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Paris. Philharmonie de Paris. Grande Salle Pierre Boulez. 28-V-2025. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Sonate pour piano op.80. Suite de La Belle au bois dormant ; arrangement Mikhaïl Pletnev. Frédéric Chopin (1810-1849) : Valse en mi majeur ; Valse en fa mineur op. 70 n° 2 ; Valse en la bémol majeur op.64 n°3 ; Valse en ré bémol majeur op.64 n°1 ; Valse en la mineur op. 34 n° 2 ; Valse en mi mineur. Samuel Barber (1910-1981) : Sonate en mi bémol mineur op.26. Daniil Trifonov, piano
Pour son récital à la Philharmonie de Paris, Daniil Trifonov concocte un programme hétéroclite où la rare Sonate de jeunesse de Tchaïkovski répond à celle de Barber, et La Belle au Bois dormant à une sélection de Valses de Chopin.
Avec une barbe de plus en plus fournie, Daniil Trifonov semble maintenant vouloir ressembler à Di Caprio dans The Revenant, et c'est avec le même flegme qu'il entre sur la scène de la Philharmonie de Paris. Rapide pour ses entrées et ses sorties, parfois semblant agir mécaniquement, le pianiste se retourne par habitude vers les quatre côtés de la salle à chaque salut.
Si l'on se permet ses remarques en préambule, c'est parce que l'artiste passionné et passionnant d'il y a une décennie n'est plus le même aujourd'hui. Maintenant, le jeu est assuré dans la pensée et toujours aussi impressionnant dans le geste, mais le programme fait de diverses périodes et origines musicales interroge. Ainsi, on peut louer le pianiste star de 34 ans d'avoir ressorti la Sonate de jeunesse de Tchaïkovski, opus 80 éditée après la mort du compositeur. Mais si ses récents Rachmaninov pouvaient préparer à une approche à la fois russe et souple du toucher, c'est au contraire un jeu vigoureux et presque brutal qui transparait souvent, notamment dans le final, très martelé et noyé dans les graves, mal réverbérés par l'acoustique longue de la grande salle parisienne. Les passages elfiques du 3ème mouvement séduisent plus, même s'ils dérangent parfois dans leurs contrastes trop marqués, puis s'amenuisent à la réexposition.
À l'inverse, c'est tout en douceur et avec une superbe légèreté que Trifonov aborde ensuite Chopin. Sublime, la Valse mi majeur libère une main droite d'une rare virtuosité, en prolongement d' une superbement sensible Valse en fa mineur op. 70 n°2. Pourquoi partir plus vite et accélérer à ce point ensuite la Valse en la bémol majeur op. 64 °3 ? Est-ce pour se préparer à sa dernière partie où les doigts virevoltent avec grâce sur le clavier, ou bien en prévision de la célérité de la Valse n° 1 emportée dans un brouillamini de notes ? Une pause permet de calmer les esprits dans la douce gravité de la Valse en la mineur op. 34 n°2, démonstration s'il en fallait encore de la très grande maîtrise du pianiste dans Chopin aujourd'hui. Dommage qu'il enchaîne la Valse en mi mineur de manière si vive et si nerveuse, car cette vitesse altère la façon de présenter les thèmes.
Autre ambiance en seconde partie avec la Sonate pour piano de Barber. Créée à La Havane par Horowitz en 1949, cette partition est l'un des chefs-d'œuvre trop méconnus du compositeur américain, dont toute l'œuvre est occultée par l'Adagio. Pourtant, ses climats tendus et son style à la limite de la tonalité en font une pièce puissante, ici magnifiquement retranscrite par Trifonov. Jouée comme tout le programme sans partition devant lui, la sonate trouve une force particulière dans les atmosphères développées par le pianiste dans le premier mouvement, Allegro energico. La fluidité du geste permet de transporter l'Allegro vivace e leggero sans jouer particulièrement sur ses appuis rythmiques à la main gauche, puisque c'est ici la main droite qui procure la dynamique. L'Adagio mesto et le Finale maintiennent le climat et la tension par une qualité d'interprétation exemplaire.
En revanche, si l'on pouvait se demander comment enchaîner cette œuvre avec La Belle au Bois dormant de Tchaïkovski, la réponse est apportée par l'Introduction. Martelée et brouillée dans le grave, la Suite d'une trentaine de minutes arrangée pour piano seul par Mikhaïl Pletnev finit également de façon brouillonne, juste relevée au centre par une Danse des Pages d'une plaisante bonhommie, puis par une Fée-Argent d'un joli clinquant. Les bis sont à l'image du récital, perturbants, avec en premier une surprenante mais réussie Valse de Santo Domingo de Rafael Bullumba Landestoy, et en second, mieux adapté mais un peu fade, Doux Rêve, op.39 de Tchaïkovski, qu'on aurait volontiers troqué contre le trop rare Un poco di Chopin du même compositeur.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Philharmonie de Paris. Grande Salle Pierre Boulez. 28-V-2025. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Sonate pour piano op.80. Suite de La Belle au bois dormant ; arrangement Mikhaïl Pletnev. Frédéric Chopin (1810-1849) : Valse en mi majeur ; Valse en fa mineur op. 70 n° 2 ; Valse en la bémol majeur op.64 n°3 ; Valse en ré bémol majeur op.64 n°1 ; Valse en la mineur op. 34 n° 2 ; Valse en mi mineur. Samuel Barber (1910-1981) : Sonate en mi bémol mineur op.26. Daniil Trifonov, piano