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Lille. Salle du Conservatoire. 15-VI-2025. Intégrale Maurice Ravel : Prélude, Miroirs, Menuet, Sonatine, A la manière de Borodine, Gaspard de la nuit, Valses nobles et sentimentales, A la manière de Chabrier, Menuet sur le nom de Haydn, Sérénade grotesque, Jeux d’eau, Menuet antique, Pavane pour une infante défunte, Tombeau de Couperin. Bertrand Chamayou, piano.
En clôture du 22e Lille Piano(s) Festival, Bertrand Chamayou a livré une incandescente intégrale de l'œuvre pour piano solo de Maurice Ravel. Plus de trois heures d'un récital en apnée musicale.
À quoi devine-t-on qu'un concert va être exceptionnel ? Peut-être au silence qui s'installe brusquement dans la salle lorsque le pianiste pose les mains sur le clavier. Un silence impressionnant qui va durer tout au long de la soirée, comme une communion absolue entre l'artiste et le public. Il faut une force peu commune pour imposer ce respect et cette écoute, comme rarement nous l'avons ressenti. Ce miracle, Bertrand Chamayou nous l'a offert, lors du dernier jour du Lille Piano(s) Festival, pour une intégrale époustouflante de l'œuvre pour piano solo de Maurice Ravel. Plus de trois heures, en deux parties, pour une épopée intimiste qui restera dans les esprits.
La musique de Maurice Ravel, Bertrand Chamayou la côtoie depuis toujours, il la possède sur le bout des doigts (lire notre entretien). Il est même coutumier de ce genre de programme marathon où il aime parcourir l'œuvre complète de l'artiste. Mais au-delà de l'exploit technique, physique, mémoriel (trois heures de musique sans partition), c'est surtout la remarquable qualité musicale qui retient l'attention.
Car cette musique embrasse toutes les émotions, de la douceur à la violence brutale, tous les âges de la vie, de l'enfance à la mort, comme elle exige une maîtrise absolue du clavier, arpenté, sculpté, caressé, martelé. Ce sont ces mille et une nuances de Ravel que Bertrand Chamayou possède, passant du rêve au trivial, du silence à l'orage dans un même geste ailé.
La première partie de la soirée laisse d'ailleurs sans voix, avec ces deux chefs-d'œuvre que sont les Miroirs et Gaspard de la nuit, deux monuments qui explorent tout ce que le piano peut exprimer. Les cinq pièces des Miroirs sont un rêve éveillé. Que ce soit l'ondoiement de Noctuelles, les résonances mystérieuses des Oiseaux tristes, le jaillissement d'Une barque sur l'océan, la joie solaire de l'Alborada del gracioso ou l'enchantement de La Vallée des cloches, tout n'est que luxe, calme et volupté dans le jeu sensuel de Bertrand Chamayou. Le miracle se reproduit avec un Gaspard de la nuit où la perfection du chant, la lisibilité du jeu restent intactes malgré la puissance des dynamiques imposées par Bertrand Chamayou. Jusqu'à ce Scarbo démoniaque semblant résonner dans toute la salle, au-delà du clavier.
La deuxième partie semble à ce titre beaucoup plus sereine et paisible. A l'image de Bertrand Chamayou ayant troqué une chemise noire pour une chemise blanche. Les Valses nobles et sentimentales sont nerveuses à souhait, les petites pièces (A la manière de…, Menuet sur le nom de Haydn) sont abordées avec la même concentration que les grandes. Quant aux « tubes », Jeux d'eau, Pavane pour une infante défunte, Bertrand Chamayou les interprète avec une noblesse rare, jamais suave ou maniérée. L'épopée ravélienne s'achève sur Le Tombeau de Couperin. Cette suite de six pièces en hommage à la musique baroque est avant tout un bréviaire d'élégance mais aussi d'ironie. Bertrand Chamayou aborde cette œuvre avec un « swing » particulièrement approprié, notamment dans un Forlane à l'élasticité naturelle formidable, ou encore dans l'électrique et motorique Tocatta finale. Point d'orgue enivrant du récital. Après plus de trois heures en apnée, c'est debout que la salle salue Bertrand Chamayou, maître moderne incontestable de Ravel.
Crédit photographique : @ Orchestre national de Lille
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Modifié le 17/06/2025 à 15h04
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Lille. Salle du Conservatoire. 15-VI-2025. Intégrale Maurice Ravel : Prélude, Miroirs, Menuet, Sonatine, A la manière de Borodine, Gaspard de la nuit, Valses nobles et sentimentales, A la manière de Chabrier, Menuet sur le nom de Haydn, Sérénade grotesque, Jeux d’eau, Menuet antique, Pavane pour une infante défunte, Tombeau de Couperin. Bertrand Chamayou, piano.
Bravo à tous, musiciens, artistes, organisateurs, et commentateurs qui propagent la culture. Cet article admirable sert bien l’art musical . Rares sont les régions de France capables d’offrir de si beaux événements artistiques. Bravo encore !