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Wolfgang Amadeus Mozart, Idomeneo, rè di Creta, K. 366, dramma per musica en trois actes. Livret de Giambattista Varesco, d’après la nouvelle didactique Idoménée (1699) de Fénelon et d’après le livret d’Antoine Danchet pour la tragédie lyrique homonyme (1712) d’André Campra. Martin Kušej (mise-en-scène) ; Olaf Schmitt (dramaturgie) ; Annette Murschetz (décors) ; Heide Kastler (costumes) ; Reinhard Traub (lumières). Avec : Lothar Odinius, Idomeneo ; Kate Aldrich, Idamante ; Elena Galitskaya, Ilia ; Ingela Brimberg, Elettra ; Julien Behr, Arbace ; Didier Roussel, le grand-prêtre de Neptune ; Lukas Jakobski, la voix. Chœur de l’Opéra de Lyon, Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Gérard Korsten (direction musicale).
Dans Idomeneo, Mozart rudoya l'opera seria avec flamboyance et n'aida pas ses futurs metteurs en scène. Tout comme Wagner dans Tannhäuser, il rassembla ses expériences multiformes et conçut des idées qui allaient nourrir ses futurs opéras. Martin Kušej s'en est remis à de mornes automatismes.
Idomeneo demeure incommode à son metteur en scène. Primo, cet opera seria développe un sujet noble, porte un ton héroïque et consiste en une chaîne de « numéros clos ». Comme jadis Monteverdi avec le madrigal, Mozart fait exploser cet opera seria, de l'intérieur et par un torrent d'expressivité et de subjectivité. Secundo, la relation père-fils qui, au Siècle des Lumières, structura le livret est, en ce XXIe siècle, chamboulée (le long cours de la psychologie et de la psychanalyse est passé par là). Tertio, si les deux premiers actes ont un fil dramatique continu, l'acte III, avec ses retournements, touche à cet invraisemblable dont se méfie.
Là est le premier défaut, quasi létal, de cette production : Martin Kušej a le génie d'être inconstant et irrésolu. Sur la scène, il jette des idées séparée les unes des autres et ne les relie ni ne les rend préhensibles. Trois exemples, parmi d'autres. Que fait cette bande d'enfants (le livret n'y fait pas allusion), vêtue de blanc, muée en élément de décor à l'acte II puis manipulant des armes d'assaut à l'acte III ? Puis, que constitue (des vêtements, des livres, voire des cadavres ?) et à quoi sert ce tas, feuilleté et d'un rouge passé, qui obstrue l'huis central à l'acte III ? Enfin, faute de concevoir un autre sacré (laïc, cette fois, en lieu et place du pouvoir de Neptune) qui régirait les destinées humaines, Martin Kušej recycle une facilité (ce n'est plus une idée), maintenant usée jusqu'à la trame : une bande des nervis, brutaux, surarmés et peu fidèles aux ordres reçus, dirige la Cité. Le sinistre, dans un no man's land entre symbolique et simulacre, est atteint avec ce laid requin-Neptune en [plas]toque que le chœur soutient à bout de bras…
La scénographie reprend un objet, lui aussi éprouvé (c'est une litote) mais qui, employé à bon escient, serait pertinent : une tournette. À son crédit : ses murs enclosent une maison-labyrinthe, de sorte que le regard du spectateur butte sur des cloisons internes et les traverse rarement. Et à son débit : trop volumineux et placé en presque avant-scène, ce dispositif laisse un espace étréci aux solistes (réduits à de prévisibles va-et-vient latéraux) ; quant aux moments où le tutti (les solistes, la quarantaine de choristes et la trentaine de figurants) est assemblé, l'inertie, devenue règle par contrainte, ne laisse à chacun qu'une médiocre issue : ressortir ses plates ficelles théâtrales. Là encore, Martin Kušej n'a accompli que la moitié de son travail : une scénographie mais nulle direction d'acteurs.
Une tiède direction musicale
À l'Opéra de Lyon, Gérard Korsten a laissé d'heureux souvenirs. Mais, pour cet Idomeneo, quelle déception ! Avec ses phrasés indolents, ses articulations médianes et ses tempi alentis, ce chef méconnaît combien l'urgence expressive hante cette œuvre souvent violente, en écho aux symphonies tendues que Mozart composait à cette époque. L'orchestre (coloré et juste), les chœurs (homogènes et engagés) et les solistes auraient mérité d'être stimulés et pas seulement soutenus avec fermeté.
Le plateau vocal laisse perplexe. Deux chanteurs s'y distinguent. Elena Galitskaya est une Ilia jeune et vive, qui irradie de son bonheur d'être sur scène, tandis que sa vocalité est précise. Et, dans un rôle secondaire (Arbace), Julien Behr – émission claire et timbre radieux – captive l'attention, quoique la production l'embarrasse d'un accordéon (muet). Le reste de la distribution appelle certaines réserves. Lothar Odinius (Idomeneo) convainc (fine silhouette et timbre riche de couleurs) au début, tandis que sa voix s'éteint progressivement. Kate Aldrich (Idamante) a inquiété : son timbre a perdu sa densité, son centre de stabilité et sa tessiture unie. Enfin, Ingela Brimberg (Elettra) dispose de puissants moyens vocaux et scéniques, mais n'offre une justesse estimable qu'à l'acte III.
Crédits photographiques : Mozart, Idomeneo © Jean-Pierre Maurin [Elena Galitskaya (Ilia) et chœur de l'Opéra de Lyon]
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Wolfgang Amadeus Mozart, Idomeneo, rè di Creta, K. 366, dramma per musica en trois actes. Livret de Giambattista Varesco, d’après la nouvelle didactique Idoménée (1699) de Fénelon et d’après le livret d’Antoine Danchet pour la tragédie lyrique homonyme (1712) d’André Campra. Martin Kušej (mise-en-scène) ; Olaf Schmitt (dramaturgie) ; Annette Murschetz (décors) ; Heide Kastler (costumes) ; Reinhard Traub (lumières). Avec : Lothar Odinius, Idomeneo ; Kate Aldrich, Idamante ; Elena Galitskaya, Ilia ; Ingela Brimberg, Elettra ; Julien Behr, Arbace ; Didier Roussel, le grand-prêtre de Neptune ; Lukas Jakobski, la voix. Chœur de l’Opéra de Lyon, Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Gérard Korsten (direction musicale).