Tatwerk a été créé en 2008 par le Chilien Samuel Nuñez avec l'intention de construire un espace de formation et de recherche pour les arts performatifs contemporains. Depuis 2012, l'Espagnol Marc Carrera a repris la direction, inscrivant son travail entre la recherche, la pratique théâtrale et l'activisme politique. Un espace d'expérimentation rare s'est ainsi instauré et se fait peu à peu son nom.
Notre partenaire Berlin Poche a rencontré Marc Carrera.
Berlin Poche : Comment s'est fait Tatwerk ? Les débuts à Berlin ont été difficiles ?
Marc Carrera : Tatwerk est né d'une idée, peut-être trop ambitieuse pour être possible. Mais comment adapter l'idée à la réalité ? J'ai l'impression que c'est le contraire : on adapte la réalité à l'idée ! C'est David et Goliath. Nous sommes David, petits et tenaces. On travaille dur, on se bat, parfois on pleure, parfois on fait la fête. L'idée reste vivante, la réalité aussi. Quant à Berlin, c'est bizarre : tout est facile et difficile à la fois !
BP :Vous voulez être une plateforme pour promouvoir la performance pour tous. Y a-t-il différents niveaux ?
MC: L'art est une des rares activités à pouvoir être pratiquée par des non professionnels. Mais que veut dire « être un pro » dans le domaine des arts, et « être un professionnel » signifie-t-il « être bon » ? L'histoire de l'art du siècle dernier montre qu'il a su se développer à l'écart des académies. Mais il faut cet échange. Quant aux niveaux, c'est délicat : qu'on soit au Théâtre National ou dans le souterrain d'une boulangerie, on peut y découvrir de la m… comme de l'or !
BP : Théâtre physique, contact impro, butoh : la performance et la danse ont aujourd'hui perdu le contact avec le corps ?
MC: Au contraire. Le corps n'a jamais été aussi exposé. En performance, Marina Abramovic est une artiste mainstream travaillant presque uniquement avec le corps et ses limites. En danse, les chorégraphes créent leur travail et leurs langages à partir du potentiel physique de leurs danseurs. En théâtre contemporain, le concept de « représentation » est plus ou moins abandonné au profit de « embodiment ». Et aussi dans la vie quotidienne, il y a plus que jamais des tas de pratiques, activités et thérapies dont le corps est l'objet.
BP : En 2013, vous avez gagné le prix du 100° Festival avec Tanz Europe Express. Qu'est-ce ?
MC: TEE est un portrait désolant de notre présent européen. En surface, les gens n'ont jamais été aussi beaux. Mais quand on creuse, c'est la tragédie : vide, exploitation, précarité, isolation. On manque de relations personnelles. On achète l'intimité au supermarché. Tout ce qu'on a connu, enfants, n'est plus possible. Bien se nourrir est devenu trop cher. On a perdu beaucoup de bonnes vieilles choses remplacées par de nouvelles. Ce qui est « nouveau » n'est plus synonyme de « meilleur ».
Crédits photographiques : photo 1 : DR; photo 2 : Piotr Nykowski
Propos recueillis et traduits par Florence Freitag
En partenariat avec Berlin Poche