La Scène, Spectacles divers

Sur la corde rêve, quand le Quatuor rencontre la voix

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Montreux. Auditorium Stravinski. 28-I-2005 Le Quatuor : « Sur la corde rêve ». Jean-Claude Camors, violon, Laurent Vercambre, violon, Pierre Ganem, alto, Jean-Yves Lacombe, violoncelle.

Forts de leurs longues années d’expérience, les quatre compères du Quatuor continuent à laisser hilare et pantois d’admiration leur public. Facétieux à souhait, les larrons persistent et signent. Leur spectacle « Sur la corde rêve », s’il égratigne toujours avec la même tendresse faussement débonnaire la « Grande musique », propose en sus des références qui s’adressent manifestement à un public élargi. Plus encore qu’avec « Il pleut des cordes », les musiciens s’immiscent dans le monde de la variété, du jazz et de la chanson française en reprenant à leur sauce inimitable les Beatles et les Rolling Stones, Dalida, Cloclo, Céline Dion et, comme dans leur spectacle précédent, Jimi Hendrix (avec cette fois-ci Woodoo Chile), ou encore Canned Heat (On the road again). Parvenant à rendre les sonorités de ce rock parfois frustre et rugueux, les quatre musiciens sont ahurissants de maîtrise. Concepteurs de bruitages aussi anecdotiques que génialement pensés (mouettes, pépiements, sirènes, guitares électriques…), ils utilisent en outre volontiers les caisses de résonance de leurs violons, alto, violoncelle et contrebasse, pour y tambouriner les rythmes les plus ingénieux. Par leur imagination, ils nourrissent notre imaginaire musical collectif en nous proposant une série d’explorations musicales par-delà les frontières des cultures et des modes. La forme du quatuor à cordes ne laisse a priori nullement présager une rencontre avec les derviches tourneurs, la musique Kletzmer, le chant grégorien ou les danses tribales d’Afrique centrale ! Et pourtant, c’est à ce tour du monde sans paroles que, par surprise, en plein milieu de leur alignement de farces affriolantes, les quatre musiciens nous convient, nous font rêver et méditer sur l’universalité de la Musique, sur la manière de la communiquer, de la vivre. Une touche aussi fugace qu’habile qui donne une respiration bienvenue à leur spectacle mené tambour battant, peut-être parfois à la limite du zapping frénétique.

Les musiciens du Quatuor ont recours au chant plus volontiers que par le passé. L’opéra y est servi avec une caricature de Don Giovanni, au travers de la célèbre scène finale qui offre cette si célèbre chute d’une octave que le Commandeur assène solennellement à celui dont il s’apprête à pourfendre l’arrogance. Rien n’y est négligé ; on y reconnaît tout à la fois le désarroi de Leporello, les tiques d’une certaine scène lyrique et l’air de la Statue, entonné par l’un des musiciens debout et statique sur une chaise toute menue. Irrésistible ! Les archets s’amusent aussi à faire chanter par le public Aznavour ou Brassens, avec au menu les textes défilant sur écran pour leur karaoké unplugged. Jonglage, cours de musique clownesques, mélanges des archets sont autant d’éléments aussi iconoclastes que disparates qui rajoutent à cette vaste évocation du rire de l’univers du cirque.

Last but not least, les allusions faites à la musique « classique » y sont bien sûr nombreuses et toujours servies à grand renfort de prouesses dignes des meilleurs numéros de cirque. Pyramide humaine pour la 5e de Beethoven, contrebasse jouée du pied par le violoncelliste pour la Sarabande de Haendel, dissection du lancinant Boléro de Ravel, la Petite Musique de Nuit de Mozart, Roméo et Juliette (Danse des Chevaliers) de Prokofiev, les « tubes » sont tous là, jusqu’à l’Adagietto de la 5e Symphonie de Mahler qui laisse subitement place à Asturias d’Albeníz ; ou encore la Simple Symphony de Britten et son mouvement en pizzicati joué avec brio.

Serait-ce somme toute par l’humour que la musique s’affirme finalement dans sa plus vaste universalité ? Entre autres manières, assurément ! Au-delà du rire, lors de la standing ovation clôturant la soirée, l’émotion nous envahit quand on songe à la simplicité avec laquelle ces immenses artistes nous ont servi deux heures durant leurs géniales trouvailles et la poésie de leurs imaginations foisonnantes. Encore !

Crédit photographique : © DR

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Montreux. Auditorium Stravinski. 28-I-2005 Le Quatuor : « Sur la corde rêve ». Jean-Claude Camors, violon, Laurent Vercambre, violon, Pierre Ganem, alto, Jean-Yves Lacombe, violoncelle.

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