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Béla Bartók (1881-1945) : Le Mandarin merveilleux Sz. 73. Concerto pour violon n° 2 Sz. Ernst Kovacic, violon, Chœur de l’ORF et Orchestre symphonique de la Radio de Vienne ORF, Michael Gielen, direction. 1 CD Orféo. Enregistré en public au Musikverein de Vienne en janvier 1992 et mars 1995. Notice en anglais et allemand. 1h09’
OrfeoDisparu en 2019, Michael Gielen a laissé de nombreux jalons de l’œuvre de Bartók aussi bien chez Audite, Decca, Muso, Arte Nova, Hänssler que Vox sans oublier au sein de son anthologie composée de plusieurs coffrets parus chez SWR Music. Ces extraits de deux concerts captés par la Radio autrichienne méritent d’être entendus.
En 1926, la création du ballet Le Mandarin Merveilleux allait provoquer l’un des plus beaux scandales du XXe siècle ! L’œuvre fut d’abord écrite au piano et orchestrée en 1919. Bartók précisa toutefois rapidement le titre de la partition, un mimodrame, une pantomime dansée et jouée en un acte. La création de la version originale avec chœur eut lieu à l’Opéra de Cologne, le 27 novembre 1926. Pour l’anecdote, Konrad Adenauer, alors bourgmestre de la ville, fit en sorte de faire annuler les représentations.
Rappelons l’argument du Mandarin Merveilleux qui s’inspire du texte du dramaturge hongrois Menyhért Lengyel (1880-1974) : trois souteneurs ordonnent à une prostituée d’attirer dans leur maison des passants qu’ils pourront ainsi dévaliser. Après deux essais infructueux, un riche mandarin est pris au piège. Séduit par une danse lascive, il tombe amoureux de la prostituée. Après plusieurs tentatives pour tuer le mandarin, la jeune femme est prise de pitié. Elle le prend dans ses bras. Les plaies du mandarin se mettent alors à saigner et il meurt. La version originale que nous entendons est celle du ballet intégral d’une durée d’une petite trentaine de minutes. Une vingtaine de versions sont disponible et bien davantage dans la suite symphonique plus courte d’un tiers.
Cette lecture a été captée en concert dans l’acoustique chaude et resserrée quant à la profondeur des pupitres, du Musikverein de Vienne. Gielen joue de la proximité physique avec la salle pour une démonstration plus chorégraphique que symphonique. Il impose un tempo très soutenu à l’orchestre tout en sollicitant la personnalité des solistes. Il obtient un équilibre entre une maîtrise rythmique rigoureuse et le caractère narratif et expressionniste de la musique qui exacerbe un lyrisme sensuel. Cette version est largement supérieure à celle que grava Gielen quelques années plus tard avec le Symphonique de Baden-Baden Fribourg (SWR). A Vienne, la mise en place et la qualité des solistes sont bien supérieures. Au fil des mouvements (onze en tout), l’orchestre se libère avec de plus en plus de force. Lorsque « la fille s’effondre sur les genoux du mandarin » (n° 6), par exemple, l’orchestre atteint un sommet de violence éruptive, devenant une gigantesque machinerie : le raffinement du primitivisme, la dimension “barbare” des rythmes, l’éclatement des couleurs expriment le caractère sordide et orgiaque de la ville et des âmes. Il est vrai que l’orchestration est d’une richesse peu commune à cette époque : deux tambours, grosse-caisse, crécelle, triangle, tam-tam, xylophone, célesta, harpe, piano, orgue… L’auditeur perçoit ainsi une sorte de folie étouffante que la prise de son valorise.
S’il fallait situer cette version parmi une sélection d’enregistrements que nous estimons les plus intéressants du ballet intégral (nous ne mentionnons donc pas de remarquables lectures de la suite symphonique), notre choix serait le suivant et en ordre déclinant : Dorati / Symphonique de la BBC (Mercury), Boulez / Philharmonique de New York (Sony), deux lectures complémentaires et incontournables puis Chailly / Concertgebouw d’Amsterdam (Decca), Dohnanyi / Philharmonique de Vienne (Decca), Boulez / Symphonique de Chicago (DG), Gielen / Radio symphonique de Vienne (Orféo) et Salonen / Philharmonia (Signum).
Le chef d’orchestre et violoniste autrichien Ernst Kovacic est le soliste du Concerto pour violon n° 2. L’œuvre date de 1937. Elle répondait à la demande renouvelée du violoniste et ami de Bartók, Zoltán Székely. Ce disciple de Hubay et de Kodály se produisit pendant plus de quinze aux côtés de Bartók. Membre du légendaire Quatuor Hongrois, le soliste fut le grand promoteur de l’œuvre tout comme le jeune Yehudi Menuhin quelques années plus tard et qui allait graver l’œuvre à quatre reprises (trois fois avec Dorati et une version avec Furtwängler). Dès l’introduction du concerto, Ernst Kovacic offre une sonorité chaleureuse avec un vibrato noble, mais contenu et une perception lyrique de la partition.
Si les deux mouvements extrêmes “jouent” avec le dodécaphonisme alors que la variation centrale de l’Andante renoue avec le romantisme, c’est clairement vers cette esthétique que Kovacic dirige l’œuvre. Sa conception est, en effet, proche d’une tradition d’Europe centrale pour ne pas dire brahmsienne. On songe à Menuhin, Mutter, Perlman, Szeyring… Gielen joue magnifiquement de l’étonnante variété d’atmosphères, jusqu’au langage post-mahlérien de l’Andante tranquillo. L’orchestre “chante” de bout en bout y compris dans les timbales ! On en oublierait presque le caractère acrobatique de la partie du violon tant l’imbrication de l’archet et de l’orchestre est fusionnelle.
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