes, Stefan Solyom ne lâche pas la bride à un excellent Orchestre National du Capitole, pourtant prêt à en découdre. Ce Puccini demeure très incarné et brillant, un rien en deçà du goût de sang et de délire que semble lui imposer la mise en scène.
Crédits photographiques : © Pascal Pavani
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Toulouse. Théâtre du Capitole. 28-VI-2015. Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot, opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni, terminé par Franco Alfano. Mise en scène et chorégraphie : Calixto Bieito; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Ingo Krügler; éclairages : Olaf Lundt, adaptées par Olivier Oudiou. Avec : Elisabete Matos, Turandot ; Alfred Kim, Calaf ; Eri Nakamura, Liù : In Sung Sim, Timur ; Gezim Myshketa, Ping ; Gregory Bonfatti, Pang ; Paul Kaufmann, Pong ; Luca Lombardo, Empereur Altoum ; Dong-Hwan Lee, Un Mandarin. Chef de chœur : Alfonso Caiani. Maîtrise et Chœur du Capitole. Orchestre national du Capitole
direction : Stefan Solyom.