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Milan. Teatro alla Scala. 15-V-2025.
Défilé. Chorégraphie : Frédéric Olivieri. Musique : Tannhäuser de Richard Wagner. Danseurs du Corps de ballet de la Scala et élèves de l’École.
Giselle. Chorégraphie : Jean Coralli-Jules Perrot (version Yvette Chauviré), Musique : Adolphe Adam. Avec : Martina Arduino et Marco Agostino
Don Quichotte. Chorégraphie : Rudolf Noureev. Musique : Ludwig Minkus. Avec : Alice Mariani, Nicola Del Freo, Maria Celeste Losaµ
La Veuve joyeuse. Chorégraphie : Ronald Hynd. Musique : Franz Lehár. Avec : Marianela Nuñez, Reece Clarke, Virna Toppi, Mattia Semperboni , Gabriele Corrado Massimo Garon et le Corps de ballet
Oneguine. Chorégraphie : John Cranko. Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski. Avec : Nicoletta Manni, Reece Clarke
La strada. Chorégraphie : Mario Pistoni. Musique : Nino Rota. Avec : Antonella Albano Christian Fagetti
Roméo et Juliette. Chorégraphie : John Cranko. Musique : Sergei Prokofiev. Avec : Romina Contreras, Claudio Coviello
La Belle au bois dormant. Chorégraphie : Marius Petipa. Musique : Piotr Illitch Tchaïkovski. Avec : Marianela Nuñez, Marco Agostino Gabriele Corrado Massimo Garon Navrin Turnbull
Excelsior. Chorégraphie : Ugo Dell’Ara. Musique : Romualdo Marenco. Avec : Nicoletta Manni, Timofej Andrijashenko, et Corps de Ballet
Pour la quatrième année, la Scala de Milan programme un gala en hommage à Carla Fracci, sa plus grande prima ballerina. Avec un savoir-faire indéniable…
Qui dit « Ballet de la Scala de Milan » pense forcément « Carla Fracci ». la grande étoile italienne qui a fait les beaux soirs du théâtre milanais pendant toutes les années 60-70-80. En scène, « la » Fracci avait ce que l'on nomme la grâce, qui ne s'explique pas, mais se ressent. Rudolf Noureev l'avait compris, qui en a fait l'une de ses partenaires préférées, et pas seulement chez elle, à la Scala. Fracci était frémissante dans les ballets romantiques, (Giselle, La Sylphide, le Pas de quatre de Perrot) mais aussi bouleversante dans les drames (Roméo et Juliette) et drôle dans ses ballets plus ludiques (Coppélia, La Strada). À Milan c'est une telle star qu'après sa mort, le 27 mai 2021, la compagnie de tramway de Milan (où le père de Carla Fracci était conducteur) lui avait dédié une rame blanche où était reproduite sa signature, sur la ligne qui passe précisément devant la Scala. C'est dire si Milan sait rendre hommage à la plus célèbre de ses danseuses. Depuis 2022, La Scala, dont le Ballet était alors dirigé par Manuel Legris, a instauré un Gala annuel en son hommage.
Et à l'évidence, le théâtre milanais sait y faire. D'autant que pour cette quatrième édition conçue par Frédéric Olivieri (qui a succédé en mars à Manuel Legris, parti avant la fin de son ultime saison), le Ballet est revenu aux fondamentaux, à savoir une programmation conçue uniquement avec des rôles qu'elle a elle-même interprétés, reprenant ainsi les grandes lignes du premier Gala 2022.
Le rideau se lève sur un défilé réunissant étoiles, danseurs et élèves de l'École de danse de la Scala. Très similaire au défilé du Ballet de l'Opéra de Paris (son concepteur, Frederic Olivieri, ayant été élève puis danseur à l'Opéra de Paris), il débute avec une petite élève qui se lève et marche vers l'avant-scène, puis apparaissent les petites filles suivies des danseuses du Ballet, les petits garçons (en short noir et T shirt blanc) et grands danseurs avec apparition des solistes toutes seules. C'est efficace. Reste que la marche de Tannhäuser (d'ailleurs utilisée à la première création du défilé à Paris en 1926) n'a pas le même impact que celle des Troyens de Berlioz à Paris. Sans compter les effectifs (moins nombreux à Milan) et l'absence du Grand Foyer de Garnier qui donne au défilé parisien toute sa grandeur. Mais l'effet est là, et clore le défilé avec un portrait de Carla Fracci lui donne évidemment toute sa symbolique.
Vient ensuite le festin : pas moins de huit pas de deux ou extraits de ballet qui ont tous été interprétés par Carla Fracci. Et voir descendre à chaque fois un immense portrait d'elle avec le titre de l'œuvre à venir a de quoi donner un frisson irrépressible. Reste aux danseurs (et surtout aux danseuses) à garder de leur prestance pour égaler la divine. Les filles relèvent d'ailleurs davantage le défi que les garçons. Ceux-ci manquent pas mal d'allure, dans le placement, la propreté du travail de bas de jambes, la virtuosité ou la musicalité. Si Marco Agostino a la fièvre du prince Albrecht dans Giselle, Timofej Andrijashenko n'assure pas vraiment sa variation du génial barnum de l'Excelsior. Christian Fagetti a une très belle désinvolture dans le personnage comique de La Strada mais Claudio Corvello manque de fièvre dans son Roméo et son pas de deux du premier acte. Il faut dire que le choix du Roméo et Juliette de John Cranko n'est pas heureux, mais s'explique par le fait qu'il a été créé par Carla Fracci. Or, ce pas de deux manque totalement de frémissements, d'inquiétudes et de tourments que l'on retrouve pourtant si bien dans la partition de Prokofiev, et dans les versions Mac Millan ou Noureev. Ici, l'académisme prime, les mouvements prennent la pose alors que la musique ne s'arrête jamais et cela n'est ni musical ni passionnant, ni passionné.
On retrouve en revanche tout cela dans le très intéressant extrait de La Veuve joyeuse chorégraphié par Ronald Hynd en 1975. Fracci y dansa le rôle d'Hanna Glawari et Marianela Nunez, la grande étoile invitée du Royal Ballet de Londres montre à merveille son incomparable talent de danseuse qui joue, ou de comédienne qui danse, c'est selon. Il faut voir sa tristesse au début de la valse, ce pied qui se présente en développé devant, ces portés enthousiastes… Transportée par son rôle, Nunez emmène aussi son public, mais également ses partenaires, boostés par la star invitée, et cela se voit dans la scène de can-can mais aussi chez la très passionnante Virna Toppi.
On retrouve Nunez dans un admirable Adage à la rose de La Belle au bois dormant qui déclenche l'enthousiasme de l'immense salle de la Scala, et à juste titre. Là encore, la présentation du pied, la recherche de l'équilibre sans vouloir faire des œillades au public, ces ports de bras très bas, ses promenades, ses mouvements de tête mais aussi son jeu d'actrice (lorsqu'elle prend la rose des mains des princes, elle la hume vraiment à chaque fois) font de son adage mythique, un moment suspendu. On retrouve un tel moment avec la très belle Giselle de Martina Arduino (version Chauviré), qui ouvrait la soirée. Arduino possède ce legato absolu, cette délicatesse qui prolonge le mouvement jusqu'au bout et lui donne une signification toujours si claire. La curiosité de la soirée est aussi cet extrait de La Strada, ballet signé Mario Pistoni et créé pour Fracci en 1966 à partir du film de Fellini. « Beppe (Menegatti, son mari) me disait que mon âme de danseuse est faite de trois G : Giselle, Giulietta et Gelsomina » disait Carla Fracci. Cette Gelsomina possède une drôlerie nostalgique, une solitude et une gaminerie magnifiques, et fort bien travaillées par Antonella Albano.
L'orchestre (dirigé comme un grand-père de famille par Valery Ovsyanikov) peut alors s'en donner à cœur joie dans cette musique pompière à souhait… Avant que les danseurs comme le public saluent une dernière fois la prima ballerina qui veille sur eux.
À signaler également : l'exposition dans le Grand Foyer du Théâtre de photographies de répétitions du Ballet de la Scala par le Français Gérard Uféras, ainsi que l'installation en plein air située face à la Scala et intitulée « Art is ». La Scala a demandé à plus de 100 artistes (danseurs, chanteurs, musiciens, plasticiens, metteurs en scène, photographes) de répondre à la question : « Art is… ? » Ces courtes vidéos visibles sur un grand écran jusqu'au 25 mai sont passionnantes.
Crédits photographiques : © Scala de Milan
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Milan. Teatro alla Scala. 15-V-2025.
Défilé. Chorégraphie : Frédéric Olivieri. Musique : Tannhäuser de Richard Wagner. Danseurs du Corps de ballet de la Scala et élèves de l’École.
Giselle. Chorégraphie : Jean Coralli-Jules Perrot (version Yvette Chauviré), Musique : Adolphe Adam. Avec : Martina Arduino et Marco Agostino
Don Quichotte. Chorégraphie : Rudolf Noureev. Musique : Ludwig Minkus. Avec : Alice Mariani, Nicola Del Freo, Maria Celeste Losaµ
La Veuve joyeuse. Chorégraphie : Ronald Hynd. Musique : Franz Lehár. Avec : Marianela Nuñez, Reece Clarke, Virna Toppi, Mattia Semperboni , Gabriele Corrado Massimo Garon et le Corps de ballet
Oneguine. Chorégraphie : John Cranko. Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski. Avec : Nicoletta Manni, Reece Clarke
La strada. Chorégraphie : Mario Pistoni. Musique : Nino Rota. Avec : Antonella Albano Christian Fagetti
Roméo et Juliette. Chorégraphie : John Cranko. Musique : Sergei Prokofiev. Avec : Romina Contreras, Claudio Coviello
La Belle au bois dormant. Chorégraphie : Marius Petipa. Musique : Piotr Illitch Tchaïkovski. Avec : Marianela Nuñez, Marco Agostino Gabriele Corrado Massimo Garon Navrin Turnbull
Excelsior. Chorégraphie : Ugo Dell’Ara. Musique : Romualdo Marenco. Avec : Nicoletta Manni, Timofej Andrijashenko, et Corps de Ballet