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En tournée dans son pays, le Chœur de Chambre du Maroc rejoint par Le Concert Spirituel a donné un programme de musique sacrée européenne remportant un vif succès. Rencontre avec son fondateur et directeur musical Amine Hadef.
ResMusica : Amine Hadef, quel parcours vous a conduit à fonder le Chœur de chambre du Maroc en 2020 ?
Amine Hadef : Je suis né à Casablanca, et j'ai commencé la musique à l'âge de dix ans dans mon pays par l'apprentissage du piano puis de l'orgue, montrant très tôt un attrait prononcé pour la musique de Jean-Sébastien Bach. La découverte de son Magnificat a été une révélation qui m'a conduit à m'engager dans la filière vocale, j'avais trouvé ma vocation ! J'ai commencé par chanter dans la chorale de Rabat, puis j'ai suivi des études de très haut niveau en France intégrant le Jeune Chœur de Paris, puis la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, et me formant auprès de Laurence Équilbey, Florence Guignolet, Nicole Corti…Après seize ans de carrière internationale en tant que ténor sous la direction des plus grands chefs, je suis rentré au Maroc où j'ai commencé à former un certains nombre de chanteurs. J'ai pris alors conscience qu'il y avait quelque chose à créer, et que j'avais tout à ma portée pour monter un ensemble vocal de haut niveau. J'ai auditionné des chanteurs d'horizons divers, certains venant même de la variété ou de la musique arabo-andalouse. J'ai trouvé de vrais talents, déterminés, prêts à s'engager dans un travail exigeant et de longue haleine.
RM : Pour quel répertoire avez-vous créé ce chœur ?
AH : Mon intention au départ s'est concentrée sur le répertoire a capella de la musique occidentale, auquel je suis très attaché, depuis Allegri jusqu'à Whitacre, en passant par Poulenc, avec une prédilection pour les œuvres de Brahms et Bruckner. Un répertoire universel ! Pour moi, cela a représenté le retour à ma passion première : la polyphonie.
RM : Quelles valeurs voulez-vous défendre avec ce chœur si particulier et son répertoire ?
AH : Des valeurs d'ouverture et d'entente interculturelles, celles du Maroc actuel. J'ai voulu fonder ce chœur à son image : la diversité, la pluralité des origines des chanteurs qu'il rassemble, des Marocains, mais aussi des Français expatriés, des Subsahariens, constitue la force de cet ensemble. Par l'énergie et la volonté communes qui animent et soudent ses membres, par l'émotion qu'il peut transmettre avec ce répertoire universel, il me semble qu'il est à même de délivrer un message important au monde.
RM : Quelle est votre ambition pour ce chœur ?
AH : Le hisser au niveau des ensembles professionnels étrangers, représenter avec lui mon pays et œuvrer pour son rayonnement culturel à l'étranger. La tournée que nous venons de terminer avec Le Concert Spirituel est un premier pas vers cela. Le point de départ d'un long chemin. Hervé Niquet et moi nous voulons désormais continuer à monter des œuvres ensemble.
RM : Parlons justement de cette tournée et de son programme de musique sacrée classique (4 dates du 14 au 17 mai)…
AH : Je savais au préalable que beaucoup de Marocains manifestent un grand intérêt pour la musique sacrée européenne. Leur enthousiasme a dépassé nos espérances. Les concerts se sont déroulés à guichets fermés dans les quatre villes, Rabat, Marrakech, Casablanca et Tanger. Nous avons même dû refuser jusqu'à quatre cents personnes sur l'un de ces sites. Il faut préciser aussi que chacune des églises qui ont accueilli les concerts peut contenir non pas 300 à 400 personnes, mais dispose d'une jauge de 700 à environ 1000 personnes. C'est dire ! Nous avons été heureux de constater que le public qui les a remplies a été presque essentiellement marocain. Bien que nous croyions en notre projet, ce succès extraordinaire nous a réellement surpris Hervé Niquet et moi.
RM : Comment, avec quels moyens, cette tournée a-t-elle pu être organisée et réalisée ?
AH : Elle est née de l'impulsion de l'Institut Français au Maroc et de l'action des instituts implantés localement. Une telle aventure implique une logistique considérable, et a un prix élevé. Je tiens à remercier en tout premier lieu les instituts français qui se sont impliqués et qui nous ont soutenus, ainsi que l'Ambassadeur de France au Maroc et son Attaché culturel sans lesquels ce programme serait resté à l'état de rêve. Nous avons bénéficié de leur inestimable aide financière et logistique. Je tiens à remercier aussi L'autreagence, qui a pris en charge de façon très professionnelle la communication et la publicité. Et enfin l'ensemble des mécènes et partenaires, la Fondation BMCI et la Fondation Bru pour leurs soutiens, ainsi que tous les bénévoles.
RM : Quels sont les projets du chœur à court et moyen terme ?
AH : Nous aimerions bien sûr que cette tournée traverse la Méditerranée cette fois du sud au nord, et que le chœur se fasse connaître en France…Au nom de ma double culture j'en serais personnellement très heureux. Dans l'immédiat nous poursuivons l'exploration du répertoire, le recrutement et la formation de chanteurs. Le prochain rendez-vous du chœur avec le public marocain est le 28 juin au Palais des Festivals et des Congrès de Marrakech pour un spectacle très particulier qui le fera sortir de son répertoire habituel : le chœur revisitera, dans le cadre du Moroccan Pink Floyd Tribute Show de Faïçal Tadlaoui, les plus grands tubes des Pink Floyd, leur apportant une dimension lyrique et émotionnelle inédite.