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Baden-Baden, Festspielhaus. 14. XI. 2004. Chansons et songs de Kurt Weill, Edith Piaf, Jacques Brel, Darius Milhaud, Erwin Schulhoff, Hans Eisler, …Erwin Schulhoff : Suite pour orchestre de chambre. Darius Milhaud : Saudades do Brasil. Ute Lemper, chanteuse. Orpheus Chamber Orchestra
Dans un registre qui lui va bien (de Weill aux contestataires allemands de notre temps), Ute Lemper a chanté en terrain conquis à Baden-Baden.
Paradoxalement, ses apparitions en Allemagne déclenchent souvent l'hostilité par les prises de position de la chanteuse. Proximité de la France oblige peut-être, Ute Lemper a rendu des hommages vibrants à Piaf et Brel.
Pour cette chanteuse le nazisme est un courant de l'histoire allemande qui ne s'éteindra jamais complètement. Dans cette affirmation déclamée en son temps à Berlin en 1984, la cantatrice s'était somptueusement grillée auprès de l'intelligentsia germanique piquée au vif. Il faut dire que la belle et plantureuse spécialiste de Kurt Weill est éperdument tombée amoureuse de la république de Weimar dont elle met en valeur la richesse culturelle spécifique et fragile.
Spécialisée dans ce que les nazis ont dénommé « Entartete Musik » (littéralement musique sans identité), elle s'est imposée sans problèmes aux U. S. A et comme chacun sait en France. Mais le conflit freudien n'est de toute évidence pas encore réglé avec l'Allemagne où ses concerts tournent parfois à l'affrontement, d'où de toute évidence un début de récital quelque peu tendu à Baden-Baden que la cantatrice préféra attaquer par un délicieux hommage à Brel et Piaf en axant bien entendu sur leur aspect provocateur et révolté.
Il fallut finalement attendre les songs de Hans Eisler pour que Lemper pose les premières banderilles à un public non hostile. On parla du tombeau de Hitler, du mur qui persiste dans nos mémoires et des génies de la musique anéantis par l'Holocauste. Le public ne broncha pas, gratifiant au contraire la chanteuse d'une longue ovation et réclama les « bis » d'usage.
Ute Lemper reste remarquable pour son aisance à passer d'un idiome à l'autre (français, hébreu, anglais, allemand), était accompagnée par l'Orpheus Chamber Orchestra, phalange célèbre par son refus d'être dirigée par un chef d'orchestre qui donnait par ailleurs des interprétations magistrales de la Suite pour orchestre de chambre d'Erwin Schulhoff et des Saudades do Brasil de Darius Milhaud.
L'« association » Lemper-Orpheus, actuellement en tournée en Europe, était une expérience musicale proche de l'artisanat. Cet orchestre sans chef sait tout faire. L'art c'est aussi ça …
Crédit photographique : © DR
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