Le Lille Piano(s) Festival, loin du fracas du monde…

Tous les claviers, tous les genres ont résonné lors des trois jours du Lille Piano(s) Festival. Trente-huit concerts et une soixantaine d'artistes ont fait vibrer la capitale des Flandres.

Alors que le fracas du monde résonne chaque jour, il n'y a que des bonnes ondes qui ont traversé la capitale des Flandres du 13 au 15 juin, pour la 22e édition du Lille Piano(s) Festival. Initié par Jean-Claude Casadedus, fondateur et directeur artistique pendant 47 ans de l'Orchestre national de Lille, ce festival inonde la ville de musiques, fêtant non seulement le piano, mais les claviers sous toutes leur formes, le classique, mais aussi le jazz, les musiques du monde et même l'électro. Impossible de résumer l'ensemble d'une telle manifestation drainant un public toujours nombreux et fervent.

Cette année, l'édition 2025 avait invité nombre de jeunes grands prix internationaux, comme Alexander Kashpurin, premier prix des Etoiles du piano 2021 pour une intégrale des Etudes-Tableaux de Rachmaninov. Ou encore Svetlana Andreeva, premier prix du Concours d'Orléans 2024, et Martin Jaspard, premier prix du Concours Detmold-Brahms 2024.

Les intégrales étaient à l'honneur, comme l'ensemble des Nocturnes de Gabriel Fauré par Théo Fouchenneret, l'intégrale des Préludes de Rachmaninov par Fanny Azzuro, ainsi qu'une époustouflante intégrale de l'œuvre pour piano solo de Maurice Ravel par Bertrand Chamayou dont nous rendons compte par ailleurs.

Le Lille Piano(s) Festival, c'est aussi l'occasion de confronter différentes visions d'une même œuvre. Comme les célébrissimes Tableaux d'une exposition de Modeste Moussorgski, joués dans leur version d'origine au piano par Martin Jaspard, mais également à l'orgue de la cathédrale Notre-Dame de la Treille (l'ancien grand orgue de la Maison de la radio) par Ghislain Leroy, ou encore dans la plus surprenante transcription pour accordéon par Bogdan Nesterenko.

Dans la belle acoustique de la crypte moderne de la cathédrale Notre-Dame de la Treille, l'accordéon du virtuose ukrainien prend des dimensions de grand orgue. Et les timbres particuliers de l'instrument « russifient » davantage l'œuvre de Moussorgski qui retrouve ses accents rustiques et folkloriques. Les effets de soufflés, d'échos, de tremblements que permettent l'accordéon offrent une palette de couleurs nouvelles à ces Tableaux particulièrement réussis.

Les transcriptions étaient particulièrement à l'honneur lors de cette 22e édition du Lille Piano(s) Festival. Notamment lors du récital de Florian Noack. Le jeune pianiste belge a consacré deux albums au concept de transcription. Une manière de porter un nouveau regard sur des œuvres parfois célèbres. Comme dans son adaptation au piano du poème symphonique Schéhérazade de Rimski-Korsakov. Une vision très « lisztienne » de l'œuvre, mais réussie, où le souffle de la houle maritime comme le silence du désert passent très bien au clavier.

Le festival proposait enfin plusieurs concerts symphoniques.

Sous la direction de Mathieu Romano, l'Orchestre national de Lille et le Chœur de chambre Septentrion ont ainsi donné un vibrant concert à la cathédrale Notre Dame de la Treille. Moment envoûtant puisque s'y sont succédé sans interruption, comme un somptueux rituel de paix un chœur a cappella aux intonations grégoriennes d'Alfred Désenclos, le mystérieux Fratres pour cordes et percussions d'Arvo Pärt, le non moins envoûtant Les flots lointains de Charles Koechlin, avant l'émouvant Requiem de Gabriel Fauré.

Dans l'acoustique très généreuse de la cathédrale, il n'est pas toujours facile d'équilibrer les masses vocales et orchestrales, au risque d'amplifier l'une ou l'autre. C'est un Requiem plus grandiose que serein qui nous a été offert. Mais dont le message de paix universelle ne pouvait que résonner justement, loin du fracas du monde…

Crédits photographiques : @ Orchestre national de Lille