Le Petit Livre pour clavier de Yoann Moulin

Voici le troisième et dernier volet d'une anthologie que le claveciniste Yoann Moulin consacre à la musique allemande pour clavier au XVIIe siècle. Il met en avant les compositeurs qui ont influencé la formation du jeune Johann Sebastian Bach.

Après un premier volume consacré aux figures tutélaires du début du siècle, Scheidt et Scheidemann, et un deuxième opus autour du stylus fantasticus, Yoann Moulin nous conduit ici sur les traces des prédécesseurs directs de J.S. Bach dans l'Allemagne du Nord : Georg Böhm, Johann Adam Reincken et, bien sûr, le maître de Lübeck, Dietrich Buxtehude. Le programme de cet enregistrement est construit comme un petit livre imaginaire que le jeune Bach aurait pu copier au cours de ses voyages initiatiques auprès de ces maîtres. Il met en regard de ce répertoire une suite française considérée comme une œuvre de jeunesse de Bach avec ses danses caractéristiques de l'écriture des luthistes, introduite par un Passagio en pur stylus fantasticus. C'est ce style virtuose et libre que l'on retrouve dans la Toccata en fa majeur de Buxtehude et dans le Praeludium en sol mineur de Böhm.

On sait que les organistes de l'époque jouaient chez eux sur un clavecin ou un clavicorde munis d'un pédalier. Les répertoire d'orgue et de clavecin sont intimement liés, comme le montre magistralement Benjamin Alard dans sa grande intégrale Bach en cours de réalisation. Pour cet enregistrement, Yoann Moulin a justement choisi le clavecin-pédalier Philippe Humeau d'après Fleischer qu'utilise Benjamin Alard dans son intégrale. Grâce à ce pédalier, le clavecin atteint ici l'envergure sonore d'un orgue en rehaussant le grave de l'instrument. Il permet ainsi d'entendre une pièce habituellement réservée à l'orgue : le grand Praeludium en mi mineur de Nicolaus Bruhns, qui prend ici une ampleur inédite. De même la Toccata en fa majeur de Buxtehude, que le pédalier permet de jouer au clavecin dans toute son étendue. Le jeu ample et lumineux de Yoann Moulin s'y développe avec toute la richesse propre à cette écriture, avec des fulgurances virtuoses comme dans les fusées qui jaillissent de la gigue qui conclut en virtuosité la suite BWV996. Et l'intimité n'est jamais loin non plus, comme dans la belle sarabande de la suite de Böhm, ou le petit menuet de Petzold qui ferme le programme, en un clin d'oeil au Petit Livre d'Anna Magdalena Bach.