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Les Chopin tendance minimalistes de Szymon Nehring

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Frédéric Chopin (1810-1849) : Rondo op. 1. Impromptu n° 3 op. 51. Nocturnes op. 27 n° 1 et 2, op. 55 n° 1 et 2. Mazurkas op. 68. Ballade op. 47. Valse op. 64 n° 3. Polonaise-Fantaisie op. 61. Berceuse op. 57. Szymon Nehring, piano. 1 CD Narodowy Instytut Fryderyka Chopina. Enregistrement au Concert Hall de la Philharmonie de Varsovie, en avril 2024. Notice de présentation en français et polonais. Durée : 60:18

 

Vainqueur du Concours Rubinstein en 2017, Jeune Artiste ICMA l'année suivante, fut également finaliste du Concours Chopin de Varsovie en 2022. Sa forte personnalité ne convainc pas totalement dans un programme qui associe des pièces composées à différentes époques de la vie du compositeur.

Ce dernier album que consacre à Chopin n'est pas si éloigné de l'état d'esprit qui prévalut dans son précédent disque, qui réunissait des pièces de compositeurs issus de l'esthétique minimaliste (IBS Classics). En apparence, aucun lien entre ces univers ! Pourtant, son choix des œuvres de Chopin révèle un intérêt profond pour des atmosphères propices à la contemplation et à des structures répétitives. Une telle approche fonctionne assez bien avec certains opus relativement brefs du compositeur polonais. Toutefois, sa démarche apparaît moins aisée dans les pages à l'architecture plus développée.

Le Rondo op.1 si charmant d'un Chopin alors âgé de 15 ans chante doucement, à la manière d'une musique juvénile et de bon aloi. Le Steinway joué avec un toucher aussi perlé se prendrait presque pour un pianoforte ! A cette virtuosité salonnarde, répond l'Impromptu op. 51 n° 3 qui ne chante pas assez et nous convie à un songe un brin futile. A ce compte, les Nocturnes de l'opus 27 ont perdu la noirceur de leur nuit romantique. Les couleurs pastel et vaguement impressionnistes brisent l'élan, d'autant plus que la main gauche demeure uniformément nimbée. Ceux de l'opus 55 sont interprétés de manière étonnante. En effet, l'auditeur a le sentiment que le chant est pris dans un carcan, enfermé par la pulsation rythmique de la main gauche. C'est techniquement bien réalisé, mais ce principe intangible montre ses limites.

Plus engagées sont les Mazurkas op. 68, pièces posthumes et dont les trois premières furent composées vingt ans avant la quatrième. Le caractère viril de l'Oberek (n° 1), le tempérament dépouillé du Kujawiak (n° 2) sont joliment mis en scène, avec un petit manque de tempérament toutefois. Cela se confirme dans la chanson rustique du folklore polonais un peu plate (n° 3). La dernière mazurka, un Lamento inachevé de 1849 est d'une harmonie dont l'étrangeté est saisissante. C'est déjà l'ombre d'un compositeur auquel il ne reste que peu de temps à vivre. Sous les doigts de , la Berceuse devient une sorte de nocturne, tenu par une longue pédale de tonique. Le pianiste impose avec raffinement, un sentiment étouffant d'immobilité. La Valse op.64 n°3, pièce tardive, joue de manière délicatement humoristique de la pulsation de la main gauche et du bavardage de la main droite. Cette valse – presque une mazurka – est d'une fantaisie que le pianiste traduit avec charme.

Ce qui fonctionnait dans les pièces relativement brèves pose problème dans la Ballade n° 3 et la Polonaise-Fantaisie. Dans la première, la respiration devient maniérée tant les intentions se multiplient à chaque phrase dont les notes sont parfois détachées avec des appuis trop marqués. Tout devient ornement et la dimension narrative, la continuité même du chant passent au second plan. Schumann commentait ainsi cette Ballade : « le Polonais distingué et intellectuel, habitué à se mouvoir dans les cercles les plus élégants de la capitale française s'y reconnaît distinctement. » Se regarder jouer ainsi dans un miroir, c'est créer un univers factice et prendre le risque que le lyrisme s'amenuise dans les passages les plus dynamiques. Dans la seconde partition, davantage fantaisie que polonaise, les tensions s'étiolent à nouveau en raison de multiples digressions. Szymon Nehring y égare la fièvre romantique. Son interprétation devient celle d'un Wanderer sans but précis. Au final, un récital séduisant, mais qui nous laisse sur notre faim.

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Frédéric Chopin (1810-1849) : Rondo op. 1. Impromptu n° 3 op. 51. Nocturnes op. 27 n° 1 et 2, op. 55 n° 1 et 2. Mazurkas op. 68. Ballade op. 47. Valse op. 64 n° 3. Polonaise-Fantaisie op. 61. Berceuse op. 57. Szymon Nehring, piano. 1 CD Narodowy Instytut Fryderyka Chopina. Enregistrement au Concert Hall de la Philharmonie de Varsovie, en avril 2024. Notice de présentation en français et polonais. Durée : 60:18

 
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