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Genève. Grand Théâtre, le 25-I-05. Claudio Monteverdi : Orfeo, fable en musique en un prologue et cinq actes. Nouvelle production. Mise en scène, décors et lumières : Philippe Arlaud. Costumes : Andrea Uhmann. Chorégraphie : Anne-Marie Gros. Orfeo : Victor Torres. Musica / Euridice : Nuria Rial. Speranza : Marie-Claude Chappuis. Caronte : Carlo Lepore. Proserpina : Marisa Martins. Plutone : Luigi di Donato. Messaggiera : Valentina Kutzarova. Pastore I / Spirito I : Emiliano Gonzalez Toro. Pastore II : Pascal Bertin. Pastore III / Spirito II : Leif Aruhn Solen. Pastore III / Spirito II : Philip Casperd. Ninfa : Fosca Aquaro. Ensemble Il Giardino Armonico. Chœur du Grand Théâtre. Direction musicale : Giovanni Antonini et Luca Pianca. Direction d’orchestre : Giovanni Antonini.
Les premiers instants de la mise en scène de Philippe Arlaud ont de quoi nourrir maintes inquiétudes.
Tout d'abord, un jeune enfant lit avec empressement et impétuosité juvénile un texte qui, en l'état, doit être parfaitement inintelligible au-delà du dixième rang. S'ensuit la projection de la distribution sur le rideau de scène rigide à la façon d'un générique de péplum hollywoodien avec sur le devant les mouvements de danses convulsifs de quelques danseuses en costumes de Lolita américaine des fifties. Une fois la devanture du générique reculée en fond de scène, place aux noces d'Orphée et Eurydice. Les cadeaux affluent ; bergers et nymphes, ou plus exactement leurs transmutations en invité(e)s smart, s'activent alentour, au milieu de ballets plutôt mécaniques mêlant parfois des pirouettes tout droit issues des prémisses du Rock'n'roll. Orphée arbore-t-il une banane et une chemise à jabot de dentelles pour autant ? Fort heureusement non ! La transposition paraît hardie, certes, mais n'entame pas la compréhension des faits consignés dans le livret. Tout au plus peut-on voir dans cette adaptation modernisante une tentative de divertir le public par le truchement d'un décorum différent. Mais différent de quoi ? Différente d'une version compassée pouvant être transportée directement au Musée de Cire après le dernier tomber de rideau ? Oui, sans conteste. Toutefois, cette production demeure complètement conforme à ce qui est devenu une convention en soi, à savoir doter coûte que coûte l'ouvrage abordé d'un contexte contemporain – ou presque – sans que le souci d'apposer une plus grande acuité de regard ne soit pour autant manifeste. On ne comprend pas bien, somme toute, l'intérêt de poser ce prisme déformant entre le livret et la scène. La vision des enfers, un vaste bar à hôtesses tenu par un despotique Pluton que vampirise sa favorite Proserpine et quelques autres filles, outre le fait de prêter à sourire, n'offre pas une grande plus-value … S'amuse-t-on dès lors à découvrir ces idées incongrues ? Pas vraiment. Par contre, le climat, trop rarement méditatif, ne laisse que peu de place à la poétique de l'ouvrage et se révèle frustrant.
Musicalement, la prestation du plateau et des musiciens de l'émérite Giardino Armonico justifie à elle seule le déplacement. Le rôle-titre est porté de bout en bout avec brio et élégance par un Victor Torres irrésistible vocalement. Son chant, large et souple laisse une place de choix à des couleurs barytonales et chaudes dans les graves alors que sa portance naturelle lui permet de projeter des aigus solaires tout en vocalisant avec agilité. Cette dernière qualité est très marquée, également, chez son père (Carlo Lepore). Du côté féminin, l'Eurydice et la Musica de Katia Velletaz ont l'heur de plaire par leur ductilité et leur précision. Plus expressive, la Messagère de Valentina Kutzarova enchante, à l'instar de Marie-Laure Chappuis, déterminée dans son rôle de Speranza qu'elle sert avec une très bonne diction. Certains personnages secondaires proposent une émission vocale parfois un peu confidentielle. Une menue réserve qui ne concerne aucunement l'excellent haute-contre Pascal Bertin, qui remplaçait un collègue malade, ni Emiliano Gonzalez Toro, dont la saveur du timbre ne se dément pas au fil des productions romandes auxquelles il participe. Le Chœur du Grand Théâtre, peut-être un peu massif par moment, livre pour sa part une prestation sans failles.
Si l'art du chant est plutôt bien servi, celui de la musique instrumentale l'est tout autant. Il Giardino Armonico brille de mille feux dans cette partition qu'il pratique à Genève comme une langue maternelle. Articulée avec finesse et dynamisme, la musique de Monteverdi demeure toujours souple, sans effets outranciers, mais avec force ornements et couleurs. Une mention particulière peut être adressée aux vents – d'époque eux aussi, bien sûr, donc des plus difficiles à manier – qui donnent à entendre une fusion des timbres et une précision d'attaque de tous les instants.
En quittant le Bâtiment des Forces Motrices, il est permis de se retourner sur ce qu'il y a de meilleur dans cette production genevoise : La Musique.
Credit photographique : ® GTG/ Ariane Arlotti
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Genève. Grand Théâtre, le 25-I-05. Claudio Monteverdi : Orfeo, fable en musique en un prologue et cinq actes. Nouvelle production. Mise en scène, décors et lumières : Philippe Arlaud. Costumes : Andrea Uhmann. Chorégraphie : Anne-Marie Gros. Orfeo : Victor Torres. Musica / Euridice : Nuria Rial. Speranza : Marie-Claude Chappuis. Caronte : Carlo Lepore. Proserpina : Marisa Martins. Plutone : Luigi di Donato. Messaggiera : Valentina Kutzarova. Pastore I / Spirito I : Emiliano Gonzalez Toro. Pastore II : Pascal Bertin. Pastore III / Spirito II : Leif Aruhn Solen. Pastore III / Spirito II : Philip Casperd. Ninfa : Fosca Aquaro. Ensemble Il Giardino Armonico. Chœur du Grand Théâtre. Direction musicale : Giovanni Antonini et Luca Pianca. Direction d’orchestre : Giovanni Antonini.