Avec Pygmalion et Raphaël Pichon, une version majeure de la Messe en si mineur de Bach

Superbe interprétation, tout en contrastes et en recueillement, d'une œuvre souvent considérée comme le testament musical du cantor de Leipzig. Raphaël Pichon s'affirme comme un des grands spécialistes de Bach de sa génération.

Depuis le temps qu'il la dirige en concert à la tête de son ensemble Pygmalion, le public a pu se familiariser avec la vision qu'a Raphaël Pichon du chef d'œuvre ultime de Johann Sebastian Bach, souvent considéré comme son testament musical. Déjà en 2012, le jeune chef d'orchestre avait confié au disque la version dite 1733 de la Messe en si mineur, cet ouvrage à la genèse et à la gestation compliquées. L'auditeur pourra donc comparer, séparées de plus d'une dizaine d'années, les versions livrées au disque de la partie connue sous le nom de « Missa : Kyrie, Gloria ». Il ne nous est pas difficile d'écrire aujourd'hui que la lecture de Raphaël Pichon constitue une interprétation majeure de cet ouvrage emblématique, peaufiné par Bach dans les dernières années de sa vie. On notera tout d'abord la place essentielle accordée au chœur, composé d'une trentaine de chanteurs contrairement à d'autres expériences où l'on a tendance à confier la partie chorale à un effectif plus réduit. Ce chœur plutôt fourni, aux effets dynamiques riches, variés et savamment architecturés, permet également à l'orchestre de soigner les contrastes entre les passages tout en douceur, parfois confiés au seul continuo, et les tutti majestueux où trompettes et timbales s'en donnent à cœur joie. Savamment dosées, les parties chorales veillent à l'homogénéité et l'unité de l'ensemble tout en se montrant d'une exceptionnelle virtuosité dans les passages fugués.

Tous les solistes, discrets mais efficaces, contribuent à la réussite de l'ensemble, mêlant leur voix aux solos instrumentaux qui les accompagnent pour se fondre dans le tissu harmonique de l'ensemble. Se détachent cependant le timbre délicieusement acidulé de la soprano Julie Roset, les sonorités ambrées des mezzos Beth Taylor et Lucile Richardot, l'onctuosité du ténor Emiliano Gonzalez Toro et la basse à la fois souple et caverneuse de Christian Immler.

Un magnifique album, qui donne envie d'entendre et de réentendre un ouvrage qu'on croyait connaître par cœur, qu'on redécouvre avec la plus grande humilité sans verser pour autant dans la religiosité.