Le violon de Khatchatourian, entre folklore et avant-garde
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Aram Khatchatourian (1903-1978) : « The dancing violin », intégrale de l’oeuvre pour violon solo et piano. Song-Poem In Honor of Ashoughs (1929). Dance n°1 (1925). Sonate pour violon et piano (1932, création mondiale). Adagio pour violon solo de Gayaneh. Aisha’s Dance de Gayaneh. Dance (1926). Sonata-monologue pour violon solo (1975). Danse du sabre de Gayaneh. Nocturne de Masquerade. David Haroutunian, violon. Xénia Maliarevitch, piano. 1 CD Fuga Libera (Outhere Music). Enregistré à Paris les 5 et 7 juin 2023. Notice de présentation en anglais et français. Durée : 61.53
Fuga LiberaLe violoniste arménien David Haroutunian livre un vibrant portrait du compositeur le plus célèbre de son pays. Des œuvres où l'avant-garde se cache parfois derrière la nostalgie du folklore.
Aram Khatchatourian (1903-1978) bénéficie-t-il d'un retour en grâce ? Après un brillant récent album du pianiste Jean-Yves Thibaudet chez Decca, consacré entre autres au Concerto pour piano, l'auteur de la célébrissime Danse du sabre est à nouveau à l'honneur avec un magnifique disque de l'intégrale de son œuvre pour violon solo (dont plusieurs inédits) par son compatriote David Haroutunian en compagnie de la pianiste Xéna Maliarevitch.
L'œuvre d'Aram Khatchatourian est beaucoup plus intéressante que la réputation de compositeur « officiel » de l'Union Soviétique qui lui colle à la peau. Bien sûr, cet ancien élève de Nikolaï Miaskovski (1881-1950) et de Reinhold Glière (1875-1956) au Conservatoire de Moscou est un pur produit de la grande école russe de composition, adepte de la grande forme, de la mélodie pure et du lyrisme parfois facile. Mais à l'instar de Béla Bartók ou Zoltan Kodaly, il a collecté nombre de thèmes de son folklore arménien natal qu'il a intégrés dans chacune de ses œuvres, imprégnant celles-ci d'un parfum nostalgique irrésistible. Et derrière le relatif conformisme de la musique de Khatchatourian se cache parfois un avant-gardiste qui s'ignore.
C'est ce que révèle le disque passionnant The dancing violin que nous livre David Haroutunian. Cet élève de Jean-Jacques Kantorow au Conservatoire national supérieur de musique de Paris s'est vu confié par Karen Khatchatourian une sonate inédite de son père pour violon et piano. Composée en 1932, celle-ci est restée totalement inédite jusqu'à aujourd'hui. On devine pourquoi Aram Khatchatourian n'a pas voulu éditer cette œuvre, âpre et sombre, afin de ne pas la soumettre à la censure de l'Union des compositeurs soviétiques.
Cette sonate, qui est le pivot central de ce disque, est pourtant un chef-d'œuvre d'un pessimisme absolu, à l'image de certaines pages « secrètes » de Dimitri Chostakovich à l'époque. Le magnifique violon (un Carassi de 1753) de David Haroutunian y est absolument souverain, subtilement accompagné par le piano expressif de Xéna Maliarevitch. Mais c'est bien le violon qui domine cette œuvre monumentale en deux mouvements, véritable poème où, entre deux échos de folklore arménien, l'archet se fait déchirure et déploration.
Cette nostalgie irrépressible, on la trouve également dans le Chant poème en hommage aux Ashoughs (bardes arméniens) de 1929 qui ouvre le disque. Une page déchirante bien loin de la « pompe » officielle de certaines symphonies ou ballets d'Aram Khatchatourian.
David Haroutunian nous révèle également l'avant-gardisme de la Sonate monologue pour violon solo de 1975. Cette pièce tardive, dont la sombre austérité n'est pas sans rappeler la Sonate de Bartók, est une autre facette d'un compositeur plus surprenant qu'il n'y paraît.
Enfin, ce disque ne pouvait pas ne pas intégrer quelques « tubes », à savoir les célèbres transcriptions par Jasha Heifetz de la Danse du sabre (« le Boléro arménien » selon les mots de David Haroutunian) et de la belle Danse d'Aisha extraits du ballet Gayaneh. Ainsi que la merveilleuse transcription pour violon seul par Abram Yampolsky et David Haroutunian lui-même de l'Adagio du même ballet. Une vision qui, dans son épure, surpasse la version originale pour orchestre. Le violoniste y est une fois de plus d'une exceptionnelle clarté et poésie.
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Aram Khatchatourian (1903-1978) : « The dancing violin », intégrale de l’oeuvre pour violon solo et piano. Song-Poem In Honor of Ashoughs (1929). Dance n°1 (1925). Sonate pour violon et piano (1932, création mondiale). Adagio pour violon solo de Gayaneh. Aisha’s Dance de Gayaneh. Dance (1926). Sonata-monologue pour violon solo (1975). Danse du sabre de Gayaneh. Nocturne de Masquerade. David Haroutunian, violon. Xénia Maliarevitch, piano. 1 CD Fuga Libera (Outhere Music). Enregistré à Paris les 5 et 7 juin 2023. Notice de présentation en anglais et français. Durée : 61.53
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