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Marcos Morau revisite Roméo et Juliette à l’Opéra de Lille

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Opéra de Lille. 15-VI-25. Dans le cadre du festival Latitudes Contemporaines et de Fiesta, 7e édition thématique de lille3000. Opera Ballet Vlaanderen : Roméo + Juliette (création 2025). Chorégraphie : Marcos Morau . Musique : Sergueï Prokofiev, Roméo et Juliette (ballet), op. 64 (1935). Livret de Sergei Radlov, Adrian Piotrovsky, Leonid Lavrovsky et Serge Prokofiev. Partition : Première Music Group (catalogue Le Chant du Monde). Avec les danseurs et danseuses de l’Opera Ballet Vlaanderen

Après La Belle au bois dormant, dont il avait créé une version iconoclaste pour le Ballet de l'Opéra de Lyon, poursuit son décapage des classiques du ballet avec Romeo + Juliette, ici à l'Opéra de Lille, par l'.

Dans sa relecture de Roméo et Juliette, drame shakespearien, créée le 15 mars à l'Opéra de Gand, fait de la foule son personnage principal. Envie et lutte fratricide animent le groupe compact et mouvant qui figure alternativement les gens du peuple et la cour, nobles en jupe longue à vertugadin. La puissance visuelle et la beauté de cette foule, qui forme comme un corps unique, est incontestable et imprime durablement la rétine.

a travaillé pour la première fois avec les 33 danseurs de l' en leur proposant une gestuelle antagoniste, contorsion de la tête et de la nuque, inflexion exagérée du torse, et dos cambré, allant dans le sens inverse. Cette gestuelle insolite et très picturale évoque les corps à la renverse et distordus des tableaux de Brueghel exposés au Palais des Beaux-Arts de Lille, à l'occasion de Fiesta, la septième édition thématique de Lille 3000. Ce n'est cependant pas la « Danse de noces en plein air » ou la « Kermesse avec théâtre et procession » que représente Marcos Morau, mais les amours tragiques de Roméo, fils Montaigu, et Juliette, fille Capulet, à Vérone. Les robes en velours noir et les pourpoints de cuir portés par les personnages évoquent au moins autant la Flandres austère et protestante que l'Italie renaissante et catholique, mais l'impossibilité pour deux enfants de s'aimer est bien identique dans toutes ces sociétés, gangrenées par la violence.

Autant La Belle au bois dormant était traité frontalement, dans un décor contraint, en décomposition, le dispositif scénique choisi ici par le chorégraphe est fluide et permet le mouvement. Une estrade centrale en forme de cercle sert de scène principale, cernée à l'occasion d'un rideau noir ou d'une verrière de hautes fenêtres gothiques. Autour de ce cercle, l'espace permet aux danseurs d'apparaître et de disparaître, de courir autour du décor, portant des artefacts, ou de processionner aux côtés d'un cheval de métal, chevauché par un enfant.

Roméo + Juliette est un drame où l'incurie des adultes conduit à la mort de deux « presque » enfants. Pour illustrer son parti pris, Marcos Morau met en scène deux enfants, un garçon et une fille, incarnant l'innocence, témoins du comportement des adultes. La rédemption, qui n'intervient qu'à la fin du ballet originel de Leonid Lavrovski créé en 1938 sur la musique de Serge Prokoviev, réglé par Noureev en 1984 pour le Ballet de l'Opéra de Paris, est ici esquissé dès le prologue, par une magnifique vague de corps déferlant au ralenti de jardin à cour, figurant l'enterrement des deux amants.

Le chorégraphe déconstruit la narration et brouille les pistes : on discerne à peine dans les figures solistes, celle de la nourrice, des parents de Juliette, de Tybalt, Benvolio et Mercutio, du prince ou du frère Laurent. Ces personnages sont soit démultipliés, soit fondus entre eux, formant des figures au motif répétés. La célèbre Danse des chevaliers mêle hommes et femmes remarquablement éclairés dans le tourbillon d'un tableau d'une force sans pareille.

Si l'histoire d'amour, d'éloignement et de mort est ici esquissée de manière elliptique, laissant toute la place au groupe, on rêve que Marcos Moreau parvienne à trouver l'équilibre parfait entre audacieuse et somptueuse mise en scène contemporaine et caractérisation, y compris, chorégraphique, des personnages, comme ont su le faire avant lui Angelin Preljocaj ou Jean-Christophe Maillot, par exemple.

Crédits photographiques : © Danny Willems /

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